Interview : La feuille de route de Réussir pour les trois prochaines années

INTERVIEW – Trois mois après son élection à la présidence de Réussir, Thierry Suin s’exprime pour la première fois sur sa feuille de route et sur les grands enjeux du syndicat des agents généraux Axa France. Entre chantiers informatiques, nouveaux produits et travail de fidélisation, il revient également sur l’avenir d’Axa Banque et sur l’arrivée de Guillaume Borie à la direction générale déléguée de la compagnie.

Quelle est votre feuille de route pour les trois prochaines années à la tête de Réussir ?

Autour du livre blanc sur la place de l’agent signé à Marseille fin 2018 entre Réussir et Axa France et le « socle commun du métier » présenté au congrès d’Agea en mars 2018, j’ai rappelé lors de mon élection à Lille en octobre dernier qu’il était nécessaire de préserver nos valeurs : notre mandat, notre principe de rémunération, notre indépendance et notre place au cœur de la relation client.

Un chantier principal est aujourd’hui à mener, celui de notre système informatique. Au fil des années, l’empilement successif de plusieurs dispositifs a donné lieu à un millefeuille technique qui met en péril l’avenir des agents du réseau. Aujourd’hui, notre SI n’est pas à la hauteur de la marque Axa. Les développements sont trop longs, nous ne sommes pas assez agiles et les choix stratégiques des années précédentes nous mettent dans une situation difficile malgré la volonté des équipes de Réussir et de la compagnie d’améliorer les choses.

L’idéal serait de pouvoir mettre rapidement en place un système parallèle qui nous permette de repartir sur des bases saines. C’est un sujet que je compte exposer de nouveau à Jacques de Peretti afin de trouver rapidement une solution.

Ensuite, il est nécessaire d’accompagner le réseau sur les nouveaux modes de consommation en favorisant l’omnicanalité. Pour ce faire, il nous faut des outils à disposition des agents – et non l’inverse – pour rester au centre de la relation client. N’oublions pas que l’acte de souscription final d’un produit d’assurance est de 85% avec des humains en face à face ou au téléphone, et que dire des produits de spécialistes (entreprise, agricole, professionnel , assurance de personnes, collective, banque, santé… ) ou le face à face est à 99% ). Nous devons donc être proactifs, utiliser davantage les réseaux sociaux, enrichir nos espaces clients, etc. Il faut absolument associer le digital et l’humain.

Enfin, il faut améliorer le service au client et mettre l’accent sur la fidélisation. Globalement, je considère qu’il y a trop d’investissement sur le client nouveau. Certes, nous devons être capables de proposer des tarifs d’accroche, mais nous devons également pouvoir être innovants pour garder nos clients, avec des diminutions de terme, plus de service, de relation humaine, des process simplifiés, etc.

Quel regard portez-vous sur l’arrivée de Guillaume Borie à la direction générale déléguée d’Axa France ? Quels messages souhaitez-vous lui faire passer ?

Cela faisait plus de dix que nous côtoyions Matthieu Bébéar à la tête du réseau. Même si nous n’avons pas toujours été d’accord, c’était un homme de franchise avec une vraie fibre d’assureur. Je ne connais pas encore Guillaume Borie, mais il a déjà pris contact avec moi. Il a même assisté à l’une de nos dernières commissions nationales. C’est important et cela montre qu’il porte un intérêt à notre syndicat.

Il aura besoin de notre vision terrain et nous l’invitons volontiers à livrer à son tour sa feuille de route. Nous allons lui rappeler que notre ennemi est aujourd’hui notre système informatique et je pense que son parcours au sein du groupe, notamment à la tête du digital, pourra lui permettre comprendre que notre outil de travail est à bout de souffle et qu’il peut nous aider à développer un IT performant.

Où en est le réseau sur le nouveau produit auto lancé début 2019 ?

Depuis plusieurs années, nous avions un déficit sur les produits du particulier car il n’étaient pas compatibles avec internet. En auto, nous avons donc commencé par lancer « Clic and Go » fin 2016, puis « Mon Auto » en début d’année 2019. Ce nouveau produit fonctionne très bien dans le réseau et il est compétitif dans la majorité des cas. L’objectif est clairement, grâce à ce produit, de retrouver un apport net à fin 2020.

Après l’auto, Axa vient de lancer une nouvelle offre MRH sur le marché. En quoi diffère-t-elle de la précédente ? Quels sont vos objectifs ?

