L’ouvrage intitulé Les Grands Principe du marketing de l’Assurance, du marketing traditionnel au marketing digital (éd l’Argus) sort en librairie ce mois de septembre 2017. Qu’est-ce qui a conduit à réaliser une 3e édition de cet ouvrage ? Le contenu de la précédente version, en 2012, est-il de fait complètement obsolète ?

L’édition d’une version actualisée et remaniée du Guide Marketing de l’Assurance a été rendue nécessaire par les profonds changements constatés depuis 5 ans. Même si la version 2012 avait déjà largement intégré les évolutions dues notamment à Internet et aux réseaux sociaux, il est apparu nécessaires aux co-auteurs de revisiter l’ouvrage. Ainsi, près de 50% du contenu a été renouvelé et tous les témoignages d’experts et opérationnels ont été renouvelés ou actualisés.
L’ouvrage de 2017 est le fruit de l’expérience et du travail des 3 co-auteurs qui, avec des profils différents incarnent différentes générations. S’ajoute à ce travail, la collaboration de 45 professionnels qui y ont apporté leurs propres points de vue et expérience.

L’évolution ou révolution en cours, tant au niveau de la Société que dans les pratiques commerciales conduit le Marketing à se renouveler quotidiennement : modification des comportements, digital, règlementation, innovation, nouvelles formes de concurrence…
Mais en même temps, s’il est indispensable pour les marketers d’intégrer les nouveaux outils, il l’est également de ne pas oublier les fondamentaux trop souvent sacrifiés sur l’autel de la modernité et de l’innovation.
Il faut aussi situer l’action du Marketing dans une perspective à moyen long terme et s’interroger sur la façon dont peuvent évoluer les marchés.

Cet ouvrage traite notamment de l’évolution du Marketing depuis le début du 3e millénaire, quels en sont les principales caractéristiques ?
Depuis maintenant près d’une vingtaine d’année, Internet prend une place grandissante dans la vie de chacun avec ses différentes déclinaisons : information, achat, relations,… et, parallèlement, les capacités informatiques permettent de stocker et traiter des quantités gigantesques de données, et demain de mettre en œuvre des solutions à base d’intelligence artificielle, transférant ainsi des tâches nouvelles aux robots.
Le big data est de nature à transformer profondément la façon de faire de l’assurance et, bien sur, son marketing. En premier lieu, la quantité incroyable de données que l’on peut récolter sur le client permettra d’affiner les offres de services.
Nous vivons une époque où tout s’accélère. Il est donc incontournable de réviser en profondeur les processus classiques. Ainsi, le Time-to-Market doit impérativement être réduit. On ne peut plus aujourd’hui admettre un délai de 18 mois à 2 ans pour mettre sur le marché une innovation ! C’est pourquoi de nouvelles méthodes sont de plus en plus employées, comme le Design-Thinking, le Test & Learn…
Les assureurs semblent avoir découvert la pierre philosophale pour attirer et conserver les clients : l’innovation et la relation client. On en parle beaucoup (surtout !) pour la Relation-Client, tandis que certains acteurs investissent en masse (et souvent en aveugle) dans les fintechs, mais au final, le succès est rare et la sanction du ROI est sans merci.
Au titre des évolutions, on ne peut bien entendu passer sous silence l’inflation règlementaire subi par le secteur financier (Solva 2, DDA, PLFSS, ANI, GDPR,Priip,…) et qui impacte lourdement à la fois le marketing et la capacité d’innovation.

Le Marketing de 2017 oublierait-il ses fondamentaux ? Lesquels ?

