Chronique : Le caractère imprévisible de l’assurance responsabilité civile

Travailleur qui soude

Le temps de développement parfois très long des sinistres dans la branche Responsabilité Civile est l’une des principales préoccupations des assureurs non-vie. De par leur nature, ces sinistres latents présentent des incertitudes quant au moment où ils surviennent ainsi que sur le montant des pertes financières ultimes à la charge des assureurs.

Parmi les branches de responsabilité civile, S&P Global Ratings identifie l’indemnisation des accidents du travail, l’assurance responsabilité des fabricants, la responsabilité professionnelle, la responsabilité civile liée aux risques cyber, automobile ou construction comme étant les principales branches sujettes à une longue latence des sinistres.

Nous avons identifié ces lignes d’activité pour leurs caractéristiques communes, notamment les délais potentiellement longs entre la survenance du sinistre et sa déclaration. Par conséquent, les assureurs ont souvent du mal à attribuer les pertes à une date voire une année précise. De plus, ces lignes d’activité sont souvent sujettes à des risques imprévus qui ne sont pas toujours correctement tarifés lors de la souscription du contrat d’assurance.

Les grandes catastrophes naturelles, allant des ouragans aux tremblements de terre, font souvent la une des journaux en raison des pertes en vies humaines et des milliards de dollars de dégâts qu’elles occasionnent. Pour autant, la même attention est rarement accordée aux sinistres latents à grande échelle. Une des raisons est que les pertes matérielles liées aux catastrophes naturelles sont visibles et assez rapidement estimables une fois qu’elles sont intervenues. Par conséquent, l’analyse des événements passés peut, dans une certaine mesure, aider à évaluer la plupart des pertes future.

Les sinistres latents sont quant à eux fondamentalement complexes et suivent un processus moins perceptible de par leur lien avec le comportement humain ainsi que d’autres variables (économiques / juridiques / environnementales). En raison du caractère évolutif et de long terme des sinistres latents (les sinistres étant réglés longtemps après la survenance des évènements), les observations du passé sont généralement des indicateurs moins fiables des pertes futures. Cela pourrait exposer les assureurs non aguerris à des pertes disproportionnées résultant d’une forte accumulation de risques.

Rétrospectivement, le scandale de l’amiante a été le litige de masse le plus coûteux de l’histoire de l’industrie de l’assurance. Aujourd’hui, cette même industrie fait face à de nouveaux litiges en responsabilité comme par exemple celle du fabricant pour le désherbant Roundup de Bayer AG ou la poudre pour bébé de Johnson & Johnson. A ce stade, les estimations des coûts liés à ces litiges varient énormément selon les sources.
Bien qu’il soit impossible de prédire où et quand surviendra le prochain sinistre latent d’envergure, l’environnement juridique actuel et le haut niveau d’inflation médicale ne laissent rien présager de bon.

En ce qui concerne les pertes dans le secteur de l’assurance, nous ne prévoyons pas de choc immédiat dans l’univers des compagnies que nous notons. Toutefois, ce risque pourrait contribuer à nuire à la qualité du crédit des assureurs exposés.

Olivier Karusisi
Directeur délégué S&P Global Ratings

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