Captives de réassurance : Les plafonds de la discorde
Maintenu dans le PLF 2023, le projet de création de captives de réassurance à la française remue le marché. En jeu, les plafonds autour de la provision d’égalisation qui devront être fixés par décret. Si France Assureurs défend "un traitement équitable entre acteurs", courtiers et risk managers plaident pour des restrictions allégées.
Les détails entourant le projet de création de captives de réassurance à la française n’en finissent plus de faire réagir. Et le texte, finalement intégré dans le PLF 2023, divise aujourd’hui le marché de l’assurance. En cause, la provision d’égalisation dont, « la limite dans laquelle les dotations annuelles à cette provision peuvent être retranchées des bénéfices et celle du montant global de la provision sont fixées par décret, respectivement en fonction de l’importance des bénéfices techniques et de la moyenne sur les trois dernières années du minimum de capital requis », peut-on lire dans le projet de loi.
Depuis plusieurs mois, certains assureurs considèrent en effet que cette provision constituerait un avantage fiscal permettant aux futures captives de bénéficier d'un avantage concurrentiel face aux opérateurs traditionnels. « La volonté de créer des captives en France ne répond pas à une logique fiscale mais à un besoin de couvertures des entreprises tricolores que ces mêmes opérateurs insatisfaits ne sont plus en mesure ou ne veulent plus proposer », conteste le risk manager d’un grand groupe sous couvert d’anonymat. Et ce dernier d’ajouter, « plafonner de manière trop importante la provision d'égalisation et sa dotation annuelle revient tout simplement à tuer l’intérêt d’un tel dispositif ».
France Assureurs prend acte
De son côté, France Assureurs dit prendre acte de la volonté du gouvernement de permettre aux sociétés de réassurance captives des grandes entreprises françaises de constituer en franchise d’impôts des provisions d’égalisation leur permettant de lisser dans le temps les risques qu’elles réassureront. La fédération explique à News Assurances Pro qu’elle « a toujours considéré que le développement de sociétés de réassurance captives pouvait être un levier complémentaire utile à une meilleure protection des grandes entreprises françaises".
La fédération argue par ailleurs que, "cette complémentarité méritait à notre sens de cibler ce développement des captives là où effectivement le marché de l’assurance et de la réassurance classique pouvait présenter un déficit de capacité. Cela peut être le cas sur quelques risques spécifiques (pandémie, perte d’exploitation sans dommages, cyber risques). Mais la grande majorité des risques (catastrophes naturelles, incendie, pertes d’exploitation suite à dommages, bris de machines…) pouvant créer des dommages aux entreprises trouvent à s’assurer avec des niveaux adaptés de prévention, de franchise et de plafond. Nous restons attachés à un traitement équitable entre acteurs ».
Des décrets au printemps ?
De leur côté, plusieurs grands courtiers considèrent que le texte actuel n’offre qu’un faible intérêt pour les entreprises souhaitant développer leur captive en France. « Cette restriction dans la dotation annuelle ne pouvant excéder 1/3 du résultat technique annuel risque de limiter l'intérêt d'une telle provision et donc limiter l'intérêt de la France comme domicile pour les captives de réassurance quand on sait qu'au Luxembourg il n'y a pas cette restriction. Le décret à venir permettra-t-il de revoir ce point ? », s’interroge dans un poste LinkedIn Laurent Bonnet, le directeur Captives et ART Solutions chez Marsh France.
Dans l’attente des décrets d’application qui doivent venir fixer le niveau de ces limitations, « une dotation pour provision à hauteur de 90% du résultat technique annuel serait un niveau idéal pour que le dispositif soit attractif », fait valoir un proche du dossier. Quant au plafond de la provision d’égalisation elle-même, Bercy travaillerait actuellement à « un métrique qui s’inscrit dans la ligne du minimum de capital requis sous Solvabilité 2. Il reste à fixer le niveau de ce métrique pour lequel l’ensemble des parties sont aujourd’hui plutôt alignées », indique une source proche du ministère.
L’exécutif espère ainsi la mise en place d’un mécanisme effectif dans des délais raisonnables, au mieux au printemps prochain.
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