HCAAM : "Aucun scénario ne règle le problème des dépassements"
Pierre-Jean Lancry, vice-président du Hcaam, répond aux critiques des organismes complémentaires et annonce que les dépassements d’honoraires feront l’objet des prochains travaux du Haut conseil.
La version définitive du rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a été publiée vendredi 14 janvier. Deux jours plus tard, dans un communiqué de presse, France Assureurs (ex-FFA) dénonçait une instrumentalisation des travaux du Hcaam.
L'impossible consensus
Reçu par l’association de journalistes de l’information sociale (Ajis), Pierre-Jean Lancry, vice-président du Hcaam, a répondu aux critiques. « Il y a eu beaucoup de bruit autour de ce rapport. Certains membres ne souhaitaient pas sa publication ou souhaitaient une publication avec des ajouts individuels », a déclaré le vice-président du Haut conseil. Contrairement à d’autres travaux, ce rapport ne contient pas de recommandations portées par l’ensemble de ses membres : « La présentation des scénarios polaires ne permettait pas de créer un consensus autour de ce rapport », a déclaré Pierre-Jean Lancry.
Le rôle d’Olivier Véran
A propos des accusations d’instrumentalisation politique des travaux du Hcaam, son vice-président a commenté le courrier reçu par Olivier Véran en juillet 2021 : « Le ministre des Solidarités et de la Santé n’a pas demandé une étude approfondie du scénario de Grande Sécu. Il a demandé d’instruire particulièrement les scénarios disruptifs, les trois scénarios qui modifiaient l’architecture actuelle, en demandant d’évaluer l’impact sur les acteurs, dont les assurés. Il n’a pas mandaté le Hcaam pour faire la promotion d’un scénario, puisque les travaux du Hcaam ont démarré il y a quatre ans ».
Le bouclier sanitaire, effet surprise
La Mutualité Française et France Assureurs affirment avoir découvert l’analyse sur le scénario de bouclier sanitaire en annexe du rapport, sans que cela n’ait pas été discuté en séance. « Il y a quelques mois, nous avions intégré le scénario de bouclier sanitaire dans le scénario 1 à architecture inchangée. Certains membres ont souligné que le bouclier sanitaire introduisait des modifications sensibles sur l’architecture du système. On a donc retiré le bouclier sanitaire, à la demande des membres, mais certains ont demandé à réintroduire le bouclier sanitaire dans le rapport car il permet de répondre à un certain nombre de questions. D’où l’idée, décidée en novembre, de faire apparaître l'analyse sur le bouclier sanitaire, qui n'est pas traité comme scénario, en annexe », a expliqué Pierre-Jean Lancry.
Les dépassements d’honoraires, prochain combat
Interrogé sur le reste à la charge des patients, Pierre-Jean Lancry a reconnu qu’« aucun scénario ne règle le problème du dépassement d’honoraires, sauf à faire en sorte qu’il n’y ait plus de dépassement. Le sujet du dépassement est encore devant nous ». Pour la suite de ses travaux, le Haut conseil a décidé d’étudier le phénomène des dépassements d’honoraires, qui ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie. « C’est une demande qui a été portée à la fois par la CGT et le Medef, cela va être un sujet pour l’année 2022 pour le Haut conseil », a confirmé Pierre-Jean Lancry. Les dépassements représentent 3,2Mds d’euros par an et sont en partie remboursés par les complémentaires.
Fuites dans la presse
A propos de la fuite dans les Echos sur l’impact financier du scénario de Grande Sécu, Pierre-Jean Lancry a commenté : « C’est amusant parce qu’il y a eu une première fuite dans Espace social qui venait des membres et il n'y a eu aucun levier des boucliers, tandis que, quand Les Echos ont publié l'impact financier sur la Grande Sécu, cela a énervé tout le monde, car la fuite ne venait pas des membres. Je ne sais pas si certains ont utilisé cette fuite pour en faire des gorges chaudes afin d'empêcher la publication du rapport, mais cela a été très difficile, voire pénible dans la vie du Haut conseil. Cela a fait le buzz partout. Il a fallu une volonté collective et résister face à ces forces centrifuges pour éviter de faire éclater le Hcaam. Dans la séance de décembre, on a pu mettre les choses au point et cela a été une grande joie pour nous de voir qu’après cette tempête, les membres étaient d’accord pour se mettre sur un mode de fonctionnement qu’on n’aurait jamais dû abandonner ».
Impact social de la Grande Sécu
A propos du scénario de Grande Sécu, le Haut conseil aurait aimé avoir des chiffres plus précis de la part des organismes complémentaires pour évaluer l’impact social du scénario de Grande sécu sur les emplois des organismes complémentaires. Le Hcaam a eu du mal à se prononcer entre les 40.000 et 100.000 emplois évoqués par différents membres.
A propos de la médecine à deux vitesses
Par ailleurs, les organismes complémentaires considèrent que le scénario de grande sécu conduirait à une médecine à deux vitesses. Pierre-Jean Lancry rétorque que le système actuel est déjà à deux vitesses puisque certains contrats couvrent mieux que d’autres les dépassements d’honoraires. « Si on ne réglait pas le système des dépassements d’honoraires, avec un système de grande sécu, il faudrait toujours une assurance supplémentaire pour prendre en charge les dépassements et cela introduirait des inégalités entre ceux qui auront une couverture supplémentaire et ceux qui n’en ont pas".
A propos des frais de gestion
Enfin, les organismes complémentaires considèrent que si la Sécu remboursait à 100% les soins, cela renchérirait les frais de gestion de l’assurance maladie. « Cet argument n’est pas fondé techniquement car demain, il suffit d’un changement de paramétrage pour que l’assurance maladie prenne en charge non plus 70% mais 100% de la consultation chez un médecin généraliste. Cela n’engendrera pas de surcoût en frais de gestion pour l’assurance maladie. Ce type d’argument ne tient pas la route », répond Pierre-Jean Lancry.
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