Industrie verte : La place du non coté fustigée par les assureurs
Présenté en conseil des ministres le mardi 16 mai, le projet de loi sur l’industrie verte consacre une place importante au private equity. De quoi agacer les assureurs.
Le message est clair. A travers son projet de loi sur l’industrie verte, Bercy souhaite décarboner l’économie. Parmi les marchés mis à contribution, figure l’assurance vie, placement chouchou des Français. Pour France Assureurs, ce produit « correspond à une épargne de long terme qui finance déjà largement l’économie productive de notre pays et, dans ce cadre, elle participe donc également au financement de sa transition écologique ».
Selon les chiffres de la fédération, le secteur de l'assurance a investi en 2022 1.524Mds d’euros, soit 64% des actifs détenus par les assureurs. La profession s’est par ailleurs montrée active quant à sa contribution aux programmes de relance. L’an passé, les prêts participatifs relance et les obligations relance ont financé près de 900 entreprises pour un montant de plus de 3Mds d’euros. Début 2023, assureurs et CDC (Caisse des Dépôts et consignation) ont remis 1Md d’euros au pot.
Les placements verts ont progressé de 23% sur un an. L’exposition au charbon continue par ailleurs de diminuer, à 0,6% du total des actifs gérés. Les membres de France Assureurs se sont engagés à contribuer, via leurs investissements, à l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Avec le projet de loi sur l’industrie verte, Bercy souhaite mobiliser une enveloppe de 5Mds d’euros d’épargne privée pour le financement de l’industrie verte. « Sur le principe, nous soutenons bien sûr ce projet de loi », commente Guillaume Rosenwald, directeur général de MACSF Epargne Retraite.
Un lobby disproportionné
Mais alors que le projet de loi consacre une place importante au capital-investissement, les assureurs affichent leur mécontentement. Surtout, ils s’interrogent sur le lien entre l’industrie verte et le private equity. Eric Le Baron, directeur général assurance et patrimoine chez Swiss Life regrette une « sorte de lobby du non coté disproportionné », au regard de l’objectif premier du projet : la décarbonation.
Les assureurs fustigent par ailleurs la nouvelle obligation qui leur imposerait une part minimale investie en titres non cotés.
« Aujourd’hui, nous avons des véhicules qui permettent d’investir dans des fonds verts au sens ESG du terme. Avoir des quotas dans l’assurance vie qui exigent d’investir dans le private equity, ne semble pas une priorité », explique Eric Le Baron.
De son côté, Alexis Dupont, directeur général de France Invest, interrogé par News Asset Pro (groupe Seroni), estime que le capital-investissement trouve sa place au sein du PER. Il concède toutefois qu'il est plus compliqué de l'appliquer sur l'assurance vie alors que le produit est construit autour de la liquidité. « Pour autant, beaucoup d'assureurs proposent déjà des unités de compte en capital investissement. Des solutions existent donc », conclut-il. Le non coté représente par exemple 6 à 7% de l'actif général de la MACSF.
« Il s’agit, certes, d’un bon véhicule, mais il y a des contraintes énormes en termes de liquidité. Ce qui ne peut s’adapter à l’assurance vie », ajoute Eric Le Baron. Dans l’univers du non coté, il est difficile pour un investisseur de trouver preneur pour racheter les parts dont il veut se défaire et donc in fine réaliser la sortie projetée.
Une fausse bonne idée
« Pour autant, nuance le directeur, je pense qu’il faut faciliter l’investissement dans le non coté, non pas l’obliger », renchérit-il. Un avis partagé par Guillaume Rosenwald. « Imposer ce véhicule est une fausse bonne idée car le marché n’est pas assez profond ce qui pourrait créer une bulle », alerte-t-il. « Le gouvernement devrait laisser les assureurs gérer leur portefeuille à leur guise. Car, le private equity est extrêmement rémunérateur », détaille le directeur.
Parmi les autres propositions, le projet de loi envisage par ailleurs la création d’un plan d’épargne avenir climat pour les mineurs, dont la collecte annuelle pourrait atteindre le milliard d’euros. A l’instar du Livret A, ce nouveau produit bénéficiera d’un capital garanti et sera 100% exonéré. Sa rémunération devrait être supérieure à celle du petit livret rouge. Une proposition qui, elle, met tout le monde d’accord.
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