Epargnés par la crise, les Lloyd’s remercient leur gestion “ennuyeuse”

Les Lloyd’s of London, le vénérable marché londonien de l’assurance spécialisée, se targuent d’avoir traversé la crise sans égratignure, fruit d’une gestion ultra-prudente, et d’un modèle d’activité tricentenaire que leur patron, Lord Levene, qualifie lui-même d'”ennuyeux”.

Ce marché unique au monde est né en 1688, et doit son nom à Edward Lloyd, tenancier d’un café où propriétaires de bateaux, armateurs et capitaines avaient pris l’habitude de se réunir. C’est là qu’ils ont eu l’idée d’assurer les cargaisons des navires auprès de marchands, les “souscripteurs”, qui en firent petit à petit leur activité principale.

Mais, 322 ans et plusieurs déménagements plus tard, le café d’Edward Lloyd a cédé la place à un bâtiment ultramoderne, dessiné par Richard Rogers, l’architecte du Centre Pompidou. Pourtant le fonctionnement du marché, lui, n’a guère changé.

Les entreprises et personnes voulant s’assurer pour des dommages non couverts par les assureurs traditionnels, des compagnies aériennes aux stars voulant se couvrir contre les accidents et litiges en tous genres, souscrivent aux Lloyd’s auprès de dizaines d’assureurs spécialisés, qui se partagent les risques, en diluant ainsi l’impact.

Dans la salle principale du marché, au sol de marbre et piliers de béton, trône encore une cloche qui sonnait autrefois pour annoncer l’arrivée à bon port ou les naufrages des bateaux.

Aujourd’hui, l’assurance maritime ne représente plus que 5% de l’activité du marché, et ce symbole du passé ne retentit plus qu’en cas de catastrophe exceptionnelle, comme les attentats du 11 septembre ou le tsunami asiatique de 2004.

Selon le président des Lloyd’s Lord Levene, la robustesse de ce modèle leur a permis de traverser la crise sans dommages. “Le secteur bancaire a connu une période terrible, mais pour notre part, nous avons passé un très bon moment. Nous avons enregistré de bons résultats en 2007 et 2008, et je pense que vous verrez que nos résultats 2009 (attendus ce mois-ci) sont plutôt bons”, a-t-il assuré il y a quelques jours devant des journalistes étrangers.

Et de résumer ainsi sa philosophie : “Boring is beautiful ! (vive l’ennui)”. “Pendant la crise, nous n’avons pas couru après les parts de marché, et nous n’étions presque pas exposés aux marchés actions ou à d’autres placements exotiques”, abonde le directeur général Richard Brown.

Il faut dire que les Lloyd’s gardent un souvenir cuisant d’une crise retentissante, dans les années 1980 et 90, qui avait conduit à la ruine les “names”, des investisseurs privés qui se portaient garants sur leurs propres deniers, et sans limites, des pertes subies par les assurés, un système remontant aux origines du marché.

Mais l’incendie de la plateforme pétrolière Piper Alpha, en 1988, et une série d’indemnisations gigantesques liées à l’amiante avaient fait perdre à ces investisseurs fortunés des milliards de livres. Les “names” ont depuis cédé la place à des personnes morales, et autres sociétés à responsabilité limitée.

Les Lloyd’s se gardent aujourd’hui de croître à tout prix, préférant se concentrer sur leur spécialité : la gestion du risque.

Une prudence qui se traduit aussi par des rémunérations plus modestes que les bonus des banquiers, selon Lord Levene, ce qui vaut aux Lloyd’s d’être épargnés par la vindicte politico-médiatique qui s’est abattue sur la City.

Par question pour autant de jouer les belles endormies. Les Lloyd’s ont modernisé leur infrastructure informatique, et se développent prudemment mais sûrement dans les pays émergents : il se sont déjà dotés de bureaux à Shanghai et au Brésil, et cherchent à s’implanter en Inde et en Turquie.

Londres, 7 mars 2010 (AFP)

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