Dans la même philosophie que notre produit auto, nous avons également revu l’ensemble de notre gamme MRH. Notre nouveau produit habitation dispose par exemple d’outils de souscription beaucoup plus adaptés, mais il n’est pas encore totalement ajusté.
Une première phase de commercialisation a été lancée il y a quelques mois et nous devons encore resserrer plus en profondeur la gestion de notre zonier pour parfaire notre tarification. La deuxième vague de commercialisation débutera en 2020.

En habitation où nous sommes également en perte, nous nous somme fixés comme objectif d’être à l’équilibre d’ici à 2021. Nous devons également penser à fidéliser nos clients par ce produit. Si la majorité des assurés entrent et sortent de nos portefeuilles par l’auto, ils sont davantage rassurés lorsqu’ils sont couverts en MRH.

Sur l’activité épargne/retraite, comment les agents anticipent-ils l’environnement de taux bas ? Quelle sera votre position sur le PER ?

La baisse des taux d’intérêt et notre capacité à servir des rendements attractifs sont au centre de nos questionnements. Il va falloir que l’on imagine de nouvelles offres avec Axa France et les agents vont devoir faire davantage de pédagogie et d’éducation financière auprès des clients. Le devoir de conseil est aujourd’hui notre priorité absolue et nous sommes parfaitement formés pour cela.

Concernant le PER, je considère que c’est un bon produit. Même si le contexte autour de la retraite est compliqué, il s’adresse au cœur de cible de notre réseau. Axa travaille actuellement à la mise en place de son propre outil de calcul de retraite ce qui va permettre à nos agents de pouvoir ensuite pousser ce produit. Je n’ai aucun doute quant au succès du PER au sein de notre réseau.

L’arrivée du « 100% Santé » sur le marché vient-il perturber le réseau ?

Comme pour la retraite, il s’agit là aussi d’un sujet de proximité. Nous faisons donc le même constat : notre réseau est parfaitement équipé et formé pour vendre ce type de contrat. Nous sommes aujourd’hui, notamment en province, capables de proposer des offres innovantes pour lesquelles la vente physique prend tout son sens, notamment parce qu’il y a une écoute et une sensibilité des agents ou de leurs collaborateurs.

En parallèle, le 100% Santé est un vrai sujet de multiéquipement au sein de notre réseau. Nous avons un rôle de formation et d’information. Lorsqu’une telle offre est correctement argumentée, elle permet de réaliser des ventes additionnelles. En définitive, tous les produits de proximité, c’est-à-dire qui permettent une vente avec un conseil et une interaction humaine, sont adaptés au métier d’agent général.

Aujourd’hui, la taille et l’implantation du réseau est-elle optimale ?

Il y a une volonté récente de la compagnie de ré-étoffer le réseau. Nous sommes peu représentés dans les zones hyper urbaines alors que nous bénéficions d’une solide maillage dans les campagnes.

Il est nécessaire de remettre de l’humain au cœur du réseau, notamment parce qu’un agent sait multiéquiper un client, contrairement aux plateformes. C’est d’ailleurs pour cela qu’Axa et Réussir ont signé récemment un protocole qui permet à l’ensemble du portefeuille de contrats réalisés en direct d’être rapatrié auprès des agents pour qu’ils puissent le travailler.

Un client sur quatre vient aujourd’hui d’internet et cette part est en croissance continue. Et il ne s’agit pas uniquement de prospects. Désormais, chaque personnes souscrivant une offre en direct est incitée à rencontrer, si elle le souhaite, un agent. Axa France semble croire en son réseau, c’est donc pour cela qu’il souhaite le développer.

Quid de l’activité d’Axa Banque ?

La banque aujourd’hui se recentre nettement sur le client, notamment à cause du contexte de taux bas. Axa France nous a récemment réaffirmé que la banque était encore au cœur de sa stratégie. C’est aujourd’hui un très bon moyen de fidélisation et les agents qui vendent de la banque ont une durée de détention de clients plus forte.

Axa Banque est un outil indispensable pour les agents, notamment grâce à des moyens informatiques qui facilitent la souscription de comptes. Aujourd’hui, il faut aller plus loin et davantage d’agents doivent vendre de la banque.

Quels sont aujourd’hui les points de frictions qui demeurent avec votre compagnie mandante ?

En dehors de notre système informatique et de nos problématiques de fidélisation, le sujet de la rémunération refait parfois surface. Je répète que nous sommes ouverts pour discuter de tout, tant qu’il ne s’agit pas de remettre en cause nos valeurs et notre identité (cf. première question). Pour le reste, nous sommes en ordre de marche et nous avons envie d’avancer avec Axa France.

Que pensez-vous du sujet ?