Éric Gex-Collet : “C’est plus facile de confiner que de déconfiner”

Éric Gex-Collet est directeur général d'Eovi-Mcd et DRH du groupe Aésio.
Éric Gex-Collet est directeur général d'Eovi-Mcd et DRH du groupe Aésio.

INTERVIEW – Éric Gex-Collet, directeur des richesses humaines du groupe Aésio et directeur général d’Eovi Mcd mutuelle, détaille l’accord sur le déconfinement conclu avec les organisations syndicales de l’UMG et des différentes mutuelles du groupe mutualiste.

Qu’avez-vous prévu pour le déconfinement chez Aésio ?

Nous avons proposé aux partenaires sociaux des 4 entités du groupe (Adréa, Apréva, Eovi-Mcd et UMG) un accord sur les modalités de déconfinement. Ce n’était pas une obligation de l’entreprise mais nous avons souhaité nous inscrire dans cette démarche partenariale. La plupart des organisations syndicales représentatives de chacune des entités du groupe ont accepté de le signer. C’est un accord qui se veut pragmatique, adaptatif et évolutif et limité dans le temps (septembre 2020) ; il faut rester humble face à cette crise.

De déconfinement, nous n’en avons jamais fait. Nous essayons de penser à tout mais nous oublions peut-être certains aspects. Travailler avec les partenaires sociaux et les associer à l’évaluation des mesures nous permettra éventuellement de les corriger ou les compléter.

Que prévoit cet accord ?

Je pense que c’est plus facile de confiner que de déconfiner parce qu’il faut une organisation très séquencée, beaucoup d’organisation et de logistique, presque militaire. L’accord prévoit 4 phases bien distinctes. La première phase du 11 mai au 25 juin correspond au retour des déconfineurs. Une cinquantaine de salariés, principalement des moyens généraux, sont chargés d’ouvrir et préparer les sites administratifs et les 300 agences du groupe. Ils vont préparer 3.500 kits sanitaires pour nos collaborateurs. Chaque kit contiendra des masques, du gel hydroalcoolique, des lingettes, des gants et des bouteilles d’eau. Ils seront également en charge de faire des marquages au sol, prévoir les flux de circulation, nettoyer les filtres de climatisation et désinfecter ce qui doit l’être.

La deuxième phase, qui démarre le 25 juin, correspond au retour progressif des salariés des sites administratifs. L’objectif est d’avoir 50% des collaborateurs en télétravail et 50% sur site, avec des roulements. Mais là aussi…restons pragmatique.

La troisième phase, qui démarre début juin, correspond à l’ouverture des agences. D’ici là, nous allons mettre en place des parois en plexiglas. Des masques seront à disposition dans les points d’accueil, car nous allons obliger les adhérents à porter un masque en agence. Nous avons reçu 200.000 masques de différents types (chirurgicaux, à usage unique, lavables). Selon nos calculs, le stock peut durer 2,5 mois. De nouvelles commandes sont en cours.

La quatrième phase est celle du bilan. Elle démarre début juillet et sa durée dépendra du volume d’activité. Nous n’avons pas encore fixé la date de retour de l’ensemble des collaborateurs sur site.

Quelles ont été les demandes des organisations syndicales sur cet accord ?

L’accord prévoit un dialogue social renforcé pendant la durée du déconfinement. Les demandes des organisations syndicales sur les mesures de sécurité ou le nettoyage des sites vont au-delà de ce qu’on avait imaginé. Les syndicats ont aussi insisté sur la mise en place des dispositifs de suivi. Ainsi, un comité de suivi paritaire se réunira toutes les semaines jusqu’à fin septembre pour faire le constat et le suivi du déconfinement.

Comment s’est-il passé le confinement chez Aésio ?

Le confinement a été une grande affaire. Nous avons demandé à nos collaborateurs de rentrer chez eux le 17 mars et en 15 jours, nous avons réussi de mettre en télétravail quasiment 75% des salariés du groupe. Pour ce faire, nous avons permis à des salariés de revenir au bureau récupérer un PC, un écran ou un câble ethernet par exemple. Nous avons acheté des centaines de téléphones portables pour leur permettre de répondre aux appels de nos adhérents à distance. L’activité a été ralentie mais ne s’est pas arrêtée.

