Depuis plusieurs mois maintenant, voire plusieurs années, le métier de journaliste est attaqué sur sa probité. Il suffit de se rendre sur les réseaux sociaux pour constater à quel point la confiance peut être altérée. Du moins chez certains, car je me réjouis de voir régulièrement cette noble profession se hisser dans le top 10 des métiers préférés des Français. Preuve que son image régulièrement écornée sur Twitter ou Facebook résiste aux saillies quotidiennes dont elle est l'objet.
Loin de moi l'idée de tomber dans un corporatisme béat. Les erreurs existent aussi dans notre secteur, et elles sont peut-être plus visibles que dans d'autres entreprises puisqu'en prise immédiate avec le public et largement relayées.
On avait coutume de dire, s'agissant du football, que la France comptait 60 millions de sélectionneurs. J'ai l'impression qu'elle compte aujourd'hui 70 millions de rédacteurs en chef, chacun y allant de son « je ne comprends pas pourquoi la presse parle si peu de ce sujet » ou de son « ça fait 3 jours qu'on nous rebat les oreilles avec le décès de Jacques Chirac et rien sur Lubrizol ». Premièrement, le décès de Jacques Chirac n'est pas anodin. Deuxièmement, il suffit bien souvent de dépasser le simple stade de la Une d'un journal pour y trouver une foultitude d'informations.
Je pensais la presse sectorielle, comme la nôtre, à l'abri de cette tendance au soupçon et des rédacteurs en chef autoproclamés. Pourtant, lorsque je dis que je suis journaliste dans la presse assurance, la première question qui vient après est toujours la même : « Tu travailles pour quel assureur ? ». Comme si un journal était nécessairement asservi à une quelconque forme de pouvoir. J'aurais pu en faire mon deuil depuis le temps, mais je ne m'y résous pas. D'autant que le phénomène des 70 millions de rédacteurs en chef pointe le bout de son nez, nous proposant de relayer des rumeurs, en insistant parfois lourdement pour qu'on les publie, ou à l'inverse, nous menaçant pour qu'on ne publie rien, sur un sujet pourtant vérifié. Ainsi va la vie d'une rédaction.
Mais rumeur ne vaut pas info et j'en viens donc au titre de cet édito. La décision de publier une information se discute au sein de la rédaction et n'est pas le fait d'un seul individu isolé. Je concède que ce choix porte en lui une part subjective. Mais nous sommes intransigeants sur un point : la vérification de l'information. Nous ne faisons pas de pari en espérant que ce que nous publions se vérifiera finalement. Et bien que nous aimons publier en exclusivité, une rumeur ne devient information que lorsqu'elle est confirmée et recoupée. Cest là tout l'intérêt du journalisme : creuser, enquêter, activer les sources. Et parfois, le scoop que l'on tenait du bout des doigts nous échappe, brisé par un communiqué de presse ou emporté par des confrères ou concurrents plus prompts à obtenir cette confirmation. Ce n'est que de cette façon que nous maintiendrons la confiance dans la presse que certains s'escriment à détruire.
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