Chronique : Pay as you are connected !

Plus de doute à cultiver à la rentrée : les objets connectés bouleverseront à terme le modèle économique des groupes d’assurances et des établissements financiers. Au rancard, les corrélations statistiques assises sur le passé qui alimentent les calculs actuariels… A l’instar du réchauffement global de la planète, observé depuis le début du XXe siècle, la connexion en temps réel avec une puce devrait favoriser l’émergence de données de plus en plus chaudes…

Dans ce climat de haute incertitude numérique, le tout télésurveillé va-t-il supplanter le tout assuré ? Une bonne raison de s’inquiéter… lorsque le tout connecté, tout inclus ou à la carte, risque de mettre les assureurs sur la paille !
Une meilleure anticipation des accidents et des désordres grâce à la connexion « intelligente » des objets entraînerait la réduction drastique du nombre de sinistres ou du moins leur gravité ou leur répétition. Un objet qui avertit en vaudra-t-il deux pour soulager les assurés de leurs maux et de leurs misères ? Il pourrait en être ainsi, par exemple, en matière de dégâts des eaux (recherche permanente de fuites), de dommages électriques (annonce de court-circuit ou de panne), de conduite automobile préventive (diagnostic du système de freinage, aptitude à prendre le volant, identification des conducteurs, choix d’itinéraires, etc.), mais aussi dans les domaines de l’hygiène et de la santé (prévention des accidents domestiques, des chutes, etc.)

La télésurveillance tous azimuts, personnalisée et paramétrable, nouvel eldorado du secteur de la protection des biens et des personnes, prévaudra-t-elle alors sur la prévention programmée et cartographiée des assureurs ? Une vertu longtemps revendiquée depuis le grand incendie de Londres. Ce n’est pas la famille Farynor, qui assurera du contraire, qui, faute de coupe-feux et de réactivité des autorités de la capitale anglaise, vit leur fournil de Pudding Lane prendre feu dans la nuit du dimanche 2 septembre 1666. On connaît la suite…
Or depuis plus de trois siècles et demi, le sinistre ou le dommage est le fonds de commerce des assureurs et les catastrophes, naturelles ou non, celui des réassureurs. Mais c’est aussi l’aliment de base de l’actuaire ! L’assurance faisant vivre près de 200 000 personnes, rien qu’en France…
Dans ce contexte objectif, faudra-t-il promouvoir le titre d’ingénieur-actuaire pour intégrer dans les modèles stochastiques les occurrences générées par les possibilités infinies de connexion ? De quoi donner enfin une âme aux objets inanimés… et apaiser ainsi Alphonse de Lamartine, argueront les nostalgiques de la loi de Gauss et de la loi de Poisson.

Face à ces bouleversements comportementaux incontournables, pointons, néanmoins, un bémol d’ordre budgétaire. A voir la cherté des tarifs pratiqués par les sociétés de télésurveillance du domicile, on pourrait affirmer que le budget télésurveillance des ménages connectés, étendu à l’automobile et à la santé, entre autres, dépassera de loin les primes afférentes à ces contrats… La cotisation mensuelle de la prestation d’alerte téléphonique ou via Internet est aujourd’hui nettement supérieure à celle d’un contrat multirisque habitation de très grand confort ou d’un véhicule de moyenne cylindrée. Cela peut être vérifié tant pour les risques domestiques de particuliers que pour certains risques d’entreprises.

L’assuré télésurveillé paiera donc plus cher pour éviter le sinistre et ses désagréments que pour en être dédommagé, en cas de survenance, s’entend. Une moindre dépense pour les récalcitrants au tout connecté qui préfèreront l’amende au respect de la règle et le préjudice à l’avertissement…
Au total, on peut estimer que le marché de la connexion va opposer les assureurs traditionnels aux fins capteurs de risques que seront les prestataires de la télésurveillance… pilotant à distance caméras, détecteurs de fumée, instruments de détection d’intrusion, ampoules intelligentes et dispositifs de recherche de fuite.

PS : L’avènement du « Pay as you are connected » risque donc de chambouler durablement la donne assurancielle et assistancielle. Mais pas seulement, d’autres secteurs pourraient tirer leur épingle du jeu. On pourrait imaginer, par exemple, un bouleversement de la manière d’être informé de façon pertinente grâce aux objets. Pourquoi pas une connexion de l’abonné de News Assurance Pro avec une plate-forme de conseils et de services à la carte à partir d’une liaison avec un véhicule, un appareil électroménager ou une montre !

Donat Nobilé
Auteur de « Gérer le zapping de ses clients/Réflexions innovantes en assurance pour 2015 et au-delà… »
Biographe d’entreprise
Associé-Gérant de Transvers Consulting

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