Ralph Ruimy (Acheel) : “2023, une année riche en innovation”

Ralph Ruimy est cofondateur et président d'Acheel.
Ralph Ruimy est cofondateur et président d'Acheel.

TRIBUNE – Ralph Ruimy, cofondateur et président d’Acheel, considère que l’IA va changer profondément la nature des métiers de l’assurance. Cette tribune est publiée dans notre magazine sur le Bilan 2023 de l’assurance.

Avec l’essor du digital, l’ère post-covid, le réchauffement climatique et l’arrivée à l’âge adulte de la génération Z, l’assurance est confrontée à un nouveau modèle économique et social. En 2023, la digitalisation du secteur s’est intensifiée. Le développement et le recours à l’intelligence artificielle est également en expansion, accompagnée de l’utilisation de la data pour piloter son activité. Enfin, le terrible séisme au Maroc et les tempêtes Ciaran et Domingos ont souligné le recours nécessaire à l’innovation pour répondre aux risques climatiques auxquels sont confrontés les assureurs, grâce au développement de l’assurance paramétrique (ou indicielle) notamment.

La digitalisation nécessaire de l’assurance

À l’heure ou plus de 30% des souscriptions ont lieu en ligne, la digitalisation de l’assurance est un enjeu majeur pour tous les acteurs du secteur. Le fait de pouvoir comparer, souscrire son assurance et obtenir ses documents en 2 minutes à partir d’un smartphone va dans le sens de l’accessibilité de l’assurance. Cette démocratisation doit s’accompagner de plus de transparence et de pédagogie, notamment au moment du parcours de souscription, afin que l’assuré puisse comprendre ses garanties, options plafonds… et devenir ainsi acteur autonome de son propre contrat.

Cette digitalisation favorise la concurrence et le pouvoir d’achat des assurés. En effet, le critère prix a pris le pas sur le critère géographique et souvent le premier réflexe de l’assuré est de chercher la meilleure offre sur internet. En effet, un sondage Ipsos de 2023 révèle que pour 48% des Français, le prix est le premier critère de choix de son assurance.

L’arrivée de Chat GPT de l’IA générative

L’arrivée du robot conversationnel Chat GPT d’Open AI en novembre 2022, et plus largement le développement de l’IA générative a marqué également un tournant majeur de 2023. Cependant, son utilisation dans le domaine de l’assurance reste encore balbutiante. En effet, cette technologie est davantage utilisée pour du conseil ou du service après-vente, en apportant des réponses aux clients puisées dans des databases de contenus spécifiques à l’assurance. Le risque déceptif des clients face à un robot, qui n’est pas forcément encore prêt à répondre précisément ou de façon personnalisée à leur question, a retardé pour le moment son utilisation par les assureurs, même s’il aura indéniablement un rôle à jouer dans l’assurance de demain. Aujourd’hui l’IA ne doit pas remplacer mais assister l’humain et lui permettre d’avoir un accès rapide et synthétisé aux données pertinentes pour apporter ainsi la meilleure réponse à son client.

L’IA à chaque moment du cycle de vie du contrat

L’IA a un rôle à jouer dans tout le cycle de vie du contrat d’assurance. Au moment de la souscription, l’IA permet de confronter d’une part les données remplies par l’assuré sur sa situation personnelle, et les formules de l’assureur afin de lui proposer l’offre la plus adaptée à son profil, son budget, mais aussi au canal d’acquisition dont il provient. Ensuite, dans la gestion quotidienne, l’IA intervient en support au service client, et prend le relai sous forme de chatbot sur les questions basiques (modifications simples, ajout de bénéficiaires, FAQ…) et permet ainsi aux agents de se concentrer sur les cas plus complexes.

Enfin, l’IA intervient également dans la gestion de sinistre et la prévention de la fraude, et c’est là qu’aujourd’hui elle est la plus avancée. En effet, grâce aux développements d’OCR (Optical character recognition) et au progrès du machine learning, certains sinistres basiques peuvent être traités en quelques secondes sur la base de documents envoyés par l’assuré tels que des photos, des factures, et une déclaration de sinistre. L’IA les analyse et les compare aux garanties du contrat et peut calculer et déterminer le montant de l’indemnisation et préparer le virement. Elle détecte des anomalies ou des incohérences dans la déclaration et donc des soupçons de fraude et déclenche ainsi une alerte qui requiert une intervention humaine. L’IA permet d’automatiser certaines tâches à faible valeur ajoutée, et les missions des gestionnaires sont plus stratégiques et concentrées sur les dossiers plus complexes où les assurés ne peuvent pas se passer d’un contact humain. Ainsi l’IA ne va pas remplacer l’humain mais changer profondément la nature des métiers de l’assurance.

Face aux événements climatiques, l’assurance paramétrique

L’un des principaux défis qui attend les assureurs est la multiplication des événements climatiques de grande ampleur causés par le réchauffement climatique. En effet, le coût des sinistres liés aux catastrophes naturelles pour les 30 prochaines années est estimé à 143 milliards d’euros par France Assureurs* soit une augmentation de 93 % en France.

Pour continuer à assurer la mutualisation des risques dans ce contexte, les offres d’assurance paramétrique, qui ont vu le jour il y a une vingtaine d’années, se sont étoffées et développées ces dernières années. La multiplication des catastrophes climatiques, et l’avènement du Big Data expliquent cette accélération bienvenue, qui permet d’offrir une couverture aux agriculteurs, en cas de perte de leur récolte suite à un aléa climatique, mais plus largement à tous les acteurs dont l’activité a une sensibilité météo importante (transports, énergie…). Pour cela, un indice paramétrique est établi, basé sur des critères de plus en plus précis grâce aux données privées et publiques (open data) disponibles pour les assureurs, comme par exemple la pluviométrie, la température, l’humidité des sols, les données sismiques, le temps de repousse des cultures… L’indemnité peut être déclenchée rapidement, sans dépêcher un expert sur place, grâce aux puissants outils d’analyse qui déterminent si l’indice fixé a été atteint, comme par exemple des images satellites de plus en plus précises.

L’assurance est confrontée à des défis majeurs et l’innovation est un pilier fondamental pour y faire face et pouvoir continuer à assumer son rôle de protection par la mutualisation du risque tout en restant accessible à tous. Ces bouleversements ont été un accélérateur en matière d’innovation pour les assureurs, prêts à écrire une nouvelle page de leur histoire, basée sur le digital, l’IA et la data au service de l’assurance de demain.

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