Dans le cadre de leur mission confiée par Bruno le Maire et Christophe Béchu, Thierry Langreney, Myriam Merad et Gonéri le Cozannet remettaient leur rapport sur « l'adaptation du système assurantiel face à l'évolution des risques climatiques ». Il comprend près de 40 recommandations. Dont certaines visent à empêcher la fuite des assureurs de certaines zones exposées.
C'est peu dire que le rapport Langreney était attendu. Initialement prévu pour la fin de l'année dernière, il était dévoilé à la presse ce mardi 2 avril. Pour autant, il est bel et bien daté de décembre 2023 comme en atteste sa couverture. A cet égard, parmi les 37 recommandations des trois rapporteurs Thierry Langrenet, Myriam Merad et Gonéri le Cozannet figure la hausse du taux de surprime. Sujet déjà réglé par le gouvernement au tout début de l'exercice 2024.
Mais la prose va bien au-delà de ce seul aspect financier. Elle s'articule ainsi autour de trois piliers. En premier lieu, le pilier assurantiel. Et plus particulièrement la modernisation du régime Cat Nat. « Les assureurs vendent clairement à perte, souligne Thierry Langreney. Parce que le changement climatique conduit à une hausse de la fréquence et à une intensification de la sévérité des évènements ». Le récent bilan de France Assureurs montrait d'ailleurs que 2023 faisait office de troisième année la plus coûteuse après 2022 et 1999. Les assureurs déboursaient 6,5Mds d'euros.
Le jeu des vases communicants
Cette inflation de la facture incite d'ailleurs quelques assureurs à adopter une stratégie « d'évitement » vis-à-vis de certaines zones exposées. « C'est un sujet qu'il faut traiter sérieusement, relève le président des Ateliers du Futur. L'enjeu c'est la solidarité ». Il préconise dès lors de créer « un système de vases communicants sur la répartition de la surprime Cat Nat ». Actuellement, 12% de la surprime est dédiée à alimenter le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FNPRM), dit Fonds Barnier. Le reste sert au pilier assurantiel du régime.
La proposition consisterait à pouvoir moduler ses proportions au sein de la surprime. Ainsi « dans les zones les plus exposées, les 12% consacrés au Fonds Barnier pourraient être réduits, précise le gouvernement. Cela permettrait de rééquilibrer la situation en laissant une part plus importante à l'assurance et plus faible au FNPRM ». À travers cette préconisation, les rapporteurs espèrent inciter les assureurs à continuer de couvrir les zones les plus exposées.
Et pour s'assurer que tout le monde joue le jeu, le rapport recommande que la direction générale du Trésor opère un suivi des parts de marché sur les zones les plus exposées pour s’assurer de leur adéquation avec les parts de marché nationale des assureurs. « La communication de telles informations entre assureurs et auprès des autorités ministérielles compétentes est sans doute de nature à nourrir des dialogues certes animés, mais probablement aussi de responsabilisation et de progrès, dans le cadre de politiques RSE », lit-on dans le rapport.
Jouer la carte de la franchise
Sur le volet des franchises, deux options sont sur la table. La première serait d'indexer les franchises légales du régime sur l'indice du coût de la construction. La seconde, certainement plus sujette à polémiques, viserait à laisser aux assureurs la liberté de fixer les franchises pour les résidences secondaires et les biens locatifs installés en zone rouge et orange.
Une troisième piste consisterait à instaurer un triplement des franchises légales sous certaines conditions. Thierry Langreney propose ainsi d'imposer des travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones rouges ou passibles de PPR (Plan de prévention des risques). Ils seraient conduits après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique éligibles au dispositif « MaPrimeRénov' ». S'ils ne sont pas réalisés, la franchise légale serait alors triplée au sinistre suivant.
Garantie verte
Sur ce point, Thierry Langreney suggère « d'utiliser le sinistre comme moment pour verdir le parc automobile et l'habitat français ». Cela passerait par la création de garanties vertes. Elles permettraient de donner un coup de pouce au-delà de l'indemnisation pour inciter les Français à passer à la voiture électrique ou à investir dans systèmes de pompes à chaleur. Les subventions publiques existantes viendraient alors en supplément pour réduire l'investissement de l'assuré. Selon les rapporteurs, « compte tenu des fréquences de ces sinistres ciblés, l’impact sur une décennie de ces clauses vertes peut être significatif, de l’ordre de 10% pour le remplacement du parc de véhicules thermiques assurés en dommages par des véhicules électriques et de 1% pour le parc de logements et de bâtiments industriels et commerciaux équipés de chauffage thermique ».
Pour les assureurs cette mesure présenterait l'avantage de décarboner les prestations qui relèvent de leur scope 3. Encore faut-il que tous les assureurs s'intéressent à leur scope 3. Et pour ce faire, le rapport propose d'utiliser le véhicule Solvabilité 2. La directive imposerait à tous les assujettis d'intégrer un plan de décarbonation en lien avec les Accords de Paris.
Après l'analyse, l'arbitrage
Enfin, sur le volet prévention, l'ancien directeur général de Pacifica préconise de créer un nouveau fonds dédiée à la prévention individuelle. Il serait financé par une part de la surprime Cat' Nat'. « En fait, il est déjà financé puisque le gouvernement a acté la hausse de la surprime au 1er janvier prochain », relève Thierry Langreney. Il s'agirait alors de prendre 12% de la hausse de la surprime pour financer des diagnostics de résilience ou aider aux travaux de reconstruction après des sinistres.
Reste que désormais ces propositions sont entre les mains du gouvernement. « Nous allons maintenant passer de la phase d'analyse scientifique à l'arbitrage politique », lance-t-on à Bercy. Les pouvoirs publics se donnent jusqu'à la fin de l'été pour trancher. Les éventuelles mesures retenues seront alors insérées dans le prochain projet de loi de finances ou par voie réglementaire.
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