BHSI France : “Axer notre développement sur le risque technique”

BHSI France
François-Xavier d'Huart (directeur général France & Belgique) et Camille Luciani (directrice commerciale France) de BHSI

INTERVIEW – À l’occasion de la 31éme édition de l’Amrae, François-Xavier d’Huart (directeur général France & Belgique) et Camille Luciani (directrice commerciale France) font le point sur l’activité de BHSI dans l’Hexagone, entre renouvellements, sinistralité, programmes internationaux et nouveaux axes de développement.

Comment se sont passés les renouvellements 2024 pour BHSI France ?

FXdH – Ce qui caractérise le 1er janvier 2024 pour BHSI France, c’est une croissance forte et sélective. C’est le cas sur certaines lignes porteuses comme le dommage, où nous sommes allés chercher des niches aux conditions particulièrement favorables comme par exemple sur les collectivités locales ou les DROM. Nous avons également fait une très belle croissance sur notre activité Marine (facultés / pose de câbles sous-marin / chantiers navals).

Nous avons également accéléré notre approche de multidétention – aujourd’hui près de 85% des groupes du CAC40 sont clients chez nous – avec un nombre moyen de programmes placés auprès de BHSI qui a doublé en l’espace de deux ans. Cela témoigne d’une meilleure connaissance de nos clients et de leur confiance pour nous confier d’autres lignes.

CLA contrario, nous avons été en défense de nos conditions sur le marché de lignes financières et de la responsabilité civile. Sur le cyber par exemple, nous observons aujourd’hui des baisses pouvant aller jusqu’à 30% quand il y a deux ans à peine, l’ensemble du marché était vent debout contre le durcissement des conditions de souscription. Il faut rester crédible auprès de nos clients et c’est pour cela que nous avons accepté d’être en décroissance sur certains risques aux conditions déraisonnables. Sur ce marché davantage bousculé, nous sommes satisfaits de notre rétention et de notre accompagnement de nos clients.

FXdH – Notre inquiétude concerne aujourd’hui le risque de « social inflation » en, Responsabilité Civile sujet sur lequel nous sommes en avance de phase par rapport au marché.
Aujourd’hui, les courtiers peinent à placer les programmes RC d’entreprises françaises ayant des activités aux Etats-Unis devant la forte probabilité de mise en cause de leur responsabilité. Nombre d’industries sont aujourd’hui exposées.

CL – Le survenance de « nuclear verdicts » et la pratique de « litigation funding » (ndlr : financement d’une action de groupe par des avocats) entraînent une grande difficulté à trouver des capacités à des conditions et prix expirants et pousse les professionnels à imaginer des tours d’assurances spécifiques. Devant l’explosion de la fréquence et de l’intensité des sinistres RC, il est également plus difficile de rémunérer correctement notre capacité sur sur les lignes d’excess. Face à cela, notre stratégie est d’être vigilants et de Favoriser les points d’attachements bas.

Quid de votre développement sur les programmes internationaux ?

FXdH – C’était en effet un axe d’efforts sur ces derniers exercices et nous avons multiplié nos programmes internationaux, notamment en RC et lignes financières.
Notre force réside surtout dans la structuration de petits et moyens programmes avec une vingtaine de polices locales. Pour les accompagner, nous avons un outil de suivi performant, des ressources locales dédiées et des correspondants nous permettant d’émettre des polices locales dans 178 pays. Pour le reste, nous allons devoir encore gagner en expérience pour les plus gros programmes.

Comment a évolué la sinistralité de votre book en 2023 ?

FXdH – Nous avons observé une dégradation de la sinistralité en 2023. Même si les résultats de BHSI France restent largement bénéficiaires, ils seront inférieurs aux exercices précédents sur la branche dommages aux biens. En effet, l’année a été exceptionnelle, notamment en raison des émeutes et des mouvements populaires pour lesquels nous avons pris notre part, mais aussi à cause de deux importants incendies qui sont venus grever notre portefeuille de taille encore modeste.
Toutefois notre stratégie de part nous permet d’absorber ces évènements ce qui valide notre modèle.

Justement, quelle est aujourd’hui la répartition de votre portefeuille ?

CL – Notre book est composé à parts égales entre lignes de first party et lignes de third party ce qui est original chez un assureur américain comme BHSI.
Ces sont aujourd’hui les lignes de first party qui se développent davantage, notamment sur nos activités marine.

Sur ce point, notre principal axe de développement pour 2024 concerne le risque technique, tant en construction et qu’en énergie. Nous avons au sein du groupe une forte expertise sur l’activité énergie (industries pétrolières, mines, production d’électricité, etc) avec une question sur la durabilité des conditions de souscription du marché français.
Sur certaines activités comme les énergies renouvelables ou le « waste to energy », nous devons encore travailler notre copie.

Quel est votre appétit sur les appels d’offres marchés publics ?

CL – Nous nous sommes principalement focalisés sur les appels d’offres infructueux et il y en a eu beaucoup en 2024. C’est notamment le cas pour les grosses collectivités locales où nous sommes intervenus en apérition avec un partage de la capacité avec d’autres coassureurs.

Pour le reste, nous nous limitons aux appels d’offres marchés publics de grands projets et pour les grandes entreprises pour lesquels nous nous positionnons de façon opportuniste avec des partenaires courtiers ayant une très bonne connaissance de leurs clients.

Nous avons par ailleurs deux protocoles en place avec des courtiers partenaires sur une branche spécifique, mais nous restons mesurés sur cet exercice très consommateur de temps et de ressources.

Quel est votre positionnement sur les captives ?

FXdH – À ce stade, nous ne sommes pas un fronteur mais un réassureur de captives.
Cela changera peut-être à l’avenir, mais pour l’heure nous voulons que les capacités que nous affichons auprès de nos clients s’appuient sur nos ressources propres uniquement.

CL – En effet, un fronting de captive impliquerait que nous accepterions d’être réassurés par cette dernière ce qui va à l’encontre de notre principe de fonctionnement sans recours à la réassurance.
Pour autant, il nous arrive d’être associé à des réflexions avec un courtier sur le montage d’une captive d’un client. Alors, nous sommes en capacité d’établir des solutions adaptées (stop loss, franchises aggregate, montage multilignes) ou de réfléchir à des solutions ART avec des montages originaux.

Quel regard portez-vous sur les nouveaux entrants sur le marché français ?

FXdH – Le sujet pour ces acteurs, c’est que lorsqu’ils lancent leur opération dans l’Hexagone, ils commencent généralement leur portefeuille en excess et en coassurance. Il leur faut du temps pour construire leur gestion, leur approche des programmes internationaux et la constitution d’un book et d’une crédibilité assez grande pour devenir un « market maker ».

Il est indéniable que ces acteurs viennent faciliter les placements et compléter les programmes avec de la capacité. Pour autant, aucun d’entre eux ne fait baisser réellement les prix hormis quelques francs-tireurs en cyber.

Que pensez-vous du sujet ?