Chronique : Vers une uberisation de l’assurance ?

L’uberisation du secteur de l’assurance est-elle en marche ? On ne compte plus les acteurs qui sont apparus ces dernières années à la faveur de l’essor des plateformes numériques et de l’explosion du digital. Leur objectif est clair : se positionner en tant qu’intermédiaire à valeur ajoutée pour fournir de nouveaux services ou produits qui collent au plus près des besoins et aspirations des consommateurs ; il peut s’agir d’une nouvelle expérience client, personnalisée (Airbnb), d’une meilleure réactivité (Über), ou encore de prix plus attractifs.

Ce phénomène s’est largement amplifié sous l’impulsion des nouveaux modes de consommation collaboratifs, tel Blablacar qui a su monétiser les services de mise en relation entre covoitureurs. Identifié un temps comme une menace, les assureurs peuvent néanmoins y trouver un puissant levier en termes de conquête de nouvelles parts de marché et d’augmentation de chiffres d’affaires.

L’heure du choix entre une approche frontale et une approche plus latérale

Pour faire face aux transformations induites par l’économie collaborative, deux approches s’offrent aux compagnies d’assurance : une approche frontale se traduisant par une rupture totale ou partielle du modèle assurantiel actuel ou une approche latérale, qui consiste à accompagner cette mutation par des ajustements non structurants pour l’industrie de l’assurance.
Les assureurs traditionnels semblent pour l’heure avoir opté pour la seconde approche. Leur réponse s’articule en effet pour la plupart autour de nouvelles offres et services spécialement conçus pour cette clientèle adepte de ces nouveaux modes de consommation.

A l’évidence, les partenariats entre assureurs et plateformes de partage se précisent. Le dernier en date concerne Axa et le leader européen du covoiturage Blablacar qui offre des protections supplémentaires aux co-voitureurs et ce, sans frais supplémentaires. Autre exemple, celui de la MAIF qui a fait le choix d’une prise de participation directe au sein de Guest-to-Guest et Koolicar, start-ups de l’économie collaborative respectivement dans le secteur du tourisme et la location de véhicules.

Toutefois, certaines entreprises, start-ups pour l’essentiel, ont fait le pari de l’approche frontale : Friendinsurance en Allemagne et JFloat en Angleterre, qui sur le modèle de crowdinsuring, protègent directement leurs assurés des petits sinistres grâce au pot commun constitué par les primes de ces derniers, les sinistres plus importants étant pris en charge par une police complémentaire souscrite auprès d’un assureur classique. De même Inspeer, start-up française innove en offrant la possibilité à ses clients de mutualiser le montant de leur franchise en cas de sinistre.

Une nécessaire acculturation pour s’approprier les codes du digital

Fortes de cette transformation déjà engagée sur le marché de l’assurance, les prochaines années pourraient voir émerger des offres plus complètes portées potentiellement par les géants du numérique. Les assureurs doivent s’y préparer dès maintenant en misant sur l’optimisation de l’expérience client d’une part et sur l’innovation portée à tous les maillons de la chaine de valeur d’autre part.
L’enjeu de la maitrise de l’expérience client se justifie par l’obligation de construire ou de préserver une relation directe de qualité avec les assurés et de pouvoir anticiper les changements comportementaux. Des offres s’appuyant sur les objets connectés peuvent par exemple contribuer à personnaliser la relation, la renforcer et l’entretenir. Au-delà de l’objet connecté en lui-même, les services associés doivent pouvoir évoluer rapidement pour être toujours en adéquation avec les besoins des assurés. Les équipes projets doivent donc développer des approches agiles pour lancer régulièrement de nouvelles fonctionnalités qui pourront être évaluées et notées par les utilisateurs. La différenciation par les services est un élément de décision clé pour le client final.
Pour acquérir cette agilité, et repenser les offres et services en terme d’usages et de valeur ajoutée pour les assurés, les dirigeants de compagnies d’assurance ont un rôle prépondérant à jouer en impulsant une culture de l’innovation et du digital à tous les maillons de la chaine de valeur de l’entreprise, en particulier aux activités aval. C’est en effet au niveau du client, là où les barrières à l’entrée sont les plus faibles et où il y a peu d’innovation, que les nouveaux entrants se positionnent.
C’est sans doute au prix de cet effort d’acculturation, intégré dans une démarche d’innovation globale et agile que les compagnies d’assurances parviendront – non plus à transformer – mais à réinventer leur activité pour l’adapter au mieux aux nouveaux comportements des consommateurs.

Matthieu Henry d’Aulnois
Manager, Solucom

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