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Les impacts de la fusion AGIRC ARRCO

mardi 5 février 2019
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Le 1er janvier 2019, les deux régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO ont fusionné en un seul : le régime AGIRC - ARRCO. Cela soulève beaucoup de questions que SPVIE Assurances a fait le choix de poser à Maître Frank Wismer, avocat associé chez AVANTY Avocats.

 

  1. Maître Wismer, pouvez-vous nous dire si la notion de cadre est amenée à disparaitre avec cette fusion ? Qu’en est-il donc pour les futurs cadres embauchés ?

Tout dépend de quoi on parle ! La notion de cadre est toujours pleinement existante en matière de droit du travail, par exemple, pour la durée du travail, la section prud’homale ou encore les classifications de branches professionnelles. Par contre, en matière de retraite complémentaire, la fusion met effectivement un terme à ce qu’on appelait à une époque « la caisse des cadres », et donc ses adhérents, les salariés cadres, et ne l’oublions pas les non-cadres qui devaient adhérer à l’AGIRC (les « 4bis ») ou qui pouvait y adhérer sur décision de l’entreprise (les « 36 »). Il n’en reste pas moins que la fusion fait tomber un élément symbolique significatif du statut des salariés cadres.

  1. Pouvez-vous nous parler un peu plus de l’impact de cette réforme sur les catégories objectives ?

La plupart des entreprises ont mis en place des régimes de prévoyance, de complémentaire santé ou de retraite supplémentaire de façon différente entre les salariés en fonction des catégories de salariés cadres ou non cadres et/ou des tranches de rémunération, telles que prévues par les dispositions de la Convention Agirc et de l’Accord Arrco, en utilisant les deux premiers des cinq critères que le Code de la sécurité sociale admet pour valider des catégories objectives éligibles aux exonérations URSSAF. Or, depuis le 1er janvier 2019, ces textes ont disparu, et, en théorie, les entreprises ne peuvent plus se fonder sur ces catégories. On imagine toutefois mal que les pouvoirs publics restent indifférents à cette conséquence très significative puisqu’elle obligerait à modifier les DUE, accords collectifs et contrats d’assurance à brève échéance. C’est pour cette raison que la Directrice de la sécurité sociale a confirmé, le 13 décembre par courrier adressé au CTIP, la possibilité, dans l’immédiat, de continuer à recourir aux anciens critères de catégories objectives sans conséquence ou risque de redressement. Mais cette validation vaut tant que les dispositions sur les catégories objectives n’évoluent pas. Or, il se dit qu’un projet de décret modificatif est à l’étude. La question pourrait donc rebondir prochainement.

  1. Quel est l’avenir du régime de prévoyance et notamment de l’obligation pour l’employeur de cotiser à hauteur de 1.50% pour les cadres et que va-t-elle couvrir ?

L’obligation de financement minimal de la prévoyance émane de la CCN AGIRC du 14 mars 1947 qui disparaitra au 31 décembre prochain. A l’occasion des négociations sur la fusion, deux Accords Nationaux Interprofessionnels ont été conclus le 17 novembre 2017 : l’un régit la fusion à proprement parler. L’autre traite de la question de la définition de l’encadrement de façon plus générale. Or les parties ont organisé la reconduction, au 1er janvier prochain, du « 1,50 TA » tel qu’on le connait aujourd’hui si aucun nouvel accord est conclu dans l’intervalle. La négociation ne semblant pas prête d’aboutir, on peut donc dire que cette obligation sera maintenue dans l’immédiat, dans les conditions actuelles.

  1. A la suite de cette fusion, quelle certitude a un futur retraité de ne pas perdre en valeur de points ?

La fusion a été annoncée par ses auteurs comme garantissant une équivalence des droits à la retraite. Mais avant ou après la fusion, cela reste toujours une notion à relativiser puisque le pilotage du régime permet toujours de faire fluctuer la valeur de retranscription du point en montant de pension de retraite.

  1. Pouvez-vous nous parler un peu plus des augmentations de cotisations retraite ?

L'augmentation des cotisations de retraite complémentaire provient de plusieurs facteurs. La hausse des taux d'appel qui passent de 125% à 127%, sans points supplémentaires pour les cotisants, renforcée par le changement des taux contractuels de cotisation, qui passent à 6,2% pour la 1ère tranche de rémunération (inférieure au plafond de la sécurité sociale) et à 17 % pour la 2nd tranche de rémunération (entre une et huit fois le plafond de la sécurité sociale). A cela s’ajoute les augmentations sur diverses contributions, telles que la contribution « d’équilibre » général (CEG) et celle technique (CET) qui visent à assurer l’équilibre du régime.

  1. Quel est votre avis sur la question ?

L’augmentation des cotisations correspond, en pratique, à une perte de rémunération net de quelques euros qui est guidée par un objectif légitime de remise en équilibre des comptes de la sécurité sociale. Chacun appréciera, dans le contexte actuel agité, la portée de cette évolution. On notera toutefois que les salariés adhérant à l’AGIRC et cotisant à la GMP (Garantie Minimale de Points) bénéficierons d’une légère augmentation de leur net à payer, en contrepartie de la suppression de cette validation forfaitaire de points.

  1. Quel est d’après vous l’avenir du temps de travail et notamment des forfaits jours avec la disparition de l’appellation cadre ?

Si la référence à la notion de cadre n’a plus vocation à être utilisée en matière de régime de retraite, cette suppression n’a aucune incidence sur la notion de cadre au sens du Code du travail. Elle reste donc clairement vivace à ce sujet.

  1. Ces questions amènent à d’autres bien entendu ! En ce qui concerne les prud’hommes qui étaient aujourd’hui distingué par la mention cadre ou non cadre, qu’en sera-t-il ?

Pour les mêmes raisons, il n’y aura a priori pas de conséquences puisque la catégorie de cadre sera maintenue en droit du travail.

  1. Et comment les conventions collectives vont-elles être amenées à changer ?

La négociation interprofessionnelle va probablement inviter les branches professionnelles à redéfinir la notion de cadre, peut-être pour intégrer les non-cadres « article 4bis ». Mais à admettre que cela se fasse, on imagine que l’évolution se fera sur un temps long et progressif.

  1. Pour finir cette interview, avez-vous un dernier mot à ajouter pour aider les entreprises à s’adapter à cette fusion ?

Ne pas paniquer ! Il faut effectivement anticiper les éventuels changements, en intégrant progressivement les nouveautés issues de la fusion, sans agir dans la précipitation. Des solutions alternatives existent notamment pour valider des cotisations similaires en utilisant les référentiels de classification et de sous classification des branches professionnelles.