La santé, un marché comme les autres ?

    Alors que les États-Unis se dotent d’un système de protection sociale publique, l’Europe, de tradition universaliste, voient ses fondements remis en question par l’économie de marché. Les mutuelles sont de véritables think tanks destinés à pérenniser l’assurance maladie, à la française.

    Promesse tenue pour Barack Obama, la Cour suprême des États-Unis a validé la mise en place d’un système national d’assurance maladie. Rendant obligatoire la souscription par le biais d’un impôt, la réforme repose sur un mécanisme distributif. De quoi faire bondir les Républicains. La santé est un marché (presque) comme les autres aux États-Unis, exceptions faites de Medicare et Medicaid en faveur des personnes âgées et des plus pauvres.

    A l’inverse, en Europe la protection sociale repose sur des fondements universalistes et l’accès aux soins pour tous par le biais d’une mutualisation des cotisations dans un pot commun est ancré dans les mentalités comme un droit, presque un dû. Le système Français avait d’ailleurs été désigné comme étant le meilleur du monde par l’OMS dans une étude de 2002, en termes d’efficacité, d’égalité d’accès, de liberté, et d’efficience.

    La France n’était pourtant pas pionnière en la matière

    La France n’était pourtant pas pionnière en la matière, puisque  l’ordonnance de 1945 s’inspire des systèmes mis en place près d’un siècle avant par l’Allemagne, où Bismark avait instauré des système d’assurance pour couvrir les principaux risques qui mènent à la perte de gain liés au travail, puis de Beveridge, économiste anglais, fondateur du National Insurance Act en 1911.

    Inspiré des idées de Keynes, il rédige son fameux rapport Social Insurance ans Allied Services en 1942 dans lequel il prône l’intervention de l’état et la nécessité d’un minimum vital pour tous. Qu’elle soit liée au travail ou plus universelle, la protection sociale des pays européens se voient aujourd’hui rattrapée par la réalité du marché. Le trou de la sécu atteindra cette année 14,7Mds d’euros pour le régime général, le déficit de la CNAM creusant à lui seul le caveau de 6,7Mds d’euros.

    La question à 6,7Mds d’euros

    Maîtrise des dépenses tout en garantissant un système de soins égalitaire et efficient, c’est la question à 6,7Mds d’euros. En ce moment, les négociations tournent autour de la tarification des consultations pour permettre un meilleur accès, secteur 1, 2, 3, optionnel ou pas. Toucher à la rémunération d’une profession libérale, sanctionnée par 10 voire 15 années d’étude et remboursée par la collectivité reste un sujet compliqué. Surtout pour les mutuelles qui risquent de récupérer les charges supplémentaires. Elles proposent donc de se débarrasser de la rémunération à l’acte, « dont personne ne veut » selon Jean-Martin Cohen Solal.

    L’objectif : solvabiliser la demande. Un moyen de parer au renoncement à la complémentaire pour certains. « 20% des jeunes ne peuvent plus payer les cotisations et beaucoup de ménages se couvrent à minima », selon Jean-François Chadelat, directeur du Fonds CMU. Les bénéficiares de la CMU ont déjà augmenté de 2% entre avril 2011 et avril 2012. Entre les crises successives et l’augmentation de 3,6% des tarifs des complémentaires, une augmentation de 4% des adhérents CMU devrait se faire sentir à la rentrée 2013. « L’effet de retour est de quasiment 2 ans », poursuit M. Chadelat.

    Dans son livre blanc la MGEN propose une réorganisation du suivi des patients qui s’articule toujours autour du médecin traitant. Prévention, objectifs à respecter et suivi des patients particulier pour les maladies chroniques qui représentent aujourd’hui un coût énorme. La rémunération serait plutôt un basé sur un forfait. Reste à voir comment les médecins l’appréhendent. La MGEN est déjà en discussion avec MG France.

    La piste de la complémentaire obligatoire

    Le principal poste de dépense reste les médicaments. « En France, 90% des consultations chez le généraliste donnent lieu à une ordonnance, contre 72% en Allemagne et 43% aux Pays-Bas. Parmi les personnes âgées de plus de 65 ans en affection longue durée, 1,5M consomment 7 médicaments de classes thérapeutiques différentes » selon la Mutualité française. D’où la volonté de « revenir à un système préventif et plus seulement curatif », selon Thierry Baudet.

    Un autre débat revient souvent sur la table, loin de mettre tout le monde d’accord : la complémentaire obligatoire. Un moyen de garantir une véritable solidarité intergénérationnelle pour le président la MNT. « Il y a deux hypothèses : redonner à la sécurité sociale les cotisations versées aux mutuelles afin qu’elle couvre à 100% ou fixer un pallier de remboursement de la sécurité sociale doublé d’un pallier minimum pour les complémentaires. » Pas sur que les assureurs et les institutions de prévoyance accepte la première, et la deuxième n’est applicable qu’à condition que les contrats aidés fiscalement ne soient plus inflationnistes, tout en restent supérieur à la CMU.

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