Santé : Thomas Fatôme recadre les organismes complémentaires

Thomas Fatôme est directeur général de la Cnam. Crédit : Julie Bourges.
Thomas Fatôme est directeur général de la Cnam. Crédit : Julie Bourges.

Dans une tribune aux Échos, Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) recadre les organismes complémentaires. Il ouvre la porte à une meilleure collaboration.

La date de publication n’a pas été choisie au hasard. La veille de la réunion du Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC), Thomas Fatôme envoie un message vindicatif au secteur de l’assurance afin « d’élever le débat ». « Le 15 décembre, le ministre de la Santé engagera de nouveaux travaux entre l’Etat, l’assurance-maladie obligatoire et les organismes complémentaires. Soyons à la hauteur des enjeux », lance-t-il en conclusion.

Dans sa tribune aux Echos, le patron de l’Assurance Maladie réagit vivement à une autre tribune parue le 20 novembre dans l’Opinion, intitulée « Face à l’emballement des dépenses de santé, la nécessité d’une gouvernance partagée ». Cinq grands patrons du secteur signaient le texte. Thierry Derez (Covéa), Adrien Couret (Aéma Groupe), Nicolas Gomart (Matmut), Tanguy Polet (Swiss Life) et Thomas Saunier (Malakoff Humanis)  dénoncent de nouvelles charges à hauteur d’1,5Md d’euros pour les organismes complémentaires. « Aux assureurs santé de supporter le désengagement de la Sécurité sociale et une partie des augmentations de charges décidées unilatéralement par les pouvoirs publics », écrivent les patrons de l’assurance.

Dans leur tribune, ils soutiennent que « ces décisions verticales donnent l’impression que les assureurs santé ne sont qu’une variable d’ajustement budgétaire ». Dans leur texte, ils appellent de leurs voix à mettre en place “une gouvernance partagée sur les enjeux de prévention“. Et à revoir le contrat responsable, jugé “trop uniforme, trop contraignant“.

Pas de désengagement selon Fatôme

La réponse du patron de la Cnam est argumentée. Dans sa longue tribune, il dément les accusations de désengagement formulées par les assureurs. Il rappelle que « dans notre système de santé, l’assureur qui porte le risque lourd c’est l’Assurance Maladie ». C’est elle qui« rembourse 4/5 des soins ». C’est elle qui prend en charge les médicaments innovants et onéreux et les actes coûteux à l’hôpital. Et c’est elle aussi qui prend en charge le ticket modérateur des patients atteints de maladies chroniques.

Thomas Fatôme remet la contribution des organismes complémentaires en perspective du montant global des dépenses de santé. Il souligne la baisse de la part prise en charge par les complémentaires dans la CSBM. « Entre 2012 et 2022, la part de l’Assurance maladie obligatoire dans la consommation de soins et de biens médicaux est passée de 76% à 79,6% tandis que celle des organismes complémentaires de 13,6 à 12,6%. Désengagement, vraiment ? », écrit-il.

Thomas Fatôme indique que les déremboursements furent « proches de zéro » pendant les 10 dernières années. Il écrit par ailleurs que « la petite musique visant à faire croire que l’Assurance maladie transfère chaque année toujours plus de dépenses ne résiste pas à un examen rigoureux des faits et des chiffres ».

Sortir d’une “vision caricaturale”

Thomas Fatôme reconnaît la part « prépondérante » des organismes complémentaires dans le système de santé. « Mais les enjeux actuels méritent mieux qu’une vision caricaturale d’une Assurance maladie peu innovante, d’un Etat qui veut tout réglementer et de complémentaires santé qui seraient empêchées d’agir ».

Il cite des exemples de bonnes collaborations entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Il illustre son propos avec le 100% santé. Ou encore la signature de conventions avec différents professionnels de santé. « Encore faut-il que les dépenses portées par les complémentaires au travers de ces accords ne soient pas dénoncées ensuite comme des transferts imposés par l’État ! », s’exclame le DG de la Cnam.

Une invitation à agir

Après ce recadrage, Thomas Fatôme ouvre la porte à une meilleure collaboration. Il invite les complémentaires à aller au-delà des discours et à agir pour de vrai sur les domaines de la prévention ou de la lutte contre la fraude. « N’en restons donc pas aux déclarations de principes et ne nous contentons pas de parler de la prévention, du parcours ville-hôpital ou de la lutte contre la fraude, mais travaillons-y. Ainsi, nous avons lancé un vaste plan de lutte contre la fraude sur les audioprothèses. Les complémentaires ne peuvent-elles pas aussi déployer davantage de moyens pour lutter contre la fraude sur les segments où leur place est importante ? »

Sur la prévention, le patron de l’Assurance maladie, interpelle directement les assureurs. « Qu’attendez-vous ? Qu’est-ce qui vous empêche de porter plus fortement les campagnes sur la vaccination, les dépistages, la lutte contre le tabac ? »

Le secteur de l’assurance saura voir dans cette tribune une marque d’intérêt de la part de l’Assurance maladie. C’est ce que les organismes complémentaires demandent depuis longtemps. Être considérés comme des acteurs du système de santé. Et ouvrir enfin un espace de collaboration.

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