PORTRAIT – Luc Delage est directeur de cabinet du directeur général de la Maif depuis un an et demi. Pascal Demurger aurait trouvé en lui « quelqu’un capable de dire ce qu'il pense et de faire ce qui a été décidé », selon l'intéressé. Deux hommes sortis du même moule.
La chaleur est étouffante, Luc Delage a un enfant en bas âge et manque certainement de sommeil, mais il ne se laisse pas accabler pour autant. Le directeur de cabinet de Pascal Demurger vient personnellement nous ouvrir la porte des nouveaux locaux parisiens de la Maif, rue de Seine. Ce trentenaire élancé affiche un sourire généreux et un regard bienveillant. Il est plus habitué à préparer les discours de Pascal Demurger qu'à prendre la parole, mais accepte naturellement de s’asseoir à la place de l'interviewé.
Luc Delage a été recruté par la Maif dans le cadre d'une création de poste il y a un an et demi. Aujourd'hui, il estime que son patron lui fait confiance à 90% : « Le gros enjeu de la relation avec Pascal c’est que plus j’interagis avec lui, plus la confiance se crée, et plus cette confiance s’approfondit, plus il a envie et besoin qu’on travaille ensemble. Créer les conditions pour que notre relation fonctionne a pris du temps », assure-t-il.
Luc Delage pense qu' « il y a une certaine forme de solitude dans la fonction de dirigeant ». Son positionnement de directeur de cabinet lui permet « de rompre cette solitude, parce qu’il y a une proximité, une intimité qui s'installent » entre les deux hommes.
Le dircab de la Maif voit passer un certain nombre de dossiers qui le poussent à partager son avis avec le directeur général. « Lui même m’autorise à lui faire ce feedback qui n’est pas évident. » De sa position de dircab, il estime plus facile d'exprimer un point de vue divergent. « C’est comme au tennis, quand on a besoin d’un mur pour envoyer la balle, et ça aide à progresser ». Luc Delage a également « un rôle de porte-parole des voix dissonantes de l'entreprise pour que le directeur général puisse prendre ses décisions en toute connaissance de cause ».
Dans le cadre de sa transformation, la Maif a recruté des jeunes talents avec des expériences différentes de celles qui existaient au sein de l'entreprise. Selon Luc Delage, les recrutements du nouveau CDO, du directeur de l'innovation ou de la responsable du fond MAIF Avenir répondent à ce besoin d'ouverture. En revanche, Pascal Demurger aurait cherché en recrutant son dircab « quelqu'un qui lui ressemble dans son mode de fonctionnement, pour faciliter une interaction très régulière ».
Comme Pascal Demurger qui est énarque, Luc Delage est formé par une grande école. « J'ai un parcours tellement classique que l'on n'en fait plus comme ça ». Il enchaîne la classe préparatoire à Strasbourg avec l'Ecole normale supérieure de Cachan pour suivre une formation en économie, puis parallèlement il passe par Sciences Po Paris en Affaires publiques, et il finit à l'Essec et à l'Isup, où il se forme à la finance et obtient un diplôme d'actuariat. Pendant sa jeunesse, il pratique le judo. Aujourd'hui, il préfère les sports de glisse : « ski, ski nautique, surf, mais également randonnée, qui permet de concilier à la fois sport, voyage et vie de famille ».
Comme Pascal Demurger, il commence dans l'administration avant de rejoindre la Maif. Le DG débute dans le ministère de l'Economie en tant qu'administrateur civil ; son dircab rejoint le gendarme des assurances à la fin de ses études. « Je me suis vraiment éclaté à l'ACAM et ensuite à l’ACPR », jure-t-il avec une certaine fierté d'avoir servi une bonne cause.
« L'ACPR est une institution, où l'on fait un métier qui n’existe nulle part ailleurs et où l'on rencontre des interlocuteurs de haut niveau. Quand je suis parti, j’encadrais une équipe d’une douzaine de personnes qui supervisait un gros morceau du département d’assurances. C’est un positionnement qui institutionnellement confère une vraie responsabilité et donc nécessite d’être exigeant envers soi-même », explique-t-il, sincère.
Il entre à l’ACPR « en étant ravi de ce que j’allais y faire, tout en sachant que je n’y ferais pas carrière et que ce n’était pas mon projet de vie ». Veiller à la protection des assurés l'amuse un certain temps, mais après cinq ans, il a envie de changer son « métier d’observateur » par un poste plus opérationnel.
