Edito : Un rejeté pour un attendu

Florian Delambily, rédacteur en chef de News Assurances Pro.
Florian Delambily, rédacteur en chef de News Assurances Pro.

On pensait les réformes de l’assurance emprunteur réglées avec la Loi Lemoine. L’ouverture de la résiliation infra-annuelle sur les nouveaux contrats et le stock marquait en effet l’aboutissement de plus d’une décennie de batailles entre bancassureurs d’un côté et anonymes et mutualistes de l’autre. Avec au milieu, une fédération gênée aux entournures.

Mais la surprise apportée par la commission mixte paritaire lors des discussions sur le texte de la députée de Seine-et-Marne a ouvert une nouvelle boîte de Pandore. Car la victoire fut amère pour les défenseurs de la libéralisation totale du marché de l’emprunteur. Certes la RIA est passée. Mais elle s’est accompagnée d’une disposition de nature à gommer ses effets bénéfiques sur les tarifs. La possibilité pour les emprunteurs dont l’échéance de crédit arrive à son terme avant 60 ans et pour les quotités inférieures à 200.000 euros d’obtenir une couverture sans questionnaire de santé a laissé le marché coi.

All inclusive

Adieu les promesses de baisse drastique de tarif. Le marché se divise désormais en deux. Le segment loi Lemoine sur lequel le prix des cotisations devraient augmenter. Et les emprunts au-delà des conditions prévues dans la loi Lemoine sur lequel alternatifs et banquiers vont se battre bec et ongles.

C’était donc sans compter sur la boîte de Pandore. Et la première à s’engouffrer dedans est Marie-Christine Dalloz. En commission des finances, la députée du Jura a ainsi déposé un amendement au Projet de Loi de Finances 2023 (PLF) destiné à porter les quotités de 200.000 à 500.000 euros et l’échéance de 60 ans à 75 ans. Certes, cet amendement a été rejeté lors des débats au sein de ladite commission. Mais sortie par la porte, la proposition de l’élue Les Républicains est revenue par la fenêtre. Elle a ainsi déposé le même amendement pour discussion en séance publique. Une assurance qu’elle qualifie elle-même d’inclusive.

Les assureurs peuvent se rassurer en estimant qu’il a peu de chance de passer. Mais lorsque le législateur impose un sens à l’histoire dans l’assurance, il est très rare qu’il face machine arrière. La loi Chatel a ouvert la voie à la loi Hamon. La RIA en dommages lancée par la loi Hamon accoucha de la résiliation infra annuelle en santé plusieurs années plus tard. Les contrats responsables initiés en 2002 imposaient des seuils minimaux de prises en charge. Plus d’une décennie plus tard, ils ajoutaient des plafonds de remboursement malgré les critiques du secteur. La liste est longue.

Dès lors, les 200.000 euros et les 60 ans introduits par la loi Lemoine ne sont sans doute qu’un passage. Et il y a fort à parier que ces seuils seront rehaussés à l’avenir, voire que le questionnaire de santé est voué à totalement disparaître. Les actuaires auraient donc tout intérêt à anticiper ces évolutions en faisant tourner les modèles selon différentes hypothèses. Mais gageons que c’est déjà le cas. Après tout, l’assurance est une spécialiste du risque et s’inscrit dans le temps long.

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