Les occasions sont légion de tordre le cou à des règles élémentaires de marketing : recherche de rapidité, contrainte règlementaire, négociation avec la distribution, engouement pour l’innovation et les nouvelles technologies,…
Cependant, c’est prendre un risque considérable et les échecs sont là pour en attester. Comme on sait « les faits sont têtus ».
Ainsi, la profusion de données et la multiplication des algorithmes conduisent à privilégier de façon un peu trop exclusive ce qui est appelé la « connaissance-client » au détriment de la compréhension de ce dernier. Concrètement, la part est trop largement faite au behaviorisme quantitatif (tu as acheté tel produit, tu devrais aimer celui-là ! l’illustration en est fournie par les plateformes en ligne qui harcèlent de propositions non pertinentes l’internaute pour peu qu’il ait consulté une rubrique, pas nécessairement pour lui-même !) par rapport aux études qualitatives permettant de comprendre comment pense le client, quelles sont ses valeurs, quelles sont ses attentes, comment il perçoit la protection de son foyer ou son épargne,… ?
La recherche d’innovation se concentre sur des parties non essentielles de notre métier. Ainsi fleurissent des offres gadgets qui ne rencontrent jamais leur marché, comme on dit pudiquement. La différenciation se fait par des plus-produits gadgets alors que le fond du sujet est la protection de l’assuré, notamment dans des domaines qu’il ignore (ou veut ignorer) complètement, comme la responsabilité civile, les risques lourds en invalidité…
Depuis toujours, la segmentation stratégique semble rester une grande inconnue pour les assureurs : on vise toutes les clientèles avec toutes les offres possibles, par tous les canaux de distribution existants ; et, de fait, le positionnement – à de rares exceptions comme la Maif, la Gmf, Ageas – est d’une indigence absolue avec, en corollaire, des marques très peu différenciées dans l’esprit du consommateur.
D’autres fondamentaux du Marketing sont soit ignorés, soit maltraités. C’est le cas de la Valeur-Client qui, malgré des tentatives intéressantes (voir le témoignage d’AXA dans la version 2005 de ce livre) s’est perdue dans les méandres des directions techniques et/ou commerciales. On peut même parler de rejet de ce concept dans de nombreux établissements à caractère mutualiste alors qu’il n’y a rien d’anti-mutualiste à identifier les sociétaires qui méritent davantage d’attention commerciale (multi-équipement ou propension au churn par exemple) ! Heureusement, certaines entreprises – dont celles qui ont témoigné dans l’ouvrage – ont réussi à mettre en place intelligemment une politique client basée sur la relation-Client.
Il n’est donc pas étonnant que la fidélisation soit aussi une grande oubliée ; car il n’est pas possible ni souhaitable de fidéliser tout le monde. Donc, sans Relation-Client, pas de fidélisation efficiente possible. D’ailleurs, la plupart des programmes ont échoué, ont été retiré ou ne concerne en réalité que l’acquisition de client nouveau au détriment du client fidèle.
L’accélération des changements est un facteur de nature à amplifier l’exigence de ROI rapide. Or, tout comme l’assurance est une activité à cycles longs, l’essor de nouvelles offres innovantes mérite de laisser du temps. Malheureusement, les politiques souvent erratiques des compagnies ne permettent pas d’atteindre le résultat promis, ni même d’apporter les corrections nécessaires au business-plan.
Même dans ce monde effréné, il faut laisser du temps au temps.

Donc, beaucoup à faire encore dans le domaine des fondamentaux du marketing. Mais en parallèle, les prochaines décennies s’annoncent pleines de bouleversements. Les auteurs ont-ils abordé cet aspect ?
Absolument. Les assureurs aiment bien jouer à se faire peur ; et les cabinets conseil sont prompts à agiter un chiffon rouge. Certes les risques de disruption sont réels. Par exemple par de nouveaux intervenants au niveau de l’offre (on imagine l’intégration de l’assurance dans les IoT, dans les véhicules autonomes,…). Mais aussi par de nouveaux distributeurs maîtrisant la Relation-Client.
Mais les assureurs restent puissants et bien armés car la règlementation galopante – n’en déplaisent à ceux qui avancent qu’elle n’a jamais empêché l’ubérisation – instaure des normes pour assurer et vendre de l’assurance que les assureurs sont aujourd’hui les seuls à pouvoir mettre en place (non sans douleur !).
D’ores et déjà, des sujets comme l’IA et les chatbots ainsi que la blockchain les mobilisent et nul doute qu’ils sauront en tirer les avantages.
Enfin, face au risque de régression de la masse assurable par l’effet de la prévention (IoT) et de la conduite autonome (ou semi-autonome dans un premier temps), il va falloir inventer les branches de demain : services nouveaux, cyber-risques, etc. Et là, tout est à faire…
Cet ouvrage est exclusivement tourné vers le marché français, envisagez-vous une version plus internationale ?
Le marché français de l’assurance est le plus diversifié au monde : pluralité d’intervenants (différentes familles, nombre d’acteurs), garanties (obligatoires ou non, couvertures en illimité, multirisques, services associés), multidistribution (agents, courtiers, réseaux salariés, agences bancaires et de mutuelles, direct), ce qui fournit un terrain d’observation inégalé.
Comme nous l’avons fait avec les 45 témoignages français, des expériences étrangères pourraient enrichir encore ce travail.
Dans un premier temps, compte-tenu de la diversité de notre marché, certaines parties, avec leurs témoignages opérationnels, pourraient être traduites pour les assureurs. C’est une suggestion que nous ferons à notre éditeur.

Annexe I : les co-auteurs

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Christian PARMENTIER

40 années d’expérience du marketing dans l’assurance, a exercé des fonctions de responsabilité au sein de grandes entreprises d’assurance (UAP, PFA, IONIS, GAN) et au sein d’organismes professionnels (CAPA, EFMA). Animateur du Club Banque Finance Assurance durant de nombreuses années, il créé, en 2006 le Laboratoire Assurance Banque. Il a par ailleurs créé et anime le Blog « sauvonslassurance »

 

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Alexandre RISPAL

Diplômé de Sciences-Po Lille (Administration Publique), a exercé des fonctions à responsabilité dans le marketing stratégique, produits et innovation pendant douze ans. Il est aujourd’hui Directeur Général d’une Assurtech. Il est également Président du club Banque-Finance-Assurance de l’Adetem (Association Nationale du Marketing), membre du Think Tank prospectif les Mardis du Luxembourg et conseiller au sein de l’Advisory Board InstechAI. Il a publié plusieurs ouvrages autour des médias sociaux, de l’Intelligence Artificielle et des objets connectés. Il enseigne par ailleurs le marketing, l’innovation et l’économie au sein de business schools, d’écoles d’ingénieurs ou de classes préparatoires aux concours administratifs.

