Notation : Chez Fitch Ratings, l’inquiétude demeure sur l’assurance non-vie

Marc-Philippe Julliard, responsable de l’équipe assurance au bureau de Paris de Fitch Rating dresse un panorama de l’assurance-vie et non-vie en France.

Selon les analyses de Fitch Ratings, l’assurance-vie se porte bien depuis déjà plusieurs années, qu’en est-il de la suite ?

Nous venons de mettre à jour notre perspective sur le secteur de l’assurance-vie. Elle est négative. Cette perspective repose sur plusieurs préoccupations dans un premier temps nous sommes préoccupés par l’évolution défavorable de l’activité, la collecte nette est négative, le montant des prestations excède celui des primes, son impact est défavorable sur les assureurs-vie français qui souffrent du taux d’intérêt bas.

Vous parliez du rapport entre le plafond du livret A et celui d’un budget d’assurance vie lors de votre présentation. Pouvez-vous détailler ?

Le gouvernement vient de décider de relever le plafond du livret A. Il excède aujourd’hui les 19.000 euros. Or aujourd’hui en France, la police d’assurance vie moyenne dispose d’un encours qui se situe dans les mêmes eaux, aux alentours de 18.000 à 19.000 euros. Ces deux produits d’épargne sont en concurrence frontale.

La traduction d’une volonté politique ?

Non, probablement pas d’affaiblir l’assurance-vie mais de renforcer le livret A dont on sait que les montants qu’ils sont versés servent à un certains nombre de missions en ce qui concerne le logement.

Comment se positionne l’assurance non-vie sur le marché français ?

La perspective est inchangée, stable. Nous sommes moins inquiets sur les conditions d’exercice de cette activité. Il existe une réelle discipline tarifaire sur le marché, les entreprises gagnent de l’argent. Ceci est d’autant plus nécessaire que le taux d’intérêt a relativement baissé. Quand on est un assureur non-vie, on se doit de gagner sa vie sur la souscription et ne pas attendre trop des revenus financiers.

Quelle est la place des bancassureurs ?

Ils sont prédominants pour l’activité d’assurance-vie. Leur part de marché est comprise entre 50 et 60%. Elle a vocation à décliner. Les établissements bancaires ont besoin de liquidités importants, ce qui les oblige à vendre des produits de bilan, plutôt que des produits hors bilan comme les OPCVM ou des contrats d’assurance-vie.

Le diagnostic inverse peut être établi pour l’assurance non-vie, ils ont une part autour de 10 à 11%, nous nous attendons à ce qu’elle se développe, du fait du dynamisme dont ses intervenants font preuve. Preuve en est, la place de Pacifica et les assurances du Crédit Mutuel qui sont dans le top 10 des assureurs non-vie en France.

L’arrêt des hausses tarifaires en est un bon indicateur ?

Historiquement, le marché français a souffert d’un manque de discipline tarifaire. Au cours des dernières années, on avait une situation où les tarifs étaient adaptés. Il y a deux limites : la concurrence, le seul moyen d’améliorer sa rentabilité est d’ajuster la tarification, la seconde c’est l’acceptabilité du prix de l’assurance. Dans le domaine de la santé complémentaire, le prix est élevé, il pèse sur le pouvoir d’achat des ménages qui est sous pression du fait de la conjoncture économique.

Quel est le poids de l’Europe sur le marché français ?

Il n’y a pas énormément de dossiers qui sont ouverts à l’heure actuelle en ce qui concerne l’impact de la réglementation européenne. Le marché de l’assurance en Europe est relativement fragmenté. On assiste à des pratiques qui, d’un pays à l’autre, sont tout à fait différentes dans le domaine de l’assurance-vie. En France les taux garantis sur les produits d’épargne sont relativement faibles voire inexistants, ce genre de produits seraient invendables en Allemagne ou en Belgique où le niveau des taux garantis est plus élevés et doit être plus élevés pour attirer les assurés.

En Italie, les consommateurs se détournent peu à peu de produits d’assurance-vie pour des nouveaux produits qui rapportent plus. Ce schéma peu-il se dessiner en France ?

On a effectivement connu une évolution particulière. L’aversion des investisseurs pour la dette publique italienne, a conduit à une augmentation du niveau des taux d’intérêt. Elle n’a pas pu être répercutée sur les polices d’assurance-vie. Assez rapidement, un gap est apparu entre les taux d’assurance-vie épargne et de nouveaux produits qui venaient d’être créés et qui pouvaient être investis sur de la dette publique italienne et représentant un taux de rémunération plus attrayant.

Quid du rapprochement de plusieurs banques pour la création de nouveaux produits ?

Une des conséquences de la diminution des marges est que les sociétés d’assurances vont devoir améliorer leur efficacité et diminuer leurs coûts et fournir des efforts sur le périmètre existant. Rapprocher leurs activités d’assurance-vie pour générer des économies d’échelle, cela a été fait dans le domaine de l’asset management où des grandes entités ont décidé de se rapprocher.

Que pensez-vous du sujet ?