Médiation : La franchise contractuelle est opposable au tiers lésé

Arnaud Chneiweiss est médiateur de l'assurance.
Arnaud Chneiweiss est médiateur de l'assurance.

CHRONIQUE – En cas de dommage, le tiers lésé dispose d’une action directe à l’encontre de l’assureur du responsable. Si la victime peut ainsi obtenir réparation de son préjudice, l’assureur peut faire application de la franchise prévue par le contrat.

Étude de cas

En 2015, une entreprise a fabriqué une piscine à coque, qui a été vendue à un professionnel puis installée par ce dernier sur la propriété d’un particulier.

En 2020, ce dernier a constaté des malfaçons sur la coque de la piscine. Le fabricant ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, son assureur de responsabilité civile professionnelle a été sollicité directement par le propriétaire de la piscine (tiers lésé) pour prendre en charge les réparations.

Après expertise, l’assureur a refusé d’indemniser le tiers lésé, au motif que la franchise de 7 500 euros prévue par le contrat souscrit par son assuré (le fabricant) était supérieure au montant des réparations, estimé à environ 5 000 euros par l’expert.

Le propriétaire de la piscine, tiers au contrat, a contesté cette décision : il estime que le montant de la franchise est abusif et que celle-ci ne peut lui être opposée dans la mesure où elle n’a jamais été portée à sa connaissance.

La faculté, pour l’assureur, de stipuler une franchise, est prévue à l’alinéa 2 de l’article L.121-1 du Code des assurances. L’assureur de responsabilité civile peut donc parfaitement prévoir une telle franchise dans son contrat et en fixer librement le montant.

Également, en application de l’article L.112-6 du Code des assurances, l’assureur de responsabilité civile professionnelle peut opposer au tiers lésé les exceptions de garantie opposables à son assuré.

Ainsi, les exclusions et les limitations de garantie opposables à l’assuré, telles que les franchises, peuvent l’être également au tiers lésé, même si elles n’apparaissaient pas dans l’attestation d’assurance qui lui a été remise par le fabricant, assuré, lors de la conclusion de la commande, et lui étaient donc jusqu’alors inconnues[1].

Le seul moyen dont dispose le tiers lésé pour remettre en cause l’application des exclusions et limitations de garantie opposées par l’assureur est de contester leur opposabilité à l’assuré lui-même, ce qui permet par ricochet de les rendre inopposables au tiers lésé, ou leur validité. Cela peut être effectué par le tiers, même en l’absence de toute réclamation de l’assuré lui-même[2].

Aussi, la Cour de cassation rappelle fréquemment que les clauses du contrat doivent avoir été portées à la connaissance de l’assuré pour lui être opposables.

Solution

Le contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par le fabricant comportait une franchise, ce qui est tout fait valable. Celle-ci était mentionnée dans les conditions particulières du contrat de responsabilité civile professionnelle signées par l’assuré : elle était donc opposable à l’assuré, ce dernier étant présumé en avoir pris connaissance avant de les signer.

Cette franchise étant valable et parfaitement opposable à l’assuré, elle le devenait alors également vis-à-vis du tiers lésé, propriétaire de la piscine.

Recommandations du Médiateur

Sauf exceptions légales, les exclusions et les limitations de garantie mises à la charge de l’assuré sont susceptibles d’être opposées aux tiers lésés dans le cadre de leur action directe.

Ces clauses n’étant pas systématiquement rappelées dans les attestations d’assurance, il est recommandé aux tiers d’interroger l’assuré sur les exclusions et limitations prévues par son contrat.

[1] Cass. 3e Civ., 13 février 2020, no 19-11.272.
[2] Cass. 3e Civ., 4 mars 2021, no 19-23.033.

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