Benjamin Ostrowka : “La téléassistance a un bel avenir”

Benjamin Ostrowka est DG d’Europ Assistance la Téléassistance.
Benjamin Ostrowka est DG d’Europ Assistance la Téléassistance.

INTERVIEW – Benjamin Ostrowka, DG d’Europ Assistance la Téléassistance, revient sur les perspectives du marché de l’assistance, portées par la révolution démographique et la future loi grand âge.

Pensez-vous que la nouvelle branche autonomie soit une opportunité pour développer davantage la téléassistance ?

La création de la branche autonomie est une très bonne nouvelle, à condition qu’elle améliore les prestations autour de l’autonomie et du grand âge. C’est l’occasion de définir un modèle de société car nous allons tous, de près ou de loin, être confrontés à la perte d’autonomie. Nous attendons la loi grand âge et autonomie qui doit venir compléter le volet du financement. Nous savons bien que les besoins vont au-delà de 1 milliard d’euros annoncé. Il reste donc beaucoup d’interrogations sur le financement de la prise en charge, alors que la génération de baby-boomers va entrer dans une situation de dépendance dans les prochaines années. Le défi démographique est connu, l’anticipation doit avoir lieu maintenant afin de prendre en charge la dépendance de façon digne et le plus souvent à domicile.

Comment positionnez-vous Europ Assistance dans ce contexte ?

Notre rôle est d’aider les personnes âgées à rester à domicile le plus sereinement possible. Le marché de la téléassistance couvre environ 600.000 bénéficiaires en France. Au Royaume-Uni, il y a plus 2 millions de bénéficiaires, avec le même nombre de seniors. Il y a donc un potentiel de croissance important. Avec 10% de part de marché, Europ Assistance, via sa filiale Europ Assistance La Téléassistance, est un acteur de référence du marché de la téléassistance en France. En complément de nos compétences en télémédecine, nous venons par ailleurs de prendre une participation dans la société d’aide à domicile Proseniors visant ainsi à enrichir notre proposition de valeur auprès des personnes âgées ou en situation de handicap.
Nous avons également la possibilité, grâce à l’expertise historique d’Europ Assistance, d’accompagner nos clients les plus mobiles dans les domaines de l’automobile, du domicile et du voyage.

Pensez-vous que l’assisteur puisse être amené à devenir le coordinateur entre les différents intervenants autour de la prise en charge des personnes âgées ?

L’assisteur joue déjà ce rôle dans certains domaines via des partenaires. Par exemple, Europ Assistance est en mesure de répondre à différents besoins tels que des services de conciergerie, transport médicalisé, artisan spécialisé,… Différents acteurs interviennent au domicile des seniors tant dans le domaine social que paramédical. Il y a aujourd’hui une coordination à renforcer et les évolutions technologiques devraient le permettre. Cette coordination devra également intégrer les aidants qui sont des acteurs clés dans l’accompagnement des seniors et assument une charge mentale importante.

Comment souhaitez-vous avancer dans cette coordination ?

Grâce à la prise en participation dans Proseniors, nous allons pouvoir enrichir notre proposition de valeur avec une expertise forte autour des services à la personne. En effet les auxiliaires de vie accompagnent au quotidien les personnes en perte d’autonomie ou en situation d’handicap et jouent souvent un rôle pivot en lien avec les différents acteurs intervenant au domicile. Les clients attendent de plus en plus une proposition de services cohérents et intégrés.

Comment a évolué le marché de la téléassistance ces dernières années ?

La téléassistance est un atout clé dans le bien vieillir à domicile. Nous installons un dispositif simple, un boîtier intégrant un haut-parleur très puissant qui permet un échange direct 24h/7j avec notre plateforme d’écoute. Quand la personne appuie sur son dispositif (bracelet ou médaillon), elle lance un appel la mettant directement en relation avec un chargé de téléassistance d’Europ Assistance. En cas de besoin, nous alertons ses parrains et si nécessaire, organisons l’intervention des secours. Le dispositif s’est enrichi ces dernières années avec des détecteurs de chute automatique ou des dispositifs de téléassistance mobiles intégrant la géolocalisation.

Nous recevons plus 70.000 appels tous les mois, dont 80% sont des appels de convivialité qui permettent de détecter des signaux de fragilité. Lors des 20% restants, nous sollicitons les proches ou les services d’urgence. La téléassistance joue un rôle important permettant d’éviter d’engorger les services d’urgences dans le contexte sanitaire actuel.

Comment la crise du coronavirus a-t-elle impacté votre activité ?

La crise a montré que l’activité de téléassistance a été plus que nécessaire dans la période : la fragilité liée à la solitude s’est ajoutée à la fragilité liée à la dépendance. D’après une étude des Petits Frères des Pauvres réalisée avec l’institut CSA Research à l’issue du premier confinement, 650.000 personnes âgées n’ont trouvé personne à qui parler ou se confier pendant la période. Pour 41% des seniors, cette crise a eu un impact sur leur santé mentale. Dans une période de confinement, savoir que ses parents ou grands-parents sont téléassistés est très rassurant.

Par ailleurs, nous avons basculé en télétravail en quelques jours de façon à assurer une continuité d’activité parfaite. Nous avons proactivement appelé nos 60.000 clients pour leur rappeler les gestes barrière. Nous avons rencontré deux cas de figure : d’un côté, des seniors se sont confinés en famille et d’autres sont restés isolés pendant la période. Si les premiers nous ont moins appelés, les second, en revanche, ont appelé davantage car ils avaient besoin d’être rassurés. Au total, nous avons donc largement maintenu notre niveau d’activité.

Avez-vous enregistré une hausse des clients suite à la crise ?

Concernant les souscriptions, nous avons enregistré une baisse pendant le premier confinement liée à l’arrêt des déplacements, suivie d’une reprise vigoureuse lors du déconfinement. Lors du deuxième confinement, nos clients avaient davantage appris à vivre avec le virus, il y a eu également une meilleure prise en compte de la solitude des personnes âgées dans le respect du protocole sanitaire.

Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années ?

D’ici à 2040, la part de la population de plus 75 ans va doubler. Selon une étude que nous avons menée récemment avec CSA, un tiers des Français se disent prêts à recourir la téléassistance soit pour eux soit pour leurs proches dans les 2 prochaines années. C’est une tendance de fond et la crise a été un catalyseur de cette tendance.
Dans les prochaines années la technologie continuera à se développer permettant de délivrer des solutions encore plus efficaces.

Quelle est votre politique en matière de partenariats ?

Nous distribuons nos services aussi bien directement auprès de particuliers, en B2C, qu’au travers de partenariats aussi bien publics avec des départements ou communes (département de la Seine et Marne, différentes communes du 92, …) que privés. Nous souhaitons continuer à promouvoir largement la téléassistance.

Par ailleurs, nous sommes convaincus de la pertinence de travailler avec l’ensemble des acteurs participant au bien vieillir à domicile des personnes âgées afin de faciliter le suivi des besoins et la coordination des services entre les parties-prenantes (intervenants à domicile, aidants, …).

Et avec le secteur de l’assurance, quelles sont vos perspectives ?

La téléassistance est proposée par certains assureurs mais ce canal pourrait encore être développé. C’est une piste à creuser.

Que pensez-vous du sujet ?