Est-il encore possible de retenir les compétences technologiques clés ?

Dans les principales économies européennes et asiatiques, les employeurs ont conscience de devoir payer le prix fort pour les compétences technologiques critiques car la concurrence est féroce sur ce marché très spécifique. Malheureusement, ce qui est plus flou, c’est le prix précis à payer, ainsi que les politiques de recrutement et de fidélisation à mettre en place pour ce type de profil.

D’après nos recherches, dans 12 des principales économies européennes et asiatiques, nous n’observons pas la mise en place de politiques spécifiquement dédiées aux compétences technologiques rares. Plusieurs employeurs – sur différents marchés allant du Royaume-Uni à l’Europe continentale en passant par la Chine – prévoient d’instaurer des grilles de salaires spécifiques à cette population clé, ou du moins s’interrogent en ce sens. Mais leur réflexion n’en est qu’à ses débuts et leur décision est loin d’être prise.

Sur un marché de vendeurs, le personnel spécialisé en haute technologie qui possède les compétences recherchées est grandement favorisé.

En l’absence d’échelles salariales et de primes formelles distinctes, les entreprises semblent adopter une approche ad hoc. Elles considèrent un poste ou un emploi vacant spécifique et la compétence requise pour le combler, pour ensuite payer le prix qu’il faudra pour pourvoir ce poste ou assurer un plan de succession. Par conséquent, le personnel qui possède les compétences recherchées en haute technologie a toute latitude sur un marché de vendeurs, et les entreprises leurs versent des primes supérieures de 15 %, 20 % ou plus encore par rapport aux tarifs de référence.

Rien d’étonnant donc à ce que les employeurs soient en quête de politiques officielles et d’une approche plus planifiée et plus ordonnée du recrutement et de la fidélisation des compétences de pointe.

À quoi est due cette flambée du marché ?

La rareté des compétences technologiques a été amplifiée par le développement des FinTech

De nombreux facteurs font obstacle à une approche ordonnée de gestion des compétences technologiques rares et à la mise en place de grilles de salaires spécifiques.

La rareté

Premièrement, la rareté des compétences technologiques a été amplifiée par le développement des FinTech , qui voit entrer en concurrence à la fois les acteurs traditionnels (banque, assurance, etc.) et des acteurs non traditionnels qui viennent perturber ce marché jusqu’ici plus ou moins protégé des grandes évolutions technologiques (la fameuse disruption). Ainsi, on voit les acteurs de la Silicone Valley et concurrencer directement les grandes institutions financières de la planète pour le recrutement des compétences technologiques les plus pointues.

La volatilité

Les entreprises ont du mal à définir leurs politiques « compétences technologiques de pointe » car le marché évolue trop rapidement.

Deuxièmement, il faut définir ce que sont les compétences technologiques de pointe, si celles-ci sont encore effectivement « à la pointe » ou si elles commencent à devenir monnaie courante. Sur les principaux marchés étudiés, les entreprises nous disent que, si auparavant les compétences technologiques dites de pointe le restaient pendant cinq ans ou plus, aujourd’hui elles peuvent changer tous les ans. C’est la raison pour laquelle les sociétés hésitent – ou ne parviennent pas – à définir leurs politiques en la matière, le marché évoluant trop rapidement. Ainsi, des compétences de type C++, SAP ou Oracle, qui permettaient de négocier des salaires très attrayants il y a de cela quelques années, ne sont plus si demandées aujourd’hui ou semblent ne plus faire partie du paysage. En, revanche, on n’entend parler maintenant que de SMAC (social, mobile, analytics, cloud), mais pour combien de temps ?

Le facteur régional

En outre, l’incertitude des entreprises provient de facteurs régionaux. Voici quelques chiffres éloquents. Dans le cadre de notre recherche sur les politiques et les salaires des compétences technologiques de pointe, réalisée dans plusieurs pays, nous avons découvert que dans un pays les spécialistes en développement de produits technologiques pouvaient s’attendre à des augmentations de salaire de 5 % en 2015 – (proches de l’augmentation générale de référence de 4,9 %). Un an plus tard, les employeurs prévoient d’accorder à ces spécialistes une augmentation de 10 % – soit plus du double de l’augmentation de référence.

La question qui se pose est la suivante : l’évolution rapide du marché qui rend si difficile, pour les employeurs, la mise en place de politiques ordonnées, conduit-elle à la situation évoquée ci-dessus ? Ou ce type de situation est-il dû aux approches ad hoc et au manque de politiques définies ? Qui est apparu en premier, l’œuf ou la poule ?

Gérer la flambée

Si une organisation est perçue comme attrayante, pertinente et prometteuse, le candidat sera moins attentiste

Les entreprises vont poursuivre la digitalisation de leurs activités et se disputeront les compétences technologiques de pointes.

Dotés ou non de politiques en matière de compétences technologiques de pointe, les employeurs doivent admettre que le marché est de plus en plus sophistiqué/concurrentiel et réfléchir à la façon de recruter et de fidéliser le personnel qui possède ces atouts critiques. Ils devront créer la différence en planifiant leur budget salarial, et être plus attentifs au marché.

Inventivité

Ils devront sans doute faire preuve également d’inventivité dans la gestion de leurs rémunérations, et prendre en considération non seulement les avantages sociaux et la rémunération monétaire totale – salariales ou non – mais aussi la façon dont ils sont perçus sur le marché. Une organisation qui n’est pas suffisamment attrayante pour les personnes possédant les compétences dont elle a besoin devra probablement payer plus pour les attirer. À l’inverse, si elle est perçue comme étant attrayante, pertinente et prometteuse, le candidat sera moins attentiste.

Dans un marché où la demande de compétences technologiques de pointe connaît des hauts et de bas si rapidement, les employeurs doivent aussi savoir planifier à l’avance leurs besoins. Que faire du personnel dont les compétences ne sont plus à la pointe de la technologie ? Les employeurs ont-ils prévu de requalifier ou de former à nouveau ces collaborateurs ? Ont-ils les moyens de les rapprocher des niveaux salariaux des collaborateurs lambda ? Et disposent-ils de systèmes leur assurant un accès au personnel possédant les prochaines compétences technologiques de pointe ?

Deux choses restent acquises dans le domaine de la haute technologie. D’une part, toutes les entreprises vont poursuivre leur numérisation et se disputeront les compétences technologiques de pointe. Et d’autre part, le rythme accéléré auquel les compétences de pointe deviennent des compétences obsolètes ou tout au moins standard n’est pas près de s’arrêter.

Dans de telles circonstances, les décisions auxquelles les entreprises sont confrontées, s’agissant des politiques et des grilles de salaires salariales relatives aux compétences de pointe, ne seront certainement pas plus faciles à prendre à l’avenir. Mais elles seront sans aucun doute de plus en plus stratégiques.

Ce billet fait suite au premier constat dressé dans “L’évolution des compétences les plus recherchées dans l’univers des technologies” que nous vous invitons à consulter.


Ce billet a été initialement écrit par Paul Richards et Sambhav (Sam) Rakyan. Paul et Sam dirigent l’activité Enquêtes de