Le rêve d’hégémonie asiatique de Prudential se brise avec le refus d’AIG

Le rêve d’expansion rapide de Prudential en Asie s’est brisé mercredi, l’assureur britannique annonçant qu’il abandonnait sa proposition de rachat d’AIA, filiale asiatique d’AIG, l’américain ayant refusé d’accepter de baisser son prix de vente à 30 milliards de dollars.

Initialement prévu à 35,5 milliards de dollars, dont une augmentation de capital de 21 milliards, ce rachat aurait été le plus gros jamais réalisé dans le secteur de l’assurance, et aurait fait de Prudential le leader non asiatique incontesté sur ce continent en pleine croissance.

Le groupe aura perdu 450 millions de livres (540 millions d’euros) pour rien dans cette affaire, dont 152,5 millions de livres de dédommagement à AIG, et le reste en honoraires ou couverture de change. L’abandon de ce rachat géant a d’ailleurs fait bondir la livre.

Tout en persistant à défendre la logique du rachat dans leur communiqué, les dirigeants de Prudential ont invoqué la baisse récente des marchés comme un des facteurs ayant fait capoter l’opération.

Le directeur général franco-ivoirien Tidjane Thiam n’a laissé poindre ni déprime, ni intention d’entreprendre un grand chambardement du groupe: “Nos activités existantes en Asie ont réalisé une nouvelle performance record au premier trimestre et nous continuerons à chercher à produire de la valeur pour nos actionnaires à travers tout notre portefeuille d’activités”, a-t-il dit.

La presse se demandait cependant mercredi si un Prudential affaibli serait l’objet d’une prochaine offre de rachat, comme cela avait été le cas il y a quatre ans de la part du concurrent Aviva – qui employait M. Thiam à l’époque. Ou encore d’une vente par appartements de ses activités britanniques ou américaines.

Certains analystes jugeaient ces interrogations prématurées, notant comme Oriel Securities “qu’il n’y avait pas de raison de scinder le groupe et d’ailleurs qu’il était douteux qu’un acquéreur ait les ressources suffisantes pour un tel rachat”.

Beaucoup estimaient aussi que les jours de M. Thiam étaient désormais comptés. La presse, qui le décrivait comme brillant et plein de charme à son arrivée à la tête de Prudential il y a seulement huit mois, préfère désormais s’apesantir sur son côté “ambitieux”.

Depuis le lancement de cette affaire, M. Thiam a été malmené d’une manière peu courante dans l’univers policé des grands groupes britanniques. Les actionnaires lui ont reproché de ne pas les avoir suffisamment consultés avant de lancer le rachat, ils l’ont obligé ensuite à renoncer à une place au conseil d’administration de la Société générale pour mieux se concentrer sur AIA. Puis, en mai, les inquiétudes de dernière minute du régulateur des marchés britanniques, la FSA, ont obligé M. Thiam à un embarrassant report de l’opération et à une première renégociation avec AIG.

Il est désormais au centre d’une révolte de petits actionnaires emmenés par Robin Geffen, patron du fonds d’investissement Neptune, qui réclament sa tête.

Howard Wheeldon de BGC Partners a évalué auprès de l’AFP à trois ou quatre mois sa survie à la tête du groupe. “C’est dommage car sa stratégie était sans doute la bonne”, a-t-il dit. Justin Urquhart-Stewart de Seven Investment Management, a considéré “qu’à moins de présenter rapidement un plan B, il n’aurait pas de crédibilité”.

Chez Prudential mercredi, on préférait souligner qu’un certain nombre de très gros actionnaires ont manifesté leur soutien à la direction récemment. Ce qui n’empêchera sans doute pas des moments difficiles pour M. Thiam à l’assemblée générale annuelle du 7 juin.

Londres, 2 juin 2010 (AFP)

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