Luc Delage avait identifié de longue date le poste de directeur de cabinet comme une passerelle possible du public vers le privé, mais cette transition n'est pas spontanée pour les recruteurs. « Les gens ont tendance à vous proposer le boulot que vous avez aujourd’hui et pas le poste que vous souhaiteriez faire. Jamais je n’ai eu autant de propositions de directeur de cabinet que depuis que je suis dircab. Ça n’a aucun sens, en soi ! Je ne vais pas aller dans une autre boutique faire exactement le même boulot », considère-t-il.
Quand un cabinet de recrutement le contacte pour la Maif, Luc Delage prend en compte trois critères avant de se décider : « l’entreprise, le contenu du poste et le patron pour lequel il va travailler, un critère très spécifique au poste de dircab ». Luc Delage rejoint donc la Maif en tant que dircab du DG, « une fonction du même ordre » que celle que Pascal Demurger avait pris lorsqu'il est arrivé à la Maif auprès du PDG de l’époque.
Chez la Maif, Luc Delage apprécie « la préoccupation sincère pour le client », qui est une des missions de l’ACPR, ainsi que « les relations humaines bienveillantes ». « C’est agréable de bosser avec des gens qui ont en tête l’intérêt collectif », insiste-t-il.
Le contenu du poste répond également à ses aspirations. Selon lui, un dircab doit « avoir des qualités techniques, être capable de traiter une grande variété de sujets, être capable de comprendre à la fois des sujets financiers, économiques, juridiques, comptables, assurantiels, RH… avoir une vision transversale, une connaissance sectorielle sur l’assurance et des qualités humaines (fiabilité, rigueur, exigence, bienveillance). Il faut en plus être en capacité de représenter le directeur général à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise ».
Le poste l'a séduit d'emblée sur la dimension métier et entreprise. Il ne manquait plus que la dimension personnelle. « Pascal réunit des qualités que l’on est content de trouver quand on est son dircab », affirme-t-il. Il le décrit comme « quelqu'un qui mouline extrêmement vite, brillant, un manager incroyable, avec une capacité d’avoir 40 marrons au feu en permanence et à garder toujours un temps d’avance, y compris sur les porteurs de projet. Mais sa principale force, c’est sa capacité à construire une vision collective, à donner le sens et embarquer l’entreprise ». Luc Delage, pour qui le dircab est une sorte de « bonne fée du directeur général », ne tarit pas d'éloges sur son chef : « Accessoirement, il est sympa. ça évite de se faire crier dessus toute la journée… ce qui peut arriver, hein ! Dans certains cas, cela peut être beaucoup plus sportif dans les relations interpersonnelles », pense-t-il.
Luc Delage se plait dans ce poste de dircab, qui lui permet de « valoriser une expérience très atypique » et d'apprendre le fonctionnement de l'entreprise et sa stratégie. Ensuite, il aurait envie d'évoluer vers un poste davantage opérationnel « pourquoi pas en valorisant mes compétences fortes : la finance, l’actuariat, la gestion des risques… pas très loin d’une direction financière par exemple, ou bien dans le segment de l'assurance vie ».
Mais Luc Delage s'interdit de faire les plans sur la comète à court terme. Aujourd'hui, il passe deux tiers de son temps de travail à Paris et un tiers à Niort, mais « le poste d’après sera à Niort. Il y a 2.000 personnes là-bas et 10 personnes à Paris. La suite de l’histoire est donc à Niort », annonce-t-il.
« Une des étapes du processus de recrutement a consisté à passer un week-end à Niort avec ma femme pour voir si on se verrait vivre dans la région », confesse-t-il. Pour quelqu'un qui a grandi en province, comme lui, quitter la région parisienne n’est pas insurmontable. La seule difficulté réside dans le fait que Niort est à l’Ouest et que ses attaches familiales sont à l’Est, à Montbéliard, « mais ce n’est pas loin de la mer, cela a d’autres charmes ». Il a beau essayer de nous vendre les charmes de la Nouvelle Aquitaine, sa femme « n’est pas extrêmement enthousiaste »… Rires « J’ai encore deux ans pour la convaincre que Niort est une ville très agréable à vivre ».
Luc Delage est marié avec une enseignante, et a un fils de deux ans et demi et une fille née en juin 2017. « Nous sommes dans la période la plus compliqué niveau sommeil », confesse-t-il. « On oublie, heureusement, ce qui nous permet d’avoir d’autres enfants… ». Rires.
Luc Delage a droit à la déconnexion, mais pas tout le temps. « Il est extrêmement difficile de déconnecter quand Pascal est connecté parce qu’il y a trop d’activité ». Il est donc contraint de synchroniser ses vacances avec celles du directeur général de la Maif. Cette année il part trois semaines en Bretagne « avec un couple d'amis », sur la côte de granit rose et ensuite sur le golfe du Morbihan. Comme Pascal Demurger ?
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