Qu’en est-il des 25% des collaborateurs qui n’étaient pas en télétravail ?

Les autres collaborateurs étaient en congés ou RTT. Uniquement 5% de nos collaborateurs n’ont pas eu la capacité de télétravailler, car tout le monde n’a pas de connexion Internet à la maison. Nous n’avons pas eu recours au chômage partiel, même pour les salariés privés d’activité, et nous avons maintenu l’intégralité des salaires.

Comment imaginez-vous l’avenir du télétravail dans vos structures ?

Le télétravail n’était pas une pratique courante pour nos collaborateurs. Uniquement certains collaborateurs d’Eovi-Mcd en bénéficiaient. Maintenant qu’on a mis le doigt dans la confiture du télétravail, on va devoir continuer.

En revanche, je suis conscient que tout le monde n’est pas égal face au télétravail. C’est sûr que pour moi, confiné dans une grande maison à la campagne et sans enfants, c’est plus facile que pour les collaborateurs avec des enfants en bas âge dans un appartement de 50 mètres carrés. Nous sommes conscients que les conditions de travail peuvent être difficiles. Nous avons fait confiance aux collaborateurs. Nous ne vérifions pas s’ils travaillent à 100%.

Après cette crise, on va voir comment on inscrit la pratique du télétravail dans nos structures. Je suis convaincu qu’on va avoir un Plan Marshall sur l’organisation de travail, sur les déplacements, sur l’organisation des réunions, sur l’e-learning, sur la qualité de vie au travail et la qualité de vie en télétravail. J’ai lu que Peugeot envisage que le télétravail soit la règle et pas l’exception. C’est intéressant. Il faut cependant que les salariés puissent télé-travailler dans de bonnes conditions.

Avez-vous reçu des demandes de remboursement des frais de fonctionnement, pour les salariés en télétravail ?

Les salariés en télétravail bénéficient soit d’une indemnité de 2 euros par jour soit d’une indemnité forfaitaire de 40 euros par mois. Cette indemnité était déjà prévue pour les salariés d’Eovi-Mcd qui faisaient du télétravail avant la crise et nous l’avons étendue à l’ensemble des collaborateurs du groupe.

Avez-vous constaté une baisse des remboursements chez Aésio depuis le début du confinement ?

Nous avons enregistré une baisse de 50% des remboursement de soins par rapport à la période normale. Contrairement à l’assurance auto, en assurance santé nous nous attendons à un effet de rattrapage. Nous ne connaissons pas la vitesse de l’effet report. En période normale, nous recevons 4.000 appels téléphoniques par jour. Pendant la période de confinement, nous en avons reçu 2.000 par jour. Par ailleurs, nous avons décidé de doubler les budgets d’action sociale pour les adhérents en difficulté. Nous avons également accepté par principe toutes les demandes de report de cotisation des entreprises. Nous avons reçu environ 500 demandes de délais de paiement à l’échelle d’Aésio.

Comment envisagent vos salariés le déconfinement ?

Dans ce contexte, il faut être extrêmement proche des salariés. A titre personnel, depuis le début du confinement, j’ai adressé un e-mail tous les jours à l’ensemble des salariés, pour les tenir au courant. Nous avons des salariés qui sont contents de retourner au bureau et d’autres salariés qui ont la boule au ventre. Je pense qu’il existe un risque d’explosion d’une bulle émotionnelle, avec possiblement une inflation des risques psychosociaux. Depuis le début du confinement, nous avons mis en place une cellule d’écoute psychologique pour les salariés du groupe.

Et à titre personnel, comment avez-vous vécu le confinement ?

A titre personnel, j’ai eu l’impression de travailler beaucoup plus, avec des journées plus denses, de 12 à 15 heures. Passer la journée au téléphone et en visio-conférence demande une attention beaucoup plus forte. La bonne nouvelle c’est que je n’ai pas mis les pieds dans un TGV depuis deux mois et que dans les prochains mois une nouvelle organisation du travail est à construire.

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