Rac0 : « Cette réforme porte en germe la suppression des ocam »
Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Médéric et directeur général de Kalivia, alerte sur les risques stratégiques du reste à charge zéro pour les complémentaires santé (ocam). Il insiste sur la nécessite de limiter la taille du panier de soins rac0.
La levée de boucliers contre le réforme du gouvernement du reste à charge zéro ne viendra pas des fédérations. Tandis que la FNMF, la FFA et le CTIP ont affiché publiquement leur soutien à la réforme voulue par Emmanuel Macron, certains consultants et professionnels considèrent que le rac0 s'attaque au cœur de l'activité des complémentaires et critiquent le conformisme des fédérations.
Laurent Borella, directeur santé de Malakoff Médéric et directeur général de Kalivia, était l'invité de la matinée Prospectives santé, organisée par le cabinet Actuaris et Joxa. Il a insisté sur le rôle prépondérant des Ocam sur le remboursement des soins optiques, dentaires et les audioprothèses aujourd'hui et sur le risque « de devenir un payeur aveugle » sur ce type de dépenses avec le rac0. « Cette réforme porte en germe la suppression des Ocam. Nous sommes en train de donner tous les curseurs de pilotage au ministère », a-t-il dit. Or, sur les 26Mds d'euros pris en charge par les complémentaires santé en 2016, 32% concernent l'optique, le dentaire et l'audioprothèse. Presque un tiers de la raison d'être des Ocam serait donc menacé par la réforme.
Pour le directeur général de Kalivia, nous nous acheminons vers un « modèle Alsace Moselle », ou « modèle Agirc Arrco », où les organismes complémentaires agiraient comme un deuxième pilier du système. Pour éviter de perdre cet « espace de souveraineté » sur les soins optiques, dentaires et audioprothèses, Laurent Borella insiste sur la nécessité de « limiter la taille du panier Rac0 et laisser un espace de respiration en dehors du Rac0 ».
Les estimations d'Actuaris indiquent que le panier Rac0 pourrait concerner 20% des dépenses en optique. Ce panier prendrait en charge des montures d'entre 85 et 100 euros. Mais, dans l'état actuel des négociations, Laurent Borella pense que le panier rac0 concernera un plus grand nombre d'assurés, au-delà de 20%.
La réforme du rac0 aurait pu être mené par le biais des contrats, via les réseaux de soins, selon L. Borella, mais le gouvernement s'achemine « vers une méthode réglementaire, avec une nouvelle nomenclature, des prix limites de vente et une augmentation de la base de remboursement en optique et en audioprothèse. Le tableau de bord n'est plus chez nos actuaires ni nos actuaires mais il est à la Direction de la Sécurité sociale ».
Laurent Borella « regrette que ce combat soit insuffisamment mené par les fédérations qui se contentent parfois de mettre en œuvre les réformes ». Il a directement critiqué l'association Inter-AMC, « occupée à discuter sur la date de mise en oeuvre du rac0, soit 2020, soit 2021, sans chercher à le contester ».
Les prix limites de vente au coeur des débats
Pour les réseaux de soins, un enjeu important de la réforme concerne les prix limites de vente évoqués en audioprothèse, qui selon Laurent Borella, devraient se limiter aux offres rac0. « Le vrai risque pour les réseaux de soins serait la mise en place des prix limites de vente en dehors du rac 0 », a-t-il dit.
Dans l'état actuel des négociations, le gouvernement a fait machine arrière sur son idée initiale de baisser les plafonds de remboursement du contrat responsable. Il a également abandonné l'idée de mettre en place une labellisation des équipements optiques, effectuée par la DSS, un projet largement combattu par les réseaux de soins. Laurent Borella se félicite de ces décisions et souhaite préserver la capacité des réseaux de soins à conclure des accords prix-volume avec les distributeurs.
Le projet gouvernemental laisserait peu de marges de manœuvre aux complémentaires santé, mais ne régulera pas à priori les conditions de fabrication des verres. Laurent Borella a donc insisté sur la capacité des réseaux de proposer des verres de marques reconnues et de fabrication française, un gage de qualité important pour les consommateurs.
La mise en place de la réforme s'annonce ardue pour les complémentaires. « Il va falloir retravailler tous les contrats, les chaînes de liquidation, les paramétrages... Nous sommes partis sur de belles opérations de mise en conformité règlementaire. A mon avis, l'impact sera égal, voir supérieur à celui de la mise en place du contrat responsable », annonce-t-il.
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