Cercle LAB : Retour sur la 3ème réunion du club prévoyance (saison 2020-2021)

Le club prévention du 3 juin.
Le club prévention du 3 juin a eu lieu en visio-conférence.

Le club prévoyance s’est réuni le 3 juin en visioconférence pour aborder les conditions de réussite de la prévention de l’usure professionnelle.

Après une première réunion consacrée au rôle des assureurs dans la préservation du capital humain des entreprises, et une deuxième réunion sur la prise en charge des fragilités des collaborateurs, le club prévoyance s’est réuni le 3 juin pour traiter la prévention de l’usure professionnelle.

S’intéresser à l’usure professionnelle est un des moyens d’avoir un impact sur l’absentéisme des entreprises, qui ne fait qu’augmenter depuis des années. Olivier Milcamps, senior manager de PMP conseil, a présenté en introduction les enjeux qui ont conduit à une augmentation de l’usure professionnelle : la part grandissante des 55 ans et plus dans la population active, l’augmentation continue des personnes atteintes de maladie chronique, les différentes réformes de retraites qui ont conduit à un allongement de la vie professionnelle, et enfin, l’entrée tardive sur le marché de travail des salariés.

Marion Gilles, sociologue de l’Anact, a également cité les caractéristiques du travail : la persistance des contraintes, l’augmentation du travail de nuit ou en horaire décalé, la persistance des exigences physiques, les changements fréquents dans le travail et la grande diversité des situations de transition entre emploi et retraite. En effet, une partie importante des personnes qui liquident leur retraite ne sont plus en emploi. Une part importante des seniors passent par une période d’inactivité ou chômage, avant d’entrer en retraite.

Les politiques publiques sont focalisées sur l’emploi des seniors, alors qu’il conviendrait prévenir l’usure professionnelle tout au long de la carrière. L’objectif est de maintenir les travailleurs en bonne santé le plus longtemps possible et aussi durant la retraite.

« L’usure professionnelle résulte d’une exposition répétée à des niveaux de contraintes élevées que ce soit physiques ou psychiques. C’est un processus qui se caractérise par une détérioration de la santé au point de dégrader la capacité à réaliser le travail », explique Marion Gilles. L’usure professionnelle résulte de situations de travail rencontrées tout au long de la carrière et se manifeste souvent par des problématiques de santé physique (troubles musculo-scheletiques) ou mentale.

Dans les organisations, l’usure se manifeste de manière très diverse. L’augmentation des inaptitudes, de l’absentéisme, le manque attractivité, les difficultés de recrutement, la baisse de l’engagement des collaborateurs sont des expressions d’une organisation touchée par l’usure professionnelle. « Dans certains organisations, on voit des formes d’usure qui apparaissent très tôt dans le parcours », selon Marion Gilles.

Pour mener des actions de prévention, il y a plusieurs niveaux d’action : Au niveau de l’entreprise, il convient de repérer le problème, ce qui n’est pas une tâche facile. Souvent les entreprises s’y prennent au moment d’une crise, alors que c’est le moment où les marges de manœuvre sont les plus réduites. Le maître mot c’est « anticiper », avoir une vision rétrospective. Ensuite, il convient de mettre en place des actions qui concurrent à développer les situations de travail et de parcours protecteurs. Intervenir sur l’organisation du travail, sur le rythme, réduire les contraintes, aménager les postes…

Marion Gilles a donné l’exemple d’une société de logistique dans laquelle des enquêtes auprès des collaborateurs ont permis d’identifier le problème. L’encombrement d’un entrepôt provoquait du stress chez les salariés, qui devaient porter des charges lourdes. En modifiant l’organisation du travail et les horaires des équipes des caristes et des préparateurs de commandes, les conditions de travail se sont améliorées. Avoir une approche globale plutôt qu’une approche risque par risque a permis de trouver des solutions complexes.

Dans une démarche de prévention de l’usure professionnelle, il est nécessaire d’adapter les parcours à l’âge et aux conditions physiques des collaborateurs, en mettant en place des organisations apprenantes et en valorisant l’expérience. L’idée est d’adapter les itinéraires pour limiter les expositions. Par exemple, une entreprise de soins à domicile confronté à un taux d’absentéisme très élevée à créé le poste d’infirmière relais, chargée de maintenir le lien entre les médecins, les patients et la famille. Ces infirmières informent des prochains examens, assurent la formation auprès des collègues… Ces postes sont occupés à temps partiel par des salariées en fin de carrière. Cela a permis de maintenir les compétences relationnelles et techniques et de valoriser les équipes.

Pour bien mener une politique de prévention de l’usure professionnelle, il convient de faire travailler plusieurs acteurs, articuler la fonction RH avec la fonction prévention des risques, décloisonner les organisations et inclure le dialogue social pour négocier les compromis autour de l’organisation du travail. Il existe des outils pour assurer la veille et le suivi des caractéristiques de la population, car il est important d’avoir des données rétrospectives pour mesurer l’impact des actions.

Evelyne Escriva, chef de projet partenariats l’Anact, a indiqué que l’usure professionnelle va au-delà des questions de pénibilité. Elle a insisté sur les dynamiques qui se jouent dans la durée et a averti sur l’impact limité des actions ponctuelles et individuelles.

Santé au travail vs santé tout court

L’Anact se focalise sur la prévention professionnelle, à la différence d’autres acteurs comme parfois les assureurs qui mènent des actions de prévention de santé publique. « Nous ne sommes pas focalisés sur le bien manger, bien dormir et faire du sport, mais plutôt sur les conséquences du travail sur l’état de santé des collaborateurs », a indiqué Evelyne Escriva. Il convient d’articuler les niveaux de prévention primaire, secondaire ou tertiaire.

L’Anact a mené plusieurs partenariats avec des acteurs de l’assurance afin de diffuser la culture de la prévention professionnelle auprès des acteurs relais. L’Anact est sollicité par des organismes complémentaires mais également par des organisations professionnelles. Par exemple, l’agence a travaillé avec la branche de la Mutualité pour mettre en place des actions de prévention dans le cadre du degré élevé de solidarité. Elle a également accompagné Malakoff Humanis dans la construction d’une équipe de préventeurs.

Guillaume Pertinant, fondateur d’Havasu et expert sur la qualité de vie au travail du groupe Vyv, a présenté la Box QVT, développé en partenariat avec Smacl Assurances. La box QVT est une boîte à outils à destination des services RH des collectivités locales. Elle contient un centre de ressources pour animer des projets de prévention de A à Z. L’objectif est de rendre les acteurs autonomes pour leur permettre de prendre en charge les actions de prévention, alors que d’habitude ces programmes sont confiés à des prestataires. La Box QVT diffuse des connaissances de base comme pourquoi et comment créer un comité de pilotage. L’objectif est de faire monter en compétence les acteurs.

Par ailleurs, la box QVT permet aux collectivités locales de faire un diagnostic absentéisme  et de le comparer avec l’absentéisme de communes de taille similaire. L’objectif est de mieux caractériser les phénomènes. « La statistique devient un prétexte au dialogue social », explique Guillaume Pertinant. Le déploiement du service, lancé en novembre 2019, a été freiné par les élections municipales et la crise de la covid. 400 collectivités territoriales ont installé le dispositif.

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