Conformité, rapport narratif, PRIIPS, DDA : faut-il en rire ou en pleurer ?

Daniel Collignon

Edito – Newsletter Eté 2017

Depuis plusieurs années, et pour longtemps encore, la conformité a pris le pas sur le business ; si l’intention du législateur, européen en général, ou du régulateur, peut être louable, défense du consommateur/assuré, transparence, etc …, elle part cependant d’hypothèses discutables (tous les assureurs et tous les distributeurs ne sont pas des escrocs) ; et les solutions adoptées ne sont pas adaptées.

Prenons l’exemple de PRIIPS, qui est un règlement européen, et qui s’applique donc à notre activité sans intervention du législateur français : l’idée est de donner une information comparable d’un produit financier à un autre, quelle que soit la nature du produit financier ; et ce dans un document de 3 pages. Pourquoi pas ? Sauf que la règle s’applique aussi aux sous-jacents, fonds euros, UC et autres fonds internes ou eurocroissance d’un contrat multisupport ; si donc vous avez 200 sous-jacents dans un contrat d’assurance, on arrive à 603 pages à transmettre au prospect, avant le RV pour remplir toutes les autres obligations et lui présenter un contrat d’assurance auquel il va adhérer ; ceci afin qu’il en prenne connaissance et sache dans quelles conditions précises il va faire son investissement. Et comme la plupart des intermédiaires sont indépendants, ils vont proposer plusieurs contrats à leur prospect, avant de décider avec lui lequel lui convient : donc autour de 2000 pages ; et qu’à sa demande, on doit imprimer (pauvres forêts !!).

Conclusion : là où il était susceptible de lire un encadré, il ne va plus rien lire et signer de manière automatique les liasses de documents qui lui seront présentés, comme aujourd’hui il clique sur la case indiquant qu’il a pris connaissance des conditions d’utilisation de tel ou tel logiciel ! Qui a pu imaginer qu’on allait ainsi améliorer son information ?
Et DDA : il ne faudra présenter à un client que des produits dont il est susceptible de comprendre le fonctionnement. Quand on sait qu’un français sur 2 ne sait pas répondre à la question : de quelle somme disposerai-je en fin d’année si je place aujourd’hui 100€ rémunérés à 2% ? Faut-il exclure ces 50% de toute opération d’épargne ? Ou les laisser entre les mains des magiciens qui leur promettront de fallacieux horizons dorés ?
Et puis tout ça nie la capacité du conseiller de proposer une « posologie » adaptée, même si elle est construite à partir de substances complexes ; c’est un peu comme si on refusait un médicament sophistiqué, sous prétexte que le malade ne comprendrait pas la notice. Mais le médecin est noble là où, on le disait plus tôt, le conseiller assurance et finance est par définition suspect ; quels que soit sa formation et son engagement au service de son client.

Enfin, le rapport narratif Solvabilité 2 à destination du « public », le SFCR : ils sont disponibles depuis le 19 mai (pour les assureurs solo, un peu plus tard pour les groupes). En avez-vous lu un ? Comment voulez-vous intéresser un investisseur en lui parlant gouvernance, conformité, risques, solvabilité et gestion des fonds propres dans 80 à 90% du document, avec des mots que les non-initiés ne comprennent pas ?
Bon, avec tout ça, avec les Fintech, les Assurtech, on va faire du business ; peut-être eux tous seuls? Nous, on fait de la conformité, alors qu’on devrait œuvrer à la création de produits de qualité et d’outils permettant à nos distributeurs d’améliorer encore la qualité du service qu’ils apportent à leurs clients !

Daniel COLLIGNON, Directeur général, SPIRICA

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