La judiciarisation des sinistres corporels, une menace pour l’équilibre financier de la branche auto

    L’indemnisation des dommages corporels est de plus en plus coûteuse pour les assureurs dans un contexte de judiciarisation croissant. Un challenge pour les assureurs qui doivent se garantir des provisions sur un phénomène difficilement maîtrisable.

    Si le nombre de sinistres corporels d’un montant d’indemnisation au-delà de 3M d’euros sont peu nombreux, ils sont malgré tout en constante augmentation et pour des montants… illimités, selon la loi française au motif de la réparation intégrale du préjudice. Si les dommages corporels graves, entraînant une IPP supérieure à 20% et donnant lieu à une indemnisation supérieure à 750.000 euros représentent 1% des cas d’accidents, ils représentent 42% des indemnités versées, soit 1.000 euros cas par an selon les chiffres de la FFSA.

    Un phénomène peu visible, tous les acteurs n’étant pas tous touchés au même moment mais dont la charge, difficilement estimable pour l’assureur, représente 10 à 15% de la cotisation globale.

    En résulte une augmentation structurelle du coût du corporel grave. « Avant l’euro, un sinistre grave s’estimait entre 1 et 2M de francs. Aujourd’hui, il se chiffre 1 à 2 M d’euros. Le coût d’un corporel a été multiplié par 7 en à peine 10 ans », analyse Gilles Gosson, directeur technique IARD Soly Azar.

    Le record de la Macif

    Le record battu par la Macif fera date. Condamné par le TGI de Niort en décembre 2011, la mutuelle d’assurances a dû d’indemniser à hauteur de 7,6M d’euros un ancien cadre d’une enseigne de bricolage. Percuté par un véhicule à contresens sur l’autoroute près de Lille en 2000, celui-ci a été touché au bassin et à la jambe, désormais contraint de se déplacer en fauteuil roulant.

    La Macif a été condamné à verser cette somme « au titre de la perte de gains professionnels futurs, intégrant l’incidence sur la retraite ». En effet,  le tribunal avait rappelé que « Le principe de réparation intégrale du préjudice implique que la victime doit être replacée dans la situation qui aurait été la sienne sans l’accident (…) et rien ne permet de penser que la victime ne les aurait pas perçus si elle avait continué à occuper le même poste ».

    Sévère, le verdict  aurait pu l’être encore plus. Si le tribunal a notamment tenu compte des salaires qu’aurait perçus la victime en poste, il n’a pas retenu la demande de 23M d’euros réclamés par les avocats de la victime, en prenant en compte les stock-options dont le cadre aurait pu bénéficier.

    Les accidents sont pourtant en baisse…

    Politique de sécurité routière aidant, la sinistralité corporelle est pourtant en baisse d’environ 4% chaque année depuis dix ans selon l’Observatoire national de la sécurité routière. Entre 2001 et 2009  les accidents corporels ont  baissé de 30% et le nombre de tués de 44%. En 2005, la barre symbolique des 5.000 tués sur les routes est atteinte. Une baisse de volume qui s’accompagne pourtant d’une hausse annuel de 6% des indemnisations des accidents corporels. En cause, l’obligation pour l’assureur de se constituer des réserves supplémentaires, d’autant plus avec la nouvelle réglementation.

    « Solvabilité II oblige tout le monde à être très vigilant sur les aspects techniques et à faire la provision nécessaire pour certifier que vous n’aurez pas de perte.  Il n’y a plus cette possibilité d’aléa qui permettait de se dire : “cette année je perds de l’argent mais l’année d’après j’en gagne”. Les équilibres techniques sont très tendus et vous êtes obligé d’augmenter vos tarifs structurellement de l’ordre de 20% », déclare Gilles Gosson.

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