Captives : Déménager du Luxembourg vers la France vaut-il le coup ?
Avec un cadre législatif désormais favorable à la création de nouvelles captives de réassurance en France, certains industriels réfléchissent à déménager leurs structures déjà établies au Luxembourg. Si les contraintes de redomiciliation sont nombreuses, rapatrier sa captive dans l’Hexagone est toutefois possible.
Alors que se font encore attendre les décrets d’application autour des provisions d’égalisation, le nouveau cadre législatif permettant la création de captives de réassurance à la française laisse augurer l’installation de plusieurs nouveaux véhicules dans l’Hexagone ces prochains mois.
En parallèle, la question du déménagement de captives déjà immatriculées à l’étranger est également au centre des réflexions. « Concernant la France, il est prématuré de connaître un ordre de grandeur de ces demandes de redomiciliation, même si l’on sent une curiosité très forte. L’Hexagone pourrait également devenir un domicile attractif pour des projets de captives groupes autres que français, ne bénéficiant pas d’une réglementation attractive dans leur pays d’origine », explique Maxime Schons, managing director Europe chez SRS.
Coûts de frottements
Reste que pour déménager une captive déjà établie au Luxembourg, à Malte ou en Irlande, les impacts sont différents selon le pays d’implantation, la forme juridique, « et relèvent de questions fiscales et transfrontalières complexes. Ils sont donc le fruit de décisions mûrement réfléchies », explique Guillaume Danel, directeur développement A.R.T. Solutions chez MS Amlin.
Dans les faits, il existe au moins deux possibilités pour redomicilier sa structure. La première consiste à fermer sa captive dans la première juridiction tout en créant une nouvelle captive en amont ou par la suite dans un nouveau pays. Une méthode qui a toutefois des conséquences importantes, comme le paiement d’impôts sur les réserves et des contraintes fiscales liées au transfert de fonds transfrontaliers.
« En cas de dissolution et création, deux modalités sont envisageables afin de libérer la captive de ses obligations contractuelles : soit la ''commutation'' pour le transfert des activités à la nouvelle captive agréée, ou à un assureur ou réassureur tiers, soit la ''novation'', pour la substitution des activités de la captive à la nouvelle captive agréée, l’assureur ou réassureur tiers », explique Marine Charbonner directrice captives et souscription facultative au sein de la BU APAC & Europe d’Axa XL. « Dans le cas d’une fermeture à Luxembourg par exemple, l’inconvénient résiderait dans l’utilisation immédiate, au moment de la liquidation, des bénéfices constitués au fil du temps et donc les impacts économiques et fiscaux inhérents », poursuit Maxime Schons.
Deux structures parallèles
La deuxième possibilité de redomiciliation consiste à transférer la captive d’un pays à l’autre, ce qui sous-entend d’avoir deux structures parallèles. « Le traitement de la provision d’égalisation luxembourgeoise (la célèbre PFS), est central dans l’efficacité financière du transfert. Cette provision n’étant pas attachée à des sinistres mais constituée de reports de résultats bruts pour sinistres futurs, seule la partie nette d’impôts pourra être transférée et le reliquat devra être payé au fisc luxembourgeois, indique Fabien Graeff, partner en charge des activités corporate risk services chez Optimind. Afin d’éviter cet écueil une solution serait de vendre de gré à gré la captive luxembourgeoise vidée de ses engagements. Cette possibilité nécessite néanmoins de trouver une contrepartie avec un taux de cession attrayant pour être efficace ».
Alors qu'un un certain nombre de groupes possèdent déjà plusieurs structures établies dans différents pays, transférer ses risques d’un véhicule à l’autre permet notamment de séparer différentes lignes de business et/ou de risques, et « d’optimiser l’utilisation dans le temps les plafonds autorisés pour la provision pour résilience d’un côté et pour la provision pour égalisation de l’autre », selon Maxime Schons. « Posséder deux structures peut également permettre des accords de réassurance entre elles, des transferts de portefeuille d’une entité à une autre. La nouvelle captive peut également être la filiale de la première, ce qui permet d’affecter les fonds propres de la captive principale à la création de sa société fille. Mais dans tous les cas de figure, les régulateurs des deux pays seront parties prenantes du processus », poursuit Guillaume Danel.
Revoyure en 2025
Reste qu’au-delà de ces aspects techniques contraignants, un autre point, cette fois réglementaire, pourrait peser sur le décision de déménager sa structure vers la France. En effet, « en 2025, le Gouvernement devra présenter au Parlement une évaluation des principales caractéristiques du dispositif tricolore avec le risque de possible modification du cadre. Entretemps, il n’y aura sans doute pas de demande de redomiciliation vers la France », prévient Guillaume Danel. « Nous avons une captive au Luxembourg et nous aurions souhaité profiter de la loi pour la rapatrier en France. Hélas, les nouvelles dispositions ne nous le permettent pas puisque les assureurs sont exclus du dispositif. Le sujet de l'égalité devant l'impôt soulevé pendant les discussions n'est pas du tout levé », tonne le dirigeant d’un acteur mutualiste.
Selon le dernier rapport 2022 de Scor sur le sujet, il y aurait environ 300 captives d’assurance ou de réassurance en Europe, dont environ 2/3 identifiées comme appartenant à une entreprise industrielle ou commerciale. D’après le réassureur, 80% d’entre elles sont aujourd’hui domiciliées au Luxembourg et en Irlande, la plupart de ces structures appartenant à des groupes français, allemands ou belges. Selon les spécialistes du marché, environ 80 % des entreprises du CAC 40 et SBF 120 détiennent au moins une captive.
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