Assurance emprunteur : La loi Lemoine profite aux profils aisés
La loi Lemoine a permis d’augmenter la substitution d’assurance au bénéfice des profils les plus aisés, selon le rapport du CCSF. La suppression de la sélection médicale a bénéficié à une minorité d’emprunteurs. Le comité pointe également des marges de progrès dans la gestion des sinistres.
Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) a rendu au Parlement son bilan de la loi Lemoine. Entrée en vigueur en juin 2022, la loi Lemoine a introduit la possibilité pour l’assuré de résilier son contrat d’assurance emprunteur à tout moment. L’objectif de favoriser la concurrence a été atteint, avec une augmentation de 80% des demandes de substitution entre 2021 et le premier semestre 2023. Elles sont passées de 99.265 à 181.600, selon le bilan du CCSF. La part de marché des contrats alternatifs est passée de 15,3% en 2021 à 16,1% en 2023.
Malgré cet engouement pour les contrats alternatifs, ce sont majoritairement des profils aisés qui ont bénéficié de la substitution d’assurance. Les profils de catégorie socioprofessionnelle CSP1 représentent 58% des substitutions et 69% des délégations. Face à cette sur-représentation des profils aisés, « les acteurs du marché alternatifs souhaitent travailler à un élargissement de leur clientèle par un aménagement de leurs grilles tarifaires et par une communication accrue sur ce dispositif », souligne le CCSF.
Une minorité bénéficie de la suppression médicale
Autre nouveauté introduite par la loi Lemoine, la suppression du questionnaire médical pour les crédits de moins de 200.000 euros qui arrivent à échéance avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur. Le CCSF a constaté que seulement 23% des crédits inférieurs à 200.000 euros ont bénéficié de l’absence de sélection médicale. Cette faible proportion s’explique en raison du plafond de 60 ans de l’emprunteur. De même, les contrats sans sélection ne représentent que 31% des substitutions.
La baisse des tarifs se poursuit
La suppression de la sélection médicale a également conduit à une augmentation des tarifs sur le segment dit Lemoine (sans sélection médicale). Selon le CCSF, l’augmentation tarifaire serait de l’ordre de 10% par rapport à 2021. Malgré cette augmentation ciblée, les tarifs ont poursuivi leur tendance à la baisse sur les contrats avec sélection médicale chez les acteurs alternatifs.
Par ailleurs, le CCSF évoque une augmentation « des écarts de tarifs entre les profils ». Les jeunes et les non-fumeurs ont bénéficié davantage de la baisse de tarifs, sur les contrats avec sélection médicale.
Le CCSF a également constaté une baisse des tarifs d’assurance emprunteur sur les contrats groupe bancaires avec et, en moindre mesure, sans sélection médicale. Le comité consultatif affirme que la baisse a cette fois-ci bénéficié à tous les assurés, tandis que dans le passé uniquement les jeunes en avaient profité.
Des obstacles à la substitution
Le comité consultatif qui réunit à la fois des bancassureurs et des acteurs alternatifs écrit par ailleurs que « les difficultés à la substitution persistent ». Ces difficultés s’expliquent par « des divergences d’interprétation dans l’analyse des motifs de refus » ou le non-respect des délais de traitement. Les taux d’acceptation des demandes de substitution oscillent entre 88% e 90% selon les réseaux bancaires et entre 70% et 87% selon les intermédiaires.
Des marges de progrès sur la gestion des sinistres
Le CCSF pointe également des marges de progrès sur la gestion des sinistres. Le comité tique sur le fait qu’entre 50 et 75% des sinistres refusés par les acteurs alternatifs correspondent à des déclarations de sinistres erronées. Cela témoigne d’une « très mauvaise connaissance des contrats d’assurance emprunteur par les assurés ». Le comité espère que la nouvelle obligation d’information annuelle pour les assureurs vis-à-vis de leurs clients permettra de remédier à ce manque d’information.
Le CCSF pointe également « des taux de refus d’indemnisation non-négligeables ». Sur le risque décès ou de perte totale et irréversible d’autonomie, les acteurs alternatifs comme les acteurs bancaires ont refusé d’indemniser dans 2,5% des sinistres en 2023. Sur le risque d’incapacité, les assureurs bancaires ont refusé d’indemniser dans 10,2% des cas, contre 7,7% pour les acteurs bancaires.
Enfin, le CCSF pointe des délais de traitement trop longs. 7,2% des sinistres déclarés en 2022 pour les contrats groupe et 9,5% des sinistres pour les contrats alternatifs étaient encore en cours de traitement en mai 2023.
Des trous dans la raquette
Par ailleurs, la CCSF souligne des aspects de la loi qui méritent une clarification. Le comité mentionne un « trou dans la raquette » concernant les sinistres survenus avant la substitution et qui perdurent après. Autre chantier pour le CCSF, un éventuel élargissement du dispositif Lemoine à l’assurance emprunteur des prêts travaux.
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