Frédéric de Courtois, DGA d’Axa : “Un monde toujours assurable ?”

Frédéric de Courtois est directeur général adjoint du groupe Axa.
Frédéric de Courtois est directeur général adjoint du groupe Axa.

TRIBUNE – Frédéric de Courtois, directeur général adjoint du groupe Axa, lance un appel au secteur pour repousser les murs de l’assurabilité. Cette tribune est publiée dans notre magazine sur le Bilan 2023 de l’assurance.

L’année 2023 a confirmé la tendance commencée avec cette décennie : nous ne sommes plus dans un monde de crises séquentielles, mais dans un monde de crises parallèles et multiples. C’est ce monde en crise, ce monde de crises, que notre société doit apprivoiser et que nous devons gérer, nous, assureurs. Dans un horizon obscurci par un réchauffement climatique aux conséquences de plus en plus sensibles pour nos concitoyens, le danger est grand de s’abandonner à la désespérance et d’envisager des lendemains toujours plus sombres.
Ce fatalisme qui conduirait à envisager le futur comme un risque trop important pour être assurable, chez Axa, nous le refusons.

Pourtant, nous ne nous voilons pas la face : les risques existent et s’accroissent. Notre 10ème édition du Future Risks Report d’AXA fait ressortir 3 risques majeurs mondiaux. Le risque climatique, illustré par les inondations à répétition en France, est désormais considéré comme le risque n°1 pour la première fois sur tous les continents et dans tous les pays du monde, y compris aux États-Unis. Après l’Ukraine, la sensibilité au risque géopolitique s’est accrue avec la situation au Moyen-Orient et la perturbation des routes maritimes. Enfin, les risques liés à la technologie ont pris une nouvelle ampleur en 2023 avec les progrès de l’IA et occupent tous les esprits.

C’est donc en pleine conscience que nous sommes convaincus que tous les risques sont assurables et doivent être assurés. Car ne pas être assuré, c’est être coupé du droit à avoir un toit, à pouvoir prendre des risques, à participer à la vie en société. L’inassurabilité est une hérésie pour un assureur : repoussons les murs de l’assurabilité ! Cette responsabilité collective repose sur trois conditions.

Un prix juste, des partenariats public/privé et la prévention

La première condition de l’assurabilité est le juste « pricing » des risques. Pouvoir fixer le bon prix d’un risque est essentiel. Une tarification juste permet non seulement aux compagnies d’assurance d’avoir la capacité d’assurer, mais il permet aussi aux citoyens et aux entreprises de comprendre le prix des décisions prises et d’adopter des comportements responsables. Le principal obstacle à la détermination du prix adéquat est ici l’augmentation de la fréquence du risque qui remet à plat tous les modèles de prévision et de mutualisation. C’est notamment le cas pour les catastrophes naturelles. Les modèles ont sous-estimé systématiquement ce risque ces dernières années car il est extrêmement difficile de mesurer précisément leur augmentation et leur impact, ce qui entraîne aujourd’hui une hausse des tarifs.

La deuxième condition de l’assurabilité, ce sont les partenariats publics/privés dont le régime Cat Nat est l’exemple le plus probant. Ce régime est une spécificité française qui a prouvé son extrême efficacité. Il est marquant de voir que même en Europe, seule une minorité de pays ont des partenariats public/privé. La majorité des pays sont obligés de définir des mesures imparfaites dans l’urgence en réponse à chaque catastrophe naturelle. Ce n’est pas le cas de la France. L’importance et l’efficacité des partenariats publics/privés s’est aussi vérifiée lors du tremblement de terre au Maroc en septembre 2023 où le fonds de catastrophe naturelle marocain, mis en place avec la contribution d’Axa, est intervenu sur ce sinistre.

La troisième condition, c’est évidemment la prévention. C’est un sujet où le retard s’est accumulé. Sans doute car ce n’est pas populaire, la prévention ayant un coût immédiat et pour des résultats positifs éloignés. L’impulsion politique et réglementaire est donc absolument essentielle pour une politique de prévention, en particulier sur le risque cyber. Assurer le risque cyber n’est pas possible sans prévention : si les grandes entreprises ont beaucoup investi en ce sens, les petites entreprises sont en revanche bien plus vulnérables.

Mieux assurer les nouveaux risques

Repousser les murs de l’assurabilité, cela veut aussi dire assurer des risques que nous craignons et que nous n’assurons aujourd’hui pas suffisamment. Par exemple, comment mieux protéger les personnes modestes, notamment dans les pays émergents ? La santé est également un enjeu d’avenir : pouvoir apporter des solutions satisfaisantes aux maladies chroniques se fait de plus en plus pressant. J’identifie un troisième enjeu : l’assurance des nouvelles technologies liées à la transition énergétique.

Un assureur a souvent du mal à mesurer ce genre de risque, car il n’a pas d’historique ou de modèle éprouvé. Pour mieux les appréhender, l’IA est certainement une solution. De manière plus large, le progrès technologique est une des clés pour répondre aux défis. Que ce soit dans le domaine de la gestion et de l’analyse de données, les gains de productivité… la technologie peut nous permettre de dessiner de nouvelles offres pour un monde toujours assurable.

À nouveaux risques, nouvelles réponses. C’est la responsabilité de l’assureur de les envisager car le futur ne doit pas être un risque.

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