Arnaud Chneiweiss : "La relation entre assuré et assureur repose sur la confiance"

lundi 3 février 2025
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Arnaud Chneiweiss est le médiateur de l'assurance.

TRIBUNE - L’événement que je retiens est la publication par l’ACPR, le 24 septembre 2024, d'un communiqué de presse sur les clauses d’exclusion.

Dans celui-ci, l’Autorité de contrôle s’engage clairement. Elle « appelle les organismes d’assurance à passer en revue l’ensemble de leurs contrats d’assurance », car « dans le cadre d’une enquête portant sur la prise en compte des décisions de justice et de la doctrine du Médiateur de l’Assurance en matière de clauses d’exclusion, l’Autorité a examiné plus d’une centaine de contrats d’assurance ».

Les conclusions de l’Autorité de contrôle sont sévères : « de nombreux contrats, tout particulièrement multirisques habitation et automobile, contiennent des exclusions « non formelles et limitées », parfois censurées de longue date par la Cour de cassation, ce qui ne permet pas aux assurés d’appréhender l’étendue et les limites exactes des garanties. Les clauses relevées portent notamment sur « le défaut d’entretien », « le non-respect des règles de l’art » ou encore la « négligence de l’assuré ». Par ailleurs, les dispositifs de suivi des contrats, souvent incomplets et trop peu formalisés, ne permettent pas suffisamment d’identifier les clauses contractuelles à réviser. »

C’est une vraie satisfaction pour tous ceux qui ont porté ce sujet depuis des années. C’est l’aboutissement pour moi d'un processus engagé depuis que j’ai pris mes fonctions en 2020. J’ai appris alors, par les équipes de la Médiation et par des Professeurs de droit des assurances qui ont immédiatement attiré mon attention sur le sujet, que les décisions de la Cour de cassation ne conduisaient pas toujours les assureurs à modifier leurs nouveaux contrats ou à cesser d'opposer les clauses condamnées à leurs assurés.

Je parle ici des clauses d’exclusion floues condamnées de longue date par la plus haute instance judiciaire du pays sur le « défaut d’entretien » de l’habitation, la « négligence » ayant facilité un sinistre, la maison qui doit être construite selon les « règles de l’art ». En assurance de personnes, il s’agit des « troubles psychiques » ou de tout « autre mal de dos », notions que la Cour de cassation a estimées vagues et en cela contraires à la loi, qui demande que ces clauses soient précises, « formelles et limitées ».

Cette situation était choquante.

Car que fait un assureur ? Il vend des promesses. Il dit aux prospects et aux assurés « faites-moi confiance, car je suis solide financièrement et je respecterai le contrat qui nous lie s’il vous arrive un coup dur, dans quelques mois (accident de voiture ou dégâts des eaux) ou même quelques décennies (rente retraite, contrat dépendance) ».

La relation entre l’assuré et l’assureur repose sur la confiance. Et ce même assureur ne respecterait pas les décisions de la plus Haute Cour du pays ?

Je comprends les intentions de responsabiliser l’assuré en le rendant acteur de la prévention du risque et je m’associe à la volonté de lutter contre la fraude. Mais ces buts louables ne peuvent être poursuivis en utilisant des clauses déclarées illégales par la plus haute juridiction du pays. La plupart des acteurs ont décidé à partir de 2022 de modifier leurs pratiques et de faire disparaître ces clauses de leurs contrats.

Outre mes appels à se mettre en conformité, le durcissement de la jurisprudence de la Cour de cassation par une décision du 17 juin 2021 à propos des « autres mal de dos », commentée dans son rapport annuel publié en 2022, a sans aucun doute joué un rôle décisif .

Jusqu’à présent, la Cour de cassation se contentait de censurer les expressions vagues. Pour prendre l’exemple de la clause en question, l’exclusion concernant « les sciatiques et lombalgies » continuait à être valable alors que « les autres mal de dos » étaient censurés. Depuis 2021, c’est toute la clause qui est déclarée invalide, y compris donc « les sciatiques et lombalgies » du fait de la présence de quelques mots imprécis.

La Cour de cassation s’explique longuement dans son rapport annuel 2021 pour justifier la cohérence de sa position avec celle de la Cour de justice de l’UE et se défend d'avoir réagi à l’immobilisme des assureurs. Je me permets tout de même de penser que la politique des assureurs consistant à ignorer pendant des années sa jurisprudence a facilité ce durcissement.

Après cette prise de position explicite de l’Autorité de contrôle, qui s’ajoute au durcissement de jurisprudence de la Cour de cassation, on peut enfin espérer que l’ensemble du secteur va se mettre en conformité dans les meilleurs délais.

Ce sera positif pour l’image de la Profession et pour ses finances, du fait du potentiel impact économique dévastateur de la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation. Et je me permets de penser que la Médiation de l’assurance a joué un rôle utile dans cette évolution.

Cette tribune a été publiée dans l'édition spéciale bilan de l'assurance 2024 de News Assurances Pro

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