Xavier Gazay (Sedgwick) : “L’expertise reste une profession indépendante”

Xavier Gazay est CEO Europe de Sedgwick

INTERVIEW – Pour News Assurances Pro, Xavier Gazay, CEO Europe de Sedgwick, décline le nouveau plan stratégique du géant de l’expertise. Entre acquisitions, diversifications et nouveaux outils, le dirigeant revient également sur les conséquences de la hausse des sinistres climatiques et sur la relation entre experts et porteurs de risques.

Vous avez réalisé plusieurs acquisitions ces derniers mois. Quelle est votre politique en la matière et quelles cibles visez-vous ?

Nous avons en effet un agenda de croissance soutenu en France et en Europe. À mesure que les attentes de nos clients grandissent, notre offre de services intégrée doit s’élargir. En tant que groupe international, nous devons donc être en mesure de délivrer une palette complète d’offres sous une même bannière.

En parallèle, le poids des contraintes réglementaires ou la prépondérance économique de grands clients poussent certaines sociétés à vouloir céder pour pérenniser leur activité ou créer de la valeur. Cela ouvre donc des opportunités d’acquisitions.

La France (un peu moins de1000 salariés) reste finalement un petit pays à l’échelle de ce que pèse le groupe Sedgwick dans le monde (40 000 salariés), mais c’est un marché très développé et sophistiqué, notamment sur le métier de l’indemnisation. Notre volonté est donc de pouvoir continuer à travailler avec les champions locaux de l’assurance, du courtage et des grandes entreprises pour développer avec elles des synergies.

Sedgwick France s’est engagé en début d’année dans un nouveau plan stratégique. Quels en sont les grands objectifs ?

Nous sortons d’un plan de développement qui s’appuyait à la fois sur la croissance organique et sur un très grand chantier de digitalisation visant à aligner nos outils technologiques avec les standards du groupe Sedgwick. Celui-ci investit de manière constante et soutenue, chaque année, dans la technologie. Ce plan stratégique nous a surtout permis de renforcer nos fondations pour absorber une croissance organique de plus de 50% en trois ans.

Notre nouveau plan s’appuie désormais sur la diversification de nos activités, via de la croissance externe vous l’avez compris. Il passe également par du développement organique sur nos activités cœurs de cible, mais aussi sur des offres sur-mesure, qui existent ailleurs dans le groupe et que nous déployons en France. Sur ce point, s’appuyer sur des capacités locales est très important pour aller vite. Nous devons ainsi être en mesure de proposer à la fois de l’offre, de la technologie, des processus et du savoir-faire.

Comment s’est organisé l’entreprise face aux nombreux sinistres climatiques de ces derniers mois ?

Face à la hausse des évènements naturels, tendance significative de ces dernières années, nous avons observé de plus en plus de périodes de très forte intensité avec des épisodes très localisés. C’est une nouvelle donne pour notre modèle et il faut y répondre structurellement.

Face à l’afflux de missions qu’il faut intégrer et qualifier, la digitalisation doit d’abord permettre à l’assuré qui le souhaite de faire cela à sa convenance, sur le terminal de son choix, pour gagner en efficacité et en rapidité.

Ensuite, pour les expertises qui nécessitent de se rendre sur place, nous avons développé des cellules de mobilisation inter-régions, qui permettent de correctement répartir les experts en fonction de l’intensité des évènements et de leur localisation.
Enfin, concernant les rapports d’expertise, l’ensemble de nos experts, tous équipés d’outils numériques, sont aujourd’hui en capacité d’accéder de manière autonome et n’importe où à toutes nos bases pour gagner en efficacité et en transparence.

Dans ce contexte, vos besoins, notamment en termes de formation et de ressources, ont-ils changé ?

Nous essayons de limiter les ressources additionnelles et les déplacements avec des outils numériques. La visio-expertise est parfaite pour cela. Pour des risques comme le RGA, nous nous appuyons par exemple sur des bases de données externes et l’IA pour qualifier les sinistres et identifier le bon profil d’expert. Cela nous permet de flécher dès leur réception les sinistres les plus complexes auprès des experts les mieux qualifiés.

Concernant la formation, toute la profession est mobilisée. Chez Sedgwick, nous construisons et développons des parcours de compétences et de qualification, et nous proposons du tutorat. Pour autant, certaines zones comme l’Ile-de-France ou certaines grandes métropoles connaissent aujourd’hui des tensions en ressources, compte tenu des volumes liés à la densité de la population. Notre nouveau plan stratégique prévoit à ce titre un ambitieux programme de recrutement de 100 personnes dont 50 experts sur ces zones.

Toujours sur ce sujet climatique, les politiques de vos compagnies partenaires ont-elles évolué ? (fermeté dans les délais / désengagement sur certains risques, etc)

Nous avons de fortes demandes des assureurs sur les délais d’intervention et sur notre capacité de réactivité avec des attendus exigeants, ce qui est normal compte-tenu de l’urgence que revêtent ces sinistres pour leurs assurés. Cela a notamment été le cas lors des émeutes du mois de juin dernier pour la mise en place de mesures conservatoires. Pour indemniser au juste prix, les compagnies s’assurent également que les réorientations vers les réseaux d’entreprises avec lesquelles elles ont des tarifs d’intervention négociés sont correctement appliquées.

Pour le reste, et notamment le chiffrage des indemnisations, nous restons une profession indépendante qui s’appuie sur la réglementation et les conventions existantes. Nous gardons la main sur chaque chiffrage sans intervention des porteurs de risques.

Vous êtes un des leaders du TPA sur le marché. Quelles sont vos perspectives de croissance en la matière ?

Nous avons en effet enregistré une forte progression sur cette activité pour laquelle nous avons doublé de taille en trois ans. Cependant, nous cherchons toujours à accélérer notre croissance dans ce secteur.

Nous avons par exemple commencé à nous développer dans la gestion de sinistres flottes automobiles, activité pour laquelle le groupe Sedgwick est leader aux USA. Nous sommes également positionnés sur la gestion de risques corporate, en RC, et nous réfléchissons à croître sur les commissariats d’avaries. Nous avons également une fort expertise en gestion de sinistres corporels sensibles ou à forts enjeux.

Comment gérez-vous (et tirez-vous profit) de la masse de data que vous récupérez chaque jour ?

Nous sommes conscients de l’importance de la data et nous sommes extrêmement vigilants sur la sécurisation des données, même peu sensibles.

Nous avons un agenda en cours sur l’intelligence artificielle et sur son usage au service de notre métier en France et à l’étranger.
Couplée à la donnée, cette technologie nous permettrait par exemple d’analyser de manière plus pertinente des photos relatives à la sécheresse et de confronter ainsi les avis d’experts sur le RGA. Cela pourrait aussi nous aider sur la détection de la fraude et l’analyse de dossiers complexes.

Que pensez-vous du sujet ?