Assurance islamique : Les impacts de l’environnement financier et géopolitique

Une vue des Emirats Arabes Unis.
Une vue des Emirats Arabes Unis.

S&P Global Ratings s’attend à ce que l’amélioration du climat économique, les dépenses d’infrastructure en cours, la nouvelle couverture obligatoire et la demande d’assurance globalement plus élevée profitent aux assureurs islamiques du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) au cours des deux prochaines années.

En effet, la hausse du prix des hydrocarbures, selon notre hypothèse d’un prix moyen du Brent de $100 le baril (/bbl) pour 2022 et de 85 $/bbl en 2023, entraînera vraisemblablement une accélération de la croissance économique dans cette région exportatrice de pétrole. Cela devrait se répercuter sur le secteur de l’assurance islamique (Takaful), pour lequel nous prévoyons que les primes émises brutes augmentent d’environ 10% en 2022 et de 5% à 10% en 2023.

Cependant, la situation sur chacun des marchés individuels pourrait ne pas être aussi positive. L’année dernière a été globalement rentable pour le secteur, mais les bénéfices n’ont pas été répartis de manière égale. Après plusieurs années de croissance lente, il y a eu une reprise des primes régionales en 2021 grâce à l’Arabie Saoudite, qui a contribué à environ 87% des primes brutes pour tous les assureurs islamiques du CCG. La croissance régionale globale d’environ 8% a été principalement stimulée par une augmentation de l’activité santé, suite à certains ajustements tarifaires et à l’extension des couvertures d’assurance. Contrairement à la croissance de l’Arabie Saoudite, nous notons que la progression sur les marchés restants du CCG a été plus modeste, n’atteignant qu’environ 3.5% à 4.0% en 2021.

En 2022, les assureurs saoudiens ont enregistré une croissance des primes d’environ 17% sur le premier trimestre. Cependant, nous estimons que cette croissance se tassera au cours de l’année, en raison de la pression continue sur les tarifs. C’est aussi le cas aux Émirats Arabes Unis, où les assureurs ont déjà enregistré une baisse des primes au premier semestre. Par conséquent, nous prévoyons que les primes de l’ensemble du secteur augmenteront d’environ 10% en 2022, l’Arabie Saoudite restant le principal moteur de la croissance et le plus grand marché de la région.

En ce qui concerne les assureurs régionaux Takaful, ils ont bénéficié en 2020 d’une faible exposition aux sinistres liés au COVID-19 (automobiles et santé en raison des restrictions de mouvement). En 2021, la sinistralité a atteint et parfois même dépassé les niveaux pré-pandémiques dans la plupart des pays du CCG, à mesure que les économies se réouvraient et que la mobilité reprenait. A cette dernière situation s’ajoute un environnement inflationniste qui entraîne actuellement des augmentations de prix pour les pièces de rechange et les services, ce qui amplifie la pression sur les marges bénéficiaires.

Nous nous attendons également à ce que les rendements des investissements restent volatils en 2022. Bien que les marchés boursiers du CCG aient mieux performé que beaucoup d’autres dans le monde, nous notons que le prix des obligations (sukuk) ont baissé suite à une augmentation des taux d’intérêt. En effet, étant donné que les taux d’intérêt américains augmentent, les banques centrales du CCG, dont les devises sont indexées sur le dollar, font face à une pression continue pour augmenter les leurs en parallèle et ceci afin de contenir l’inflation et empêcher les sorties de capitaux. Cela dit, les assureurs bénéficieront probablement de taux d’intérêt plus élevés à moyen terme, en raison des effets positifs sur les rendements de leurs liquidités et de leurs dépôts à terme.

Pour conclure, nous pensons qu’une concurrence intense et une augmentation de la fréquence des sinistres continueront de peser sur la rentabilité des assureurs islamiques en 2022, avant une reprise modeste en 2023 soutenue par des ajustements tarifaires dans les lignes déficitaires et par la hausse des taux d’intérêt, qui devrait stimuler les rendements sur investissements.

Par Alphée Roumens, Credit Rating Analyst
S&P Global Ratings

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