Fintech : Un réservoir d’innovations dans l’assurance pour les prochaines années

Les fintech, ces entreprises technologiques qui apportent des innovations de rupture dans les services financiers, font surtout parler d’elles dans la banque. Qu’en est-il de l’assurance ?

L’assurance est pour l’instant moins concernée que la banque par les fameuses fintech, qui viennent grignoter des bouts de chaîne de valeur. Surtout en raison des barrières à l’entrée dans l’assurance. Le secteur est plus dur d’accès compte tenu des nombreuses exigences réglementaires dont Solvabilité 2 et de la complexité des produits à gérer. La crainte pour les assureurs de voir un Google, Amazon, Orange (cf Groupama Banque), ou une start-up venir « ubériser » l’assurance n’est pas encore d’actualité.

Mais si la transformation et l’innovation sont plus lentes, elle seront peut-être plus profondes in fine. En effet, « les innovations dans la banque concernent surtout l’interface entre le client et la machine (digitalisation de services, simplification, accessibilité des comptes…). Dans l’assurance, il y a un plus gros potentiel d’innovation de rupture, de création de valeur, associée à la vie quotidienne des clients, à travers les offres en dommages et les objets connectés », estime Julien Maldonato, directeur conseil assurance chez Deloitte. C’est dans ce sens qu’Axa, Allianz et Covéa ont déjà installé des incubateurs de start-ups et se lancent même dans le capital-risque.

Des start-ups en ébullition

« Le moteur de ces transformations est avant tout la technologie, elle a déjà permis à de nouveaux acteurs, plus petits, plus agiles, avec une approche plus client que produit de rentrer dans l’industrie financière », constate Fabrice Odent, responsable du secteur banques chez KPMG. Les transformations possibles sont nombreuses.

Les objets connectés et nouveaux outils d’assurance sont encore à leurs débuts. « Mais ce ne sont plus des gadgets. D’années en années, les assureurs cumulent des données et auront bientôt assez de connaissance pour proposer des modèles stables », estime Julien Madonato chez Deloitte. Le cabinet a par exemple sélectionné en 2015 15 start-ups dites « digital disruptors » dans l’assurance pour les aider à se développer comme :

  • Dreamquark, un système d’intelligence artificielle pour analyser les données de santé et prévoir une épidémie par exemple ;
  • Zenweshare, un algorithme pour déterminer la qualité de conduite d’un usager à partir de ses données Facebook ;
  • Botcar, un boîtier pour analyser la conduite et l’état du véhicule ;
  • Fluo, une application pour déterminer les garanties en doublon ou manquantes de l’assurance d’une carte de paiement ou encore Wsavvy, une application pour obtenir des réductions sur la prime de son assurance santé grâce au nombre de pas effectués mesurés sur son smartphone.

Sur ce même principe, « aux États-Unis, la start-up Oscar a connu un véritable boom (grâce à l’Obamacare). Elle propose des assurances santé offrant une reconnaissance financière aux assurés en fonction de leurs comportements vertueux», dit Julien Maldonato. Un système de partage des données santé interdit par la réglementation en France.

Demain, l’assurance « Peer to Peer » ?

Enfin, les fintech pourraient venir bouleverser le cœur de métier du secteur à travers l’assurance collaborative ou assurance « Peer to Peer ». Des start-ups s’y sont déjà lancées pour de petits sinistres. La française insPeer ou le courtier allemand Friendinsurance proposent de partager le coût d’une franchise lors d’un sinistre entre une communauté d’internautes solidaires. Quant à la société américaine Guevera, elle rassemble des groupes d’individus qui peuvent acheter ensemble des polices d’assurance, s’aider entre-eux en cas de sinistres et récupérer une partie de leur prime s’il n’y a pas de dommages. Dans chacun des cas, l’effet de réputation créée entre ces individus permet de réduire les comportements à risques.

« On assiste à un retour aux sources de l’assurance et de la mutualité où l’on assure son voisin au sein d’une communauté comme se fut le cas avec les Llyod’s par exemple à leurs débuts. Les assureurs traditionnels ont encore quelques années de répit devant eux, mais leurs futurs concurrents se trouvent peut-être dans un garage de la Silicon Valley à la manière d’un Google », avance Antoine Grenier, associé en transactions chez PwC.

L’assurance « Peer to Peer » pourrait donc signer un retour aux fondamentaux de l’assurance et de l’entraide financière au sein d’une communauté et à l’ère du digital. Paradoxalement, le même digital, l’analyse des données de masse et les objets connectés pourraient aussi casser le modèle traditionnel de solidarité entre assurés en segmentant les risques, en individualisant les tarifs et en laissant de côté des assurés. Les assureurs de demain se situent peut-être entre les deux.

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