La lutte contre la fraude en assurance de personnes et les nouvelles technologies

Retour sur la conf du CercleLAB le 5 avril 2018
(programme complet)

Lorsque l’on parle de fraude en assurance de personnes, on évoque historiquement la fraude des assurés alors que  9 fois sur 10, ce sont les professionnels de santé qui en sont à l’origine. Les paiements indus représenteraient  tout de même la bagatelle de 10% des indemnités en Santé ! De son côté, la CNAMTS ne détecte que 0,15 de fraude…
A noter qu’au titre de la fraude, il convient, pour les assureurs,  d’englober l’optimisation des garanties ; acception qui semble avoir été également reconnue par le syndicat des opticiens.
On a souvent entendu dire que le coût de la lutte anti-fraude sur de petits dossiers était telle qu’il était économiquement plus intéressant de ne pas intervenir. En effet le coût de détection, d’intervention, de preuve  (souvent difficile à établir), de récupération des sommes indûment réglées, diminue fortement l’intérêt du traitement curatif. En revanche, intervenir en amont prend tout son sens, comme cela est démontré dans le domaine de l’optique. En effet, la détection au moment de la demande de prise en charge (tiers payant) évite les règlements  non justifiés. Il faut par ailleurs noter que les opticiens font l’objet d’un conventionnement et sont soumis à un contrôle aléatoire, des enquêtes, des analyses de consommation leur affectant un profil de professionnel de santé. L’expérience montre que lorsque ces professionnels se savent surveillés, leur consommation diminue…
Reste qu’il est toujours difficile de calculer un ROI du contrôle à priori puisque, pas définition, ce sont des sommes qui n’ont pas été identifiées.

L’apport des technologies dans la lutte anti-fraude.
La digitalisation des processus et de la relation client qui  implique la standardisation est un facteur de facilitation de la fraude. Si les modes opératoires évoluent, les types de fraudes restent  quant à eux les mêmes.
Data, Intelligence Artificielle, algorithmes de détection, machine learning,… sont autant de nouveaux moyens au service de cette lutte, notamment en permettant de traiter  les dossiers de faible coût.
Les data disponibles, tant en interne qu’en externe, permettent de nourrir des algorithmes spécialisés pour chaque cas de détection. Ceci est déjà parfaitement opérationnel en matière d’utilisation de l’open data pour des sinistres « arrêt de travail » dans le cadre d’assurance emprunteur.
La technologie permet en outre de traiter simultanément une grande quantité de données (de 70 à 400 paramètres), lorsque le collaborateur est limité à en utiliser seulement 7.
Des avancées technologiques sont en cours de développement, tel que le machine-learning et la biométrie comportementale (analyse du comportement de navigation sur le site)

L’expérience  des insurtechs
De nombreuses  startups  proposent aujourd’hui des assurances au travers de nouvelles modalités : peer-to-peer, collaboratif, affinitaire, assurance on demand, …
Ces nouvelles approches sont susceptibles de diminuer, voire de supprimer, les risques de fraude, par exemple :
– par la suppression des étapes où la fraude peut être créée : cas de l’utilisation de la blockchain
– par l’intégration de l’I.A. dans le processus sinistre
– par la mise en œuvre de nouveaux outils comme le Nudge (action sur le comportement du déclarant)
– par la création d’un cercle vertueux : promesse de récupération d’une partie de la cotisation
– par l’absence d’exclusions comme en assurance voyage on demand (retard d’avion)
Autant de pistes de réflexion pour l’assurance de personnes.

Fraude, Technologie et collaborateurs
L’avenir est au partenariat Technologie & Humain (cf. Shift-Technology & AG2RLM). Notamment en matière d’I.A. au service d’un collaborateur augmenté. Loin de supprimer l’intervention humaine, l’I.A. permet d’analyser les documents clients scannés et de pousser vers le collaborateur les dossiers où des anomalies potentielles ont été décelées.
En amont, les gestionnaires doivent être associés étroitement  à la mise en œuvre des nouveaux outils ; ainsi les règles métier des experts (leurs alertes) pourront être traduites dans le système de machine learning (devenant des indices).
Ces technologies apportent davantage d’agilité, de processus sans couture, c’est-à-dire la possibilité de détection en temps réel au cours du process assurantiel et donc de minimiser l’impact de la lutte anti-fraude sur la relation-client.

Perspectives
L’exploitation maximale et intelligente des  data et des technologies permettra de passer du stade curatif au stade préventif. Sa mise en œuvre est le fait d’un partenariat étroit entre l’assureur et le partenaire technologique.
Il est évident que les exigences règlementaires en matière de lutte anti-fraude ne feront que se renforcer et que le règlement RGPD aura un impact (par exemple l’obligation de prévenir les intéressés d’un traitement de profilage)
Mais, dans tous les cas, l’automatisation devrait laisser une large place à l’Humain qui seul doit maîtriser les procédures de contrôle.

Christian PARMENTIER, Fondateur du LAB
Animateur du Blog “sauvonslassurance”
Co-Auteur des Grands Principes du Marketing de l’Assurance

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