Silvine Laguillaumie Landon : “La parité au comex n’est pas une fin en soi”

Silvine Laguillaumie
Silvine Laguillaumie est membre du comité exécutif de Malakoff Humanis et co-présidente de Financi’elles

INTERVIEW – Silvine Laguillaumie Landon siège au comité exécutif de Malakoff Humanis et co-préside Financi’elles, fédération qui regroupe 13 réseaux pour la promotion de la parité dans l’assurance et la banque (Allianz, Axa, BNP Paribas, BPCE, Caisse des Dépôts, Crédit Agricole, Generali, HSBC, Malakoff Humanis, Mastercard ING, Scor et Société Générale).

Vous avez été élue co-présidente de Financi’elles en juin 2020. Quelle est votre feuille de route ?

Nous avons récemment fêté les 10 ans de la loi Copé-Zimmermann qui oblige les entreprises à avoir au moins 40% de femmes dans les conseils d’administration. Nous sommes arrivés au terme d’un processus sur ce sujet, mais la féminisation des conseils n’est pas une fin en soi. Cette loi n’a malheureusement pas encore irradié la culture de la parité à tous les niveaux de l’entreprise. Chez Financi’elles, nous fêterons nos 10 ans le 16 novembre prochain et devons maintenant donner une nouvelle dimension à notre action pour accélérer les transformations. Nous sommes convaincus que ces transformations passent par une plus grande mobilisation en faveur d’une culture de la mixité dans l’entreprise, par des programmes de formation et d’accompagnement renforcés, par la promotion d’un modèle de responsabilité parentale partagée, et par une éducation affranchie des stéréotypes

Êtes-vous favorable au projet du gouvernement d’instaurer des quotas de femmes dans les comex ?

Nous sommes en attente du projet de loi. Le principe fait vraisemblablement consensus au sein de la majorité mais il y a encore des débats sur la progressivité de la mesure. En tant que directrice juridique, je suis bien placée pour ne croire à un projet de loi que quand il est adopté. Notre combat ne se termine pas ici car nous souhaitons la parité à toutes les strates de l’entreprise.

Êtes-vous favorable aux quotas de femmes dans les instances de direction ?

Que l’on soit pour ou contre les quotas, il est clair qu’ils ont porté leurs fruits. Malheureusement, c’est uniquement grâce à cette forme de discrimination positive, que l’on fait avancer les choses. Chez Malakoff Humanis, nous avons un comité exécutif à parité mais c’est encore trop rare dans notre secteur. Il y a encore très peu de femmes CEO ou présidentes de conseils d’administration.

Quels sont vos autres défis chez Financi’elles ?

Nous visons une présence équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers de la finance, de la banque et de l’assurance. Nous souhaitons aussi continuer à promouvoir ces métiers auprès des jeunes. Comme beaucoup de fédérations, nous avons besoin de renouveau et souhaitons attirer les nouvelles générations sur qui nous comptons pour porter la parité demain. Notre axe est d’ouvrir notre démarche au monde universitaire et dans le secteur de l’éducation. Il est important de combattre les stéréotypes et les préjugés, en amont, car l’entreprise est à l’image de notre société. Nous allons prochainement définir un plan d’action autour des jeunes et de parcours professionnels pour une meilleure représentativité des femmes dans des métiers encore trop masculinisés à l’instar du numérique et de l’ingénierie bancaire et financière. Cette mixité est un facteur clé de compétitivité et de croissance.

Que pensez-vous du rallongement du congé de paternité à 28 jours à partir du 1er juillet ?

Nous avons mis en place des groupes de travail pour échanger des bonnes pratiques en termes de parentalité. Par exemple, accompagner ce congé de paternité dans les entreprises, agir sur le temps de travail, sur le télétravail, permettre un meilleur équilibre entre le temps de vie privée et professionnelle… Certains réseaux offrent une aide ou un accompagnement sur le harcèlement, des solutions de garde d’enfant, un accompagnement juridique autour des pensions alimentaires… Les solutions peuvent être multiples et nous sommes en train de les étudier et de les partager.

Quel regard portez-vous sur l’index d’égalité professionnelle que doivent publier les entreprises ? Est-ce que cet index a fait évoluer la parité dans les entreprises du secteur de l’assurance ?

Je pense que l’index a fait bouger les lignes car « Ce qui ne se mesure pas n’existe pas ». A partir du moment où l’on a permis de mesurer certains indicateurs, une dynamique a été créée et le sujet ne peut plus être ignoré. L’index est un accélérateur qui permet de classer les entreprises. C’est aussi un facteur d’attraction pour les jeunes. Cela dit les résultats sont très hétérogènes et il y a encore des progrès à faire, notamment sur les écarts de rémunération et le nombre de femmes parmi les plus hauts salaires de l’entreprise. Les DRH sont désormais plus vigilants sur le niveau de rémunération des femmes au moment de l’embauche, mais il y a encore des écarts significatifs dans les effectifs, notamment chez les cadres dirigeants. Des débats sont en cours pour améliorer l’index, en ajoutant un indicateur sur la parité dans les gouvernances par exemple. Il est perfectible mais il a le mérite d’exister.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire et le télétravail étendu sur la parité au sein des entreprises d’assurance ?

La crise sanitaire a exacerbé un certain nombre de tendances. Le télétravail généralisé, en gommant les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle, a eu un impact lourd sur la charge mentale, davantage encore pour les femmes.
Les acquis en matière de parité sont fragiles, et menacés par la crise sanitaire. Le Covid ne doit pas être un prétexte pour revenir en arrière, mais au contraire, une opportunité de penser « le monde d’après » en capitalisant sur la force de l’équilibre homme-femme. Pour travailler sur ces sujets, nous avons le projet de créer un LAB, un laboratoire d’idées innovantes permettant de porter le sujet de la parité auprès des nouvelles générations.

Est-ce que les réseaux pour la promotion de la parité sont ouverts aux hommes ?

A l’origine, les réseaux pour la promotion de la parité au sein des entreprises étaient exclusivement féminins. Ils ont évolué au fil du temps et, aujourd’hui, nos réseaux sont mixtes. Notre objectif est de valoriser les différences et les complémentarités pour montrer que la parité et la diversité sont sources de richesse et de performance. Hommes et femmes, nous avons des langages différents et ce bilinguisme doit être une force pour les entreprises. Nous ne sommes pas en opposition avec les hommes, mais en complémentarité. Pierre et Marie Curie en sont un bon exemple.

Que pensez-vous du sujet ?