Prudential : Harvey McGrath et Tidjane Thiam fragilisés mais toujours en place

La direction du groupe d’assurance Prudential a été mise sur le gril par ses actionnaires lundi après l’échec du rachat de la filiale asiatique d’AIG et les coûts massifs de cette opération, mais elle reste en place pour l’instant, convaincue du bien-fondé de sa tentative.

Le conseil d’administration savait que l’assemblée générale ne serait pas une partie de plaisir, après avoir embarqué les actionnaires du vénérable groupe britannique dans l’aventure d’un rachat à 35,5 milliards de dollars, qui a finalement capoté, coûtant à l’assureur 450 millions de livres (545 millions d’euros) en frais divers.

Les principaux actionnaires soutiennent la direction, assure celle-ci, mais certains se sont exprimés en sens contraire dans la presse, comme le fonds Schroders qui estime qu’il “faut bien que quelqu’un rende des comptes”.

Les deux cibles principales de la colère sont le président Harvey McGrath et le directeur général Tidjane Thiam, un Franco-ivoirien à la tête du groupe depuis seulement huit mois.

Les deux hommes se sont voulus pédagogues et apaisants lundi devant l’assemblée générale. M. McGrath a rappelé que la décision d’acheter à l’américain AIG sa division en Asie avait résulté “d’une décision unanime” et très réfléchie du conseil d’administration. Et que le conseil “avait une totale confiance dans le directeur général et son équipe”.  Il s’est dit “extrêmement désolé” des coûts encourus, et a prié les actionnaires d’accepter “ses excuses pleines et entières”.

M. Thiam a présenté ensuite les résultats de son groupe depuis le début d’année, qualifiés de “formidables” par les analystes du cabinet Shore avec une hausse de 27% des ventes nouvelles. Il a “profondément regretté le stress mis sur les actionnaires” par cette affaire, et a promis de tout faire pour “restaurer leur confiance”.

Mais face aux petits actionnaires, la séance a été difficile. L’un d’eux a traité l’ensemble du conseil d’administration de “honte”, en se demandant comment un tel groupe “d’+experts+ avait pu ainsi avoir tout faux”. Un autre aussi s’est demandé “quand M. Thiam prendrait l’honorable décision de démissionner”.

Dans une atmosphère surréaliste, M. McGrath a aimablement remercié tous ces actionnaires de leurs questions, souvent saluées par quelques dizaines de “yeah!” approbateurs dans la salle. La direction a trouvé aussi quelques supporters, applaudis également, dont l’un “a salué le courage de la direction et du directeur général” dans l’affaire AIA.

Après cette séance difficile, M. Thiam a refusé de dire à la presse s’il s’était senti calomnié. “Je garde mes sentiments pour moi”, a-t-il dit. Il a ajouté qu’il était “au service des actionnaires, et s’ils veulent que je m’en aille je partirai”. Il a assuré qu’il aurait démissionné s’il avait eu le sentiment d’avoir tort, “mais ce n’est pas le cas”.

La tête des deux hommes n’était pas en jeu lundi dans les différentes résolutions soumises au vote, presque toutes votées à la quasi-unanimité, sauf un vote technique sur les augmentations de capital (68%), le rapport sur les rémunérations (94%) ou l’élection au conseil d’administration du directeur financier Nic Nicandrou (97,75%).

MM. Thiam et McGrath ont donc un répit, au cours duquel ils devront démontrer que leur stratégie pour Prudential est la bonne. M. McGrath a laissé entendre que l’aventure asiatique n’était pas terminée, annonçant que Prudential allait “suivre avec intérêt” les développements d’AIA.

Le marché a semblé comprendre que Prudential pourrait repartir sur le sentier de la guerre : le titre a terminé en baisse de 3,96% –la plus forte chute de la journée– à 534 pence dans un marché en recul de 1,11%.

Londres, 7 juin 2010 (AFP)

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