Loi Duflot : Le gouvernement escamote un rapport gênant de l’IGF

Un rapport de l’Inspection Générale des Finances sur le coût et l’intérêt de la garantie universelle des loyers (GUL) n’a jamais été rendu public. Il fait état d’un coût financier élevé et n’écarte pas un système privé assurantiel.

Le chiffrage du coût de la garantie universelle des loyers (GUL) et sa réelle opportunité soulèvent de nombreuses questions. Ce volet de la Loi Duflot sur le logement, examinée mercredi 9 septembre au Sénat après un premier vote à l’Assemblée le 12 septembre, doit permettre de créer une “Sécurité sociale du logement” protégeant les bailleurs et doit se substituer ainsi à l’assurance sur les risques de loyers impayés (GLI pour garantie des loyers impayés) et peut-être à la GRL (Garantie des risques locatifs) destinée aux ménages les moins solvables, ceux dont la proportion du loyer par rapport aux revenus est comprise entre 40% et 50%.

La première mouture du texte prévoit un dispositif purement public, piloté par une nouvelle agence ad hoc. La GUL, dont le coût demeure inconnu, serait financée par une taxe sur les locataires et bailleurs (de 1 à 2% sur les loyers).

Un rapport de l’IGF manquant…

Or, un rapport de l’Inspection Générale des Finances (IGF), rendu aux cabinets de Cécile Duflot et de Pierre Moscovici fin janvier 2013, afin d’éclairer le gouvernement – avant les débats parlementaires – sur l’opportunité d’un système universel de sécurisation locative n’a jamais été porté à la connaissance du public. “Le gouvernement a décidé de ne pas le donner. Il devait fournir une étude d’impact de la loi que nous n’avons pas eue. La ministre n’a pas souhaité le présenter“, affirme Christophe Caresche, député PS, membre de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

Cécile Duflot demandait précisément à l’IGF dans un courrier “une mission d’analyse sur les instruments existants (GRL et GLI, ndlr) et sur les modalités dans lesquelles ils peuvent être rendus plus efficaces sans faire peser un surcoût disproportionné sur les finances publiques”.

L’IGF dispose “d’un scénario assurantiel solide”

Si les conclusions du rapport n’ont pas été rendues publiques, c’est peut-être parce que l’IGF ne semblait pas tout à fait fermée à l’idée d’amender la GLI pour la rendre plus accessible, c’est-à-dire travailler sur le système assurantiel en place.

Même si la lettre de mission des ministres ne se place pas prioritairement dans cette perspective, nous voudrions proposer parmi nos options, un scénario assurantiel solide répondant à la problématique de soutien à l’accès au parc locatif privé. Nous sommes conscients qu’il est indispensable de redonner confiance aux assureurs afin que ces derniers offrent le produit assurantiel nouveau”, écrivent les inspecteurs des Finances dans un courrier aux assureurs.

L’IGF proposait notamment de compenser la plus forte sinistralité des nouveaux entrants (qui relèvent de la GRL) par “des mécanismes classiques de réassurance (par exemple via la CCR sur le mode retenu pour le régime Cat’Nat’)“.

Entre 250 et 950M d’euros pour l’Etat

En outre, l’IGF estime à un niveau élevé le coût d’un dispositif public. Soit entre 250 et 950M d’euros suivant ses contours, confirme le ministère du Logement à l’AFP après une fuite dans le Journal du Dimanche, dans son édition du 6 septembre.  Le ministère travaille sur un scénario “optimal” de 750M d’euros.

Galian, spécialiste des assurances pour les professionnels de l’immobilier, table sur un coût de 1,2Md d’euros au minimum. En cause : l’aléa moral crée par le dispositif et le surcoût que représenterait la couverture des ménages les moins solvables. Selon le JDD, l’IGF irait aussi dans ce sens, il indique dans son rapport : “ces locataires seraient potentiellement très coûteux pour la garantie“.

Galian et d’autres professionnels dénoncent un système déresponsabilisant pour le locataire. “Il est nécessaire de recourir à des mécanismes telles que franchise, plafond de garantie, tarif proportionné aux risques… car la logique des grands nombres n’est pas suffisante quand, à la base, les risques sont trop importants et que l’aléa ne joue pas pleinement”, déclare Alain Ledemay, directeur général de Galian.

Si tous les publics étaient couverts, l’IGF évoque l’idée d’un fichier des mauvais payeurs mais aussi la possibilité de saisies sur les salaires, sur les allocations familiales ou les comptes bancaires.

“Un pari” pour le gouvernement

Concernant le risque d’un dérapage budgétaire du sytème, Cécile Duflot préfère se laisser du temps. Une “phase de préfiguration“, comme prévue dans le projet de loi, doit permettre d’ajuster le tir et “de préciser les mesures d’encadrement financier permettant de réduire l’aléa moral et préserver l’équilibre économique du dispositif“. Le financement devrait donc être adopté dans le projet de loi de finances 2016, voté en 2015.

Le rapport de l’IGF “n’est qu’un élément de discussion: diverses options de financement seront discutées dans le cadre parlementaire et même après“, déclare le ministère du Logement. Des mesures de “maîtrise des coûts” seront introduites.

En outre, Cécile Duflot précise dans son audition devant la commission des Affaires Économiques du Sénat, le 18 septembre, qu’il faut aussi tenir compte des dépenses publiques qui seront dorénavant économisées par le dispositif: “les sommes versées par l’État pour indemniser les propriétaires lorsque les familles ne sont pas expulsées en raison de la trêve hivernale ou pour éviter un drame humain, les montants versés par les fonds de solidarité pour le logement (FSL) en garantie des impayés, ou le coût des nuitées hôtelières pour assurer l’hébergement d’urgence, etc.

En un mot, la ministre évoque devant la commission : “un pari“. La preuve que la prise de risque n’est pas toujours du côté des assureurs.

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