Carole : “Si j’avais été un homme, la négociation se serait passée autrement”

Carole, la volontaire

SÉRIE DE TEMOIGNAGES – Cette promotion, Carole* est allée la chercher. Elle allait enfin devenir directrice, manager une équipe et piloter un des projets stratégiques du groupe. Sauf que cela ne s’est pas passé comme elle l’avait prévu…

Carole a demandé une re-qualification et une augmentation de salaire. Quand le DRH lui a dit que son évolution de carrière n’allait pas être suivie d’une augmentation de salaire, elle n’a pas compris. Au début, elle a refusé de signer l’avenant au contrat de travail mais elle a fini par accepter une prime. Son envie de prendre le poste a compensé le manque de reconnaissance salariale. « Si j’avais été un homme, la négociation ne se serait pas passée comme ça », pense-t-elle. Nous, les femmes, nous sommes très attachées au contenu du poste et sommes prêtes à faire des concessions sur le salaire », justifie-t-elle.

Depuis, elle a mené une enquête auprès de ses collègues. « J’ai constaté ce que je pressentais : je ne suis pas payée comme mes homologues masculins. Nous sommes trois directrices dans la même situation ». Elle se tait, inspire un bon coup et lâche : « Il y a une tolérance à la médiocrité plus grande chez les hommes. Les femmes, on gagne moins et on doit être irréprochables. Certains hommes sont là grâce à des relations fortes qui se sont créées il y a 20 ans. Je ne pense pas qu’une femme resterait longtemps à leur poste avec ce niveau de performance ».

Six mois après sa nomination, Carole a redemandé à son supérieur une augmentation et une re-qualification. Elle ne lâchera pas l’affaire.

« Sois belle et tais-toi »

Dans son entreprise précédente, « il y avait un véritable problème de misogynie », selon Carole. Les rares directrices membres du comex n’étaient pas prises au sérieux. Les femmes c’était « sois belle et tais-toi ». Un jour, Carole a présenté un dossier en comité exécutif et à la fin, le directeur général a décrété : « Votre dossier ne me fait pas bander ». Personne n’a réagi. Carole a quitté la pièce et fondu en larmes. Cette humiliation devant tout le monde l’a profondément blessée. « Il franchissait la ligne de l’interdit », souffle-t-elle. Les femmes présentes sont ensuite allées lui demander si elle allait bien. « Pour les hommes c’était une anecdote alors que les femmes ont compris ma douleur », explique Carole.

« J’ai très vite compris que j’avais un DG qui était un prédateur. J’évitais de me retrouver seule avec lui », car dans cette entreprise les femmes étaient considérées comme « des poupées ». « Je recevais des recommandations vestimentaires. Il me disait : ‘Pour incarner le poste, tu devrais t’habiller plus comme ci ou comme ça…’ », illustre-t-elle.

Un autre jour, Carole s’est prise une « deuxième claque » au détour d’une discussion sur les choix résidentiels entre Paris et la province. Un dirigeant lui a dit : « Carole, c’est comme si vous et moi, on couchait ensemble et que je vous… ». Pour Carole « c’était hors propos, et complètement déplacé, alors que je n’ai jamais été ambiguë. Mes homologues ont bien rigolé. Dans ces cas, les hommes font souvent preuve de complicité passive et personne n’est venu me dire ‘Carole, ça va ?’. Quand plus tard j’ai dit à mes collègues que j’étais choquée, ils ont répondu : ‘Tu sais comme il est… Il est bourru’. Moi, j’attends des hommes qui assistent à cela qu’ils se positionnent, qu’ils disent que c’est déplacé et inadmissible ».

Le droit à oser

Carole a changé d’entreprise depuis. Maintenant elle s’autorise à être qui elle est. « Je n’ai plus besoin de prendre un masque d’invisibilité ni un masque de masculinité au travail. Je suis une femme, avec mon vécu, mes émotions, ma personnalité et je me sens désormais plus alignée », explique-t-elle. Carole pense que les femmes devraient s’inspirer des hommes sur le « droit à oser ». Elle encourage les femmes à se débarrasser du syndrome de l’imposteur, ce sentiment de ne pas se sentir légitime ni à la hauteur.

Carole ne dit pas à tout le monde qu’elle fait partie d’un réseau féminin. « Quand je l’ai dit à mon directeur, j’ai tout de suite vu dans ses yeux qu’il était déçu, qu’il pensait que j’allais lui casser les pieds avec ça. Il me voyait comme une suffragette. Je suis convaincue qu’intégrer les femmes dans tous les niveaux permet d’enrichir les points de vue, de prendre en compte d’autres sensibilités », explique-t-elle. Comme d’autres femmes interrogées, au départ elle n’était pas pour les quotas mais maintenant elle se dit favorable. « C’est une façon de forcer le système à créer un vivier de femmes qui d’ici 10 ans vont pouvoir prendre des postes à responsabilité ».

Carole a des enfants déjà grands. Son divorce a été un déclic. C’est alors qu’elle s’est rendue compte que son « deuxième salaire » n’allait pas suffire. Elle s’est formée et depuis, elle ne fait que grimper. Carole doit maintenant partir, car elle a une soirée professionnelle.

*Le prénom a été modifié

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