F. Heyriès et M. Savignac : “La réforme de la PSC reste inachevée”

Fabrice Heyriès est directeur général de la MGEN. Matthias Savignac en est le président.
Fabrice Heyriès est directeur général de la MGEN. Matthias Savignac en est le président.

TRIBUNE – Fabrice Heyriès et Matthias Savignac, directeur général et président du groupe MGEN considèrent que la mise en œuvre ministérielle de la réforme de la PSC se fait à vitesse variable, que “les mécanismes de solidarité comme la question de la prévoyance ne sont pas stabilisés”. Cette tribune est publiée dans notre magazine sur le Bilan 2022 de l’assurance.

La réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents de la fonction publique était nécessaire, mais reste inachevée. Elle s’arrête, pour l’heure, à la protection en santé qui a fait l’objet d’un accord interministériel. Sa mise en œuvre ministérielle se fait à vitesse variable, et les mécanismes de solidarité comme la question de la prévoyance ne sont pas stabilisés.

Chaque ministère s’organise à sa manière et à son rythme face à cette future responsabilité pour l’employeur public. À deux ans de l’échéance pour la fonction publique d’état, plusieurs ministères ont modifié leur date de mise en œuvre, l’avançant ou la reculant dans un calendrier contraint 2024-2026. Pour les mutuelles habituées à gérer la protection de leurs agents, la crainte majeure reste qu’il n’y ait pas suffisamment d’anticipation des ministères sur la consolidation de leurs données et des systèmes d’information. Si des agents en exercice ne sont pas bien enregistrés, le risque est qu’ils se retrouvent sans protection pour un temps incertain, provoquant des situations complexes voire dramatiques à rattraper. L’anticipation sera clé.

Quel avenir pour les mécanismes de solidarité ?

La réforme de la PSC chamboule, par ailleurs, le modèle mutualiste puisqu’elle va casser certains mécanismes de solidarité et de redistribution. Aujourd’hui, les mutuelles couvrent sans exclure et organisent des transferts de solidarité entre actifs et retraités, entre malades et bien-portants, entre générations, entre territoires. La place importante qu’occupent l’action sociale et la prévention est remise en question par un panier de soin qui fixe un minimum de 0,5% de la cotisation quand MGEN, comme la plupart des mutuelles de la fonction publique, y consacre 3%.

La PSC c’est aussi un accélérateur de redéfinition du paysage de l’assurance en France : par la crainte de la mise en concurrence et la concentration pour affronter la réforme. Le principal risque que nous y voyons, c’est la dilution du mutualisme dans l’assurance. Les mutuelles ont des valeurs, un ancrage historique et territorial ainsi qu’un mode d’entreprendre propre à l’ESS en grande adéquation avec les aspirations de notre société et a fortiori des agents du service public. Les ministères devront assurer ce maintien fort de la solidarité.

La prévoyance, dont les négociations entre l’état et les organisations syndicales se poursuivent, ne doit pas être oubliée. Notre conviction, c’est que dans un monde toujours plus contraint et un pouvoir d’achat des Français qui se dégrade, l’état préférera investir un euro dans le pouvoir d’achat immédiat plutôt que dans la prévoyance dont les effets ne seront ressentis que par les agents qui y auront recours. Les chiffres montrent que les agents du public sont moins bien couverts que les salariés du privé. Cela dit, l’État n’a pas vocation à prendre en charge toute la protection de ses agents, qui représenterait un volume financier colossal. La prévoyance complémentaire reste et restera indispensable. Et puis, le prix de la prévoyance est toujours moins élevé que celui de l’imprévoyance : 15 milliards estimés par an pour tout le pays.

Changer de paradigme sur la prévoyance

Nous pensons qu’il faut changer de paradigme et faire beaucoup de pédagogie sur les risques liés à l’absence de prévoyance et le manque de prévention des risques. C’est important qu’elles soient intégrées aux discussions autour de la réforme de la PSC pour les agents. Sans cela, les agents penseront soit qu’ils sont déjà couverts, soit qu’ils n’en ont pas besoin.

Le gouvernement a montré à plusieurs reprises depuis l’été dernier sa volonté de conserver un système complémentaire pour soutenir l’Assurance maladie et l’hôpital public. Avec le changement d’intitulé du ministère de la santé et l’ajout de la prévention, la volonté de construire des réflexes préventifs est visible. Il a décidé de le faire sans les complémentaires santé mais a introduit de nouveaux transferts de charge et créé un Comité de dialogue avec les organismes complémentaires (CDOC).

Le secteur continuera d’être associé et mis à contribution pour construire des réponses adaptées aux besoins en santé de nos concitoyens. Sans pouvoir parler d’un virage préventif majeur, les consultations instaurées à 25, 45 et 65 ans dans le dernier PLFSS sont le signe que la Sécurité Sociale commence à prendre plus en charge la prévention par rapport à l’approche historiquement plus curative. Leur efficacité ne peut cependant tenir que dans la complémentarité et le dialogue, au risque d’aboutir à une promesse des pouvoirs publics en demi-teinte : avec un cadrage trop serré, le dispositif pourrait ne pas décoller.

Pour finir, après près de deux années de recul sur les effets des confinements, le ralentissement des soins est remplacé par un rebond. La santé et la soutenabilité de notre système de santé vont rester des préoccupations importantes pour encore quelques temps.

Fabrice Heyriès et Matthias Savignac,directeur général et président du groupe MGEN

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