Chronique : Les perspectives de la réassurance mondiale restent négatives

Perspective
L'agence de notation S&P Global Ratings détaille ses perspectives pour le marché européen de la réassurance.

Le secteur de la réassurance a généré des résultats techniques fragiles au cours des dernières années (2017-2020) et 2021 se profile manifestement comme un nouveau millésime marqué par des résultats inférieurs à son plein potentiel.

L’industrie continue de souffrir des effets de concentration des risques dus à une urbanisation rapide et de pertes liées aux catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et sévères. En effet, les 21 plus grands réassureurs globaux notés par S&P Global Ratings épuisent, pour la cinquième année consécutive, leur budget annuel dédié aux catastrophes naturelles. Par ailleurs, les effets consécutifs à la pandémie de Covid-19 ont continué de peser négativement.

D’après l’université de médecine Johns Hopkins, près de 244 millions de cas de Covid-19 ont été recensés depuis le début de la pandémie provoquant plus de 4.9 millions de décès. En conséquence, l’industrie de l’assurance a supporté environ 44.6 milliards de dollars de pertes liées à la pandémie. Pour leur part, les 21 plus grands réassureurs globaux en ont absorbé 21.6 milliards, soit près de la moitié des pertes totales.

Cette année encore, les renouvellements de polices d’assurance ont intégré une augmentation des tarifs dans la plupart des segments, stimulée par le coût des sinistres attritionnels, les catastrophes naturelles et l’incertitude persistante concernant les pertes liées à la Covid-19. Cependant, le rythme de cette croissance tarifaire s’est infléchi au cours des premiers trimestres de l’année 2021. Par exemple, les tarifs relatifs aux catastrophes naturelles n’ont pas cru autant que les réassureurs l’espéraient. A contrario, la hausse des prix de l’assurance primaire des dommages a quand même bénéficié aux réassureurs grâce aux acceptations proportionnelles. Toutefois, nous estimons que la tendance en faveur d’augmentations supplémentaires des tarifs s’est de nouveau renforcée au troisième trimestre et nous prévoyons que cette dynamique positive se poursuive jusqu’en 2022.

Malgré la Covid-19 et les sinistres liés aux catastrophes naturelles plus fréquentes, le secteur de la réassurance a terminé 2020 avec un niveau des fonds propres très convenable. Cette capitalisation a été supportée par la reprise des marchés financiers et les $23.6 milliards de capitaux levés en 2020 (65% sous forme d’actions et 35% de dettes). Le secteur de la réassurance sert souvent de filet de sécurité pour le marché de l’assurance primaire. Ainsi, les réassureurs mondiaux ont tendance à être fortement capitalisés tout en appliquant des stratégies d’investissement généralement conservatrices.

Le rôle crucial des capitaux alternatifs

Selon les estimations d’Aon PLC, les capitaux propres des réassureurs à l’échelle mondiale ont augmenté de $10 milliards (soit +1.5%) au cours des six premiers mois de 2021. Cette augmentation découle de la croissance des capacités traditionnelles et alternatives. Ces dernières, qui comprennent notamment la réassurance collatéralisée, les obligations catastrophes et les side-cars ont augmenté de $3 milliards (soit +3.2%) au cours du premier semestre. Dans un contexte de taux d’intérêts toujours bas, le capital alternatif joue un rôle important sur le marché mondial de la réassurance et encore plus pour le segment de la rétrocession.

Depuis 2017, la rentabilité du secteur mondial de la réassurance peine à atteindre son coût de capital. Au premier semestre 2021, le retour sur fonds propres s’est amélioré mais est resté inférieur aux attentes des investisseurs. Néanmoins, le coût du capital estimé à 9.6% au premier semestre s’est amélioré par rapport aux 7.7% de l’année précédente. Compte tenu des pertes élevées liées aux catastrophes naturelles durant le troisième trimestre, il est toutefois peu probable que les bénéfices du secteur soient suffisants pour couvrir le coût de capital sur l’ensemble de l’exercice 2021. Par conséquent, 2021 sera probablement une année de plus au cours de laquelle le secteur n’atteint pas ses objectifs.

Les réassureurs naviguent en terrain délicat du fait d’incertitudes affectant les deux côtés du bilan. Dans ce contexte, les réassureurs gagnants seront ceux qui combinent la meilleure discipline de souscription, développent des solutions de risques innovantes et améliorent leur proposition de valeur. Notre perspective négative pourrait être relevée dès lors que la rentabilité du secteur corresponde de nouveau à son coût de capital, ce qui selon nous ne devrait pas se produire avant 2022.

Par Alphée Roumens, Credit Rating Analyst
S&P Global Ratings

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