 

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Marie HUYGHUES-BEAUFOND

Actuaire ISFA (Institut de Science Financière et d’Assurances), certifiée par l’Institut des Actuaires ; a débuté sa carrière professionnelle dans le domaine de la modélisation des risques. Elle est aujourd’hui Responsable Actuariat et datascience dans un assurtech.

Annexe II : liste des contributeurs à cet ouvrage.

  • Préface de Bruno ROUSSET, Fondateur et Chairman du Groupe APRIL
  • Jean-Paul Aimetti, Professeur au Cnam, Président de Club Adetem des Directeurs Marketing de Grands Groupes
  • Sandrine Auvray, Fondatrice et Dirigeante de Auvray & Associés
  • Nelly Brossard, Directrice Marketing & Internet de Maif
  • Xavier Charpentier, Directeur Général Associé de Free Thinking
  • Catherine Charrier-Leflaive, Directrice de la Banque de Détail & de l’Assurance de Banque Postale
  • Stéphane Daechner, Directeur Communication de MMA et Président de La Prévention Routière
  • Dominique Deleersnyder, Président d’Hepsidia
  • Stéphane Dessirier, Directeur Général de Macsf
  • Annie Dillard, Directrice Marketing & Communication du groupe Prévoir
  • Romain Durand, Head of life Operations de Barents Risk Management
  • Joëlle Durieux, Directrice Générale du Pôle Finance Innovation
  • Nicolas Ebrad, manager au sein du cabinet Vertone
  • Maximilien Ferré, Responsable Marketing Offres, PAC, Dispositifs Outils & Réseaux de Groupama
  • Sadik Filipovic, associé opérationnel au sein du cabinet Twelve consulting
  • Christian Gatard, Fondateur et directeur de Gatard et associés
  • Norbert Girard, Délégué Général de l’Observatoire de l’Évolution des Métiers de l’Assurance.
  • Joël Golder, Dirigeant du cabinet Golder Partners
  • Tania Gombert, Responsable Marketing d’ECA Courtage
  • Gilles Gosson, Directeur de l’Offre d’AssurOne
  • Hervé Kayser, Dirigeant de Performance Réseaux
  • Sylvie Langlois, Directrice Générale de Ciprès Assurances
  • François Laurent, Consumer Insight et co-Président de l’Adetem
  • Bertrand Lavayssière, Partner & Managing Director UK de ZEB
  • Jean-François Lemoux, Membre du Collège de Supervision de l’ACPR
  • François Leneveu, Président & co-Fondateur d’Altaprofits
  • Bertrand Liber, Président de LSA Courtage
  • Stéphane Mallard, Digital Evagelist et Speaker chez Blu Age
  • Delphine Mallet, Directrice des Services de la Silver Economie du Groupe La Poste
  • Natacha Minasso, Directrice Marketing, Commerciale & Communication du Groupe France Mutuelle
  • Jacques Nardeau, Dirigeant d’Acteum
  • Frédéric Panchaud, Directeur de l’offre Blockchain, VISEO
  • Edouard Perrin, Directeur Marketing & Digital de Macsf
  • Pierre Petauton, actuaire agrégé de l’Institut des Actuaires
  • Patrick Petitjean, Fondateur d’Utwin Assurances
  • Marc Phalippou, Responsable Voix du Client de MMA
  • Florence Picard, Présidente de la Commission Scientifique de l’Institut des Actuaires
  • Nathalie Ravet, Responsable Veille et Etudes d’April Courtage
  • Michel Revest, ex-Directeur Recherche & Innovation de Covéa, Membre du Comité Scientifique du LAB
  • Didier C. Reynaud, Dirigeant d’Affiliance Conseil
  • Christophe Rougon, Responsable Marketing Client de Macif
  • Thierry Scheur, Directeur Commercial & Marketing d’Aréas
  • Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet de recrutement Clémentine
  • Jean-Christophe Teurlai, Responsable Etudes Marketing & datamining de MMA
  • Julie Thines, Directrice de la formation Executive du groupe MediaSchool

Les grands principes du marketing de l'assurance : Du marketing traditionnel au marketing digital

Parce que l’assurance est un métier spécifique, son marketing doit être adapté en conséquence. Certes, l’activité d’assurance ne peut être dé- connectée de son environnement et est fortement influencée par l’évolution de la société et des autres secteurs d’activités, mais la transposition pure et simple de méthodes venues d’autres secteurs a presque toujours abouti à des échecs…

Que pensez-vous du sujet ?