Chronique : Le grand vision-forum de l’assurance

La lecture attentive de l’édito d’une conférence dédiée aux évolutions de notre secteur, organisée par l’un de nos medias professionnels, m’a mis du baume au cœur et, sans doute également aux nostalgiques du « small is beautiful » dans un premier temps, puis plongé dans un abîme de perplexité actuariel, à la réflexion, dans un second…

Penser que des « disrupteurs », étrangers à nos problématiques, puissent chambouler l’industrie assurantielle du futur, relève-t-il de l’utopie ou de la gageure ?
Les dinosaures, que seraient devenues les grandes entreprises traditionnelles du secteur, à l’aube du 21ème siècle, (Cf. le top 10 des groupes d’assurance et de protection sociale en France, si vous avez la fibre archéologique), survivront-ils à l’avènement d’un nouvel écosystème et ses opportunités ?
Parmi celles-ci, les start-up (perçues souvent comme innovantes, par définition), les produits de rupture (c’est souvent l’image suggérée d’un divorce annoncé), la révolution des modes de consommation (autrement que par la force de vente, espérons-le), l’ubérisation de nos sociétés suite à la prise de pouvoir d’un consommateur désintermédié [sic] (L’Orias a-t-il du souci à se faire quand d’autre part, le citoyen-cotisant n’est qu’un otage en ces temps chahutés ?).

Il y a là matière à s’interroger sur ce qu’il adviendra de nos métiers dans la perspective d’un maelstrom planétaire où vont s’entrechoquer de multiples révolutions au galop et des nouveaux risques émergents difficiles à maîtriser.

Fichtre de programme remue-méninges !

Tentons de nous rassurer quelque peu (en attendant).
N’oublions pas qu’une petite grenouille, issue de notre belle campagne normande, est devenue, en un demi-siècle, aussi grosse que le bœuf, au moment où son président charismatique quitte le navire, avant terme, pour de bonnes raisons personnelles, sans doute ?
Il ne manquait plus que ça ! Que je sache, il n’a jamais été question pour cette mutuelle-lièvre de Province de semer les tortues géantes de l’époque avec le Minitel et le Vidéotex !

Ne faisons pas fi des majors de l’assurance, en appétit réactif, prêts à gober les jeunes qui poussent (à l’instar des comparateurs d’assurance, par exemple) ? Que je sache, suffit-il d’être quadra et revêtir l’habit du dirigeant bon apôtre, pour se montrer sur la scène, moins technocrate que ses prédécesseurs !

Ne croyons pas non plus qu’imaginer l’assurance dans un univers 100% digital et truffé d’objets connectés, communiquant avec des robots smileurs, va humaniser davantage les « business models » des acteurs du secteur. Cela dit, la prospérité et l’avenir de l’assurance, doivent-ils se concevoir nécessairement dans un environnement brownien à souhait, où l’assuré ne serait qu’un électron à positiver, un identifiant et un login, dans le big data cosmique et cosmétique !

Une étude récente d’Harvard peut, peut-être, éclairer notre vessie !
Cette université pluri-centenaire, fondée en 1636, a suivi un groupe de personnes pendant 75 ans et a constaté que ce ne sont ni l’argent, ni la célébrité qui gardent les individus heureux et en bonne santé et à fortiori, ni leur mode de consommation, ni la vitesse de leur clavier, ni l’épaisseur de leur Smartphone, ni les aléas ou les accidents de la vie mais, essentiellement leurs bonnes relations avec leurs proches, leurs voisins, leurs collègues de travail, leurs amis et connaissances… et à fortiori avec leurs assureurs et leurs assisteurs…

Fichtre, quelle évidence !

N’est-ce pas le rêve de tout assureur de constituer la mutuelle des gens heureux et en bonne santé (MGHS pour les amateurs d’acronymes disruptifs)… sans pour autant revenir au temps moyenâgeux où les primes forfaitaires, étaient calculées indépendamment du risque propre à chaque cotisant ?

Fichtre, quelle trouvaille !

Faisons alors le pari, dans un contexte dématérialisé, qu’entretenir l’humain entre les membres d’une telle mutualité, puisse favoriser une meilleure appétence au risque et permettre une fréquence, voire un coût moyen, moindres ! A cette fin, un tel assureur ne devrait-il pas consacrer davantage de ressources et d’énergie à créer et à cultiver durablement le bon relationnel entre les assurés de son portefeuille ?

A quand une véritable gestion assurantielle de la relation humaine !
A quand un questionnaire prospectif de bon savoir vivre avec les autres, à ajouter à la panoplie des techniques actuarielles !

Pour ma peine, je me promets de questionner prochainement mon web-assureur sur le profil des internautes de son portefeuille avec lesquels je pourrais être amené à partager mes risques… Prospectivement vôtre.

Donat Nobilé
Auteur de « Innovations&Stratégies assurantielles » (octobre 2015)
Associé-Gérant de Transvers Consulting
Chroniqueur et biographe d’entreprise

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