Xavier Veyry (Axa XL) : "Les risques géopolitiques sont une réalité"
VIDÉO – Xavier Veyry, CEO APAC & Europe d’Axa XL, décline le nouveau plan stratégique du groupe Axa pour sa division dédiée aux risques d’entreprises. Pour News Assurances Pro, le dirigeant revient sur les velléités de l’assureur sur le mid-market, sa volonté de croître en Asie et sur les grands enjeux géopolitiques, tarifaires ou opérationnels qui lui font face.
Comment le nouveau plan stratégique et les ambitions du groupe Axa se déclinent-ils au niveau d’Axa XL et dans les régions dont vous avez la charge ?
Le nouveau plan stratégique du groupe « Unlock the future » se décline sur trois axes : d’abord accélérer notre croissance, ensuite asseoir la maîtrise technique de nos risques au service de nos clients et enfin faire croître notre rôle et notre engagement dans la société civile.
Cela se traduit chez Axa XL par six initiatives stratégiques fondamentales. Quatre sont globales et s’appliquent à l’ensemble des activités de la division et deux autres sont spécifiques aux régions Europe et APAC dont j’ai la responsabilité.
Quelles sont ces initiatives ?
Il s’agit d’abord d’accélérer notre développement sur les clients internationaux. C’est notre ADN et nous faisons partie du cercle fermé des assureurs en mesure de couvrir et de servir ces grands industriels partout dans le monde, en structurant des programmes internationaux. C’est d’ailleurs le cœur de notre activité en Europe et le développement de notre portefeuille de clients globaux reste une de nos priorités absolues.
Nous souhaitons ensuite accroître notre présence sur le mid-market. D’autres entités du Groupe adressent déjà le bas de segment dans certains pays quand Axa XL est plutôt sur le haut de segment. Entre, il reste donc beaucoup d’opportunités de développement. Et c’est notamment le cas dans des pays où Axa XL opère aujourd’hui, comme l’Italie, l’Espagne, les pays nordiques, les Pays-Bas, l’Autriche ou encore l’Australie. Cette possibilité de descendre sur ce segment mid-market s’applique aussi à d’autres Business Units d’Axa XL, comme le Royaume Uni et le marché du Lloyd’s et les États-Unis.
Notre troisième initiative concerne la transition énergétique où l’on estime que 130 000Mds de dollars seront investis à horizon 2050. Nous avons l’ambition de nous positionner comme un acteur majeur de ce sujet, et ce sur l’ensemble du périmètre d’Axa XL.
Notre quatrième axe de développement fondamental concerne notre positionnement sur le risque cyber. C’est un marché compliqué, qui se cherche encore sur les garanties, le pricing et les services. Notre conviction, c’est que ce risque va continuer de croître de manière exponentielle et les besoins de couvertures avec.
Et sur les deux initiatives spécifiques à votre région ?
Sur la région APAC & Europe, notre cinquième initiative consistera à doubler notre business en Asie. Notre plan « Together for Asia » doit nous permettre d’utiliser notre implantation locale pour aller chercher de la croissance et de la rentabilité sur un marché assez compétitif.
Enfin la dernière initiative repose cette fois sur le développement de nos lignes de spécialités. C’est par exemple le cas du risque crédit, du risque politique, de nos activités marine, aérospatiale ou encore art et valeurs. Si j’analyse notre portefeuille sur la région APAC & Europe, environ 65% de notre chiffre d’affaires est réalisé aujourd’hui en P&C et nous souhaitons nous diversifier davantage.
Concernant vos velléités sur le mid-market, ciblez-vous un type d’industries en particulier ?
Le mid-market est un segment sur lequel Axa XL est déjà présent et actif, mais c’est un segment qui est aujourd’hui très compétitif. Nous avons donc tendance à vouloir cibler des entreprises en développement, soit sur des risques géographiques, soit sur des risques particuliers nécessitant un accompagnement et une sophistication technique spécifique.
En fonction des pays, nos velléités vont donc être plus ou moins grandes. Dans l’Hexagone, Axa France est déjà très actif sur ce segment. En revanche, nous avons plus d’espace pour une approche différenciée en Italie par exemple, où nous avons récemment couvert une entreprise pharmaceutique qui souhaitait se développer dans plusieurs autres pays. Aujourd’hui beaucoup d’entreprises nécessitent cette approche. En fonction des fondamentaux économiques et industriels de certains pays, nous allons adapter nos propres compétences pour adresser ces cibles.
Face à des risques climatiques exacerbés, avez-vous revu votre discipline de souscription ?
Nous sommes toujours dans une période d’ajustements tarifaires, dont la tendance est à la normalisation, liés à la réalité économique de la sinistralité climatique. Pour rappel, en 2023 les catastrophes naturelles ont couté 250Mds d’euros aux entreprises dans le monde, dont 95Mds d’euros couverts par les assureurs.
Face à cela, nous avons donc dû retarifer une partie de notre portefeuille et revenir à nos fondamentaux techniques avec une certaine discipline de souscription. Mais nous avons surtout mis à jour nos modélisations face à la réalité physique de nos risques et à la fréquence d’occurrence sur nos périls secondaires.
Tout cela est derrière nous et nous sommes désormais satisfaits du déploiement de capacités sur chacun des comptes que l’on opère. Toutefois, ce n’est pas suffisant et nous devons accélérer l’accompagnement de nos clients, tant sur la prévention que sur la modélisation de leurs risques. Pour ce faire, de forts investissements sont prévus, tant au sein du groupe que chez Axa XL, dans le risk consulting et la prévention, pour aider au mieux les clients dans leur prise de décision et leurs investissement futurs en la matière.
Au travers de nos consultations régulières avec Axa Climate sur l’impact de ces changements climatiques, nous affinons nos services. Nous avons par exemple déployé l’an dernier des outils de modélisation des risques de feux de forêts auprès de nos clients. Nous avons aussi développé des solutions de virtualisation de modélisation de risques pour permettre aux risk managers de mieux appréhender l’impact de certains risques sur leurs actifs.
Vous avez lancé récemment la Axa Digital Commercial Platform. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une plateforme sur laquelle nous combinons de la donnée et des technologies pour aider nos clients à mieux comprendre leurs risques et leur proposer des outils pour mieux s’en prémunir.
De manière concrète, nous pouvons par exemple localiser en temps réel le positionnement des navires en mouvement partout dans le monde. Cela nous permet d’une part de savoir en permanence où sont nos risques, et cela permet d’autre part aux armateurs d’identifier les bâtiments qui pourraient être exposés à de potentiels mouvements géopolitiques.
Via AXA Digital Commercial Platform, nous investissons aussi beaucoup sur les analyses géospatiales pour une meilleure gestion des risques. Ces technologies nous permettent d’identifier des éléments de risques à l’échelle, et d’avoir une posture de prévention proactive. Notre but est de mieux accompagner nos clients et adaptant nos actions de prévention à leur situation réelle.
Dans quelle mesure les divers conflits géopolitiques qui jalonnent le monde impactent-ils votre activité ?
Les risques géopolitiques sont une réalité et l’une des principales craintes des dirigeants d’entreprises. Notre zone géographique APAC & Europe est particulièrement exposée avec des risques majeurs qui font l’objet d’une attention toute particulière chez Axa XL.
Le premier impact immédiat face à ces conflits, c’est comment protéger les personnes et les biens de nos clients exposés. Il faut être parfaitement clair sur les risques que nous sommes prêts à prendre ou non. Nous avons aujourd’hui beaucoup de solutions et de services existants, notamment autour du « crisis management » pour pouvoir aider ces entreprises. Pour autant, il ne nous ait pas toujours possible de le faire, les assureurs étant parfois exposés eux-mêmes à des restrictions juridiques ou légales.
Au-delà de ça, dans la conduite du business des grandes entreprises, ces conflits ont surtout des impacts sur les décisions économiques ou les priorités d’investissement. Cela nous oblige à être réactifs à ces changements.
Le groupe souhaite accélérer sur les nouveaux risques tels que le cyber ou la transition énergique. Comment Axa XL peut-il porter ces problématiques ?
D’abord, le risque cyber c’est l’industrialisation de la criminalité. L’impact d’un incident pouvant être systémique, la question de son assurabilité se pose donc. Je pense qu’une solution venant uniquement d’un déploiement de capacités ne suffit pas. Il faut appréhender ce risque dans sa globalité, avoir une approche holistique allant de la prévention à la compréhension du risque, jusqu’à la réponse assurantielle et la gestion de l’incident.
Sur ce risque, nous pensons que nous avons un vrai rôle à jouer. Ainsi, Axa XL a créé un centre de compétence cyber qui, y compris au sein du groupe Axa, travaille à l’ensemble de ces solutions. Nous devons continuer la sensibilisation face à ce risque : la clé ne viendra pas de la souscription d’une police d’assurance seule, mais plutôt de tout un écosystème de solutions.
Sur le sujet de la transition énergétique, le groupe Axa est précurseur sur le marché avec des actions et engagements concrets initiés depuis près de 20 ans déjà. Nous sommes aujourd’hui dans une phase où nous clarifions ce que nous ne pouvons plus soutenir (champs gaziers, explorations pétrolières, etc). En parallèle, nous nous sommes engagés à soutenir plus fortement les entreprises en pointe sur ce sujet de la transition.
Pour ce faire, nous avons créé des équipes dédiées qui travaillent à identifier de nouvelles sources d’énergies ou de nouvelles technologique au service de l’écologie. Enfin, en rapport avec nos aspirations en matière d’empreinte carbone à horizon 2030, nous discutons avec nos clients sur la manière de les soutenir et de les accompagner dans l’amélioration de leurs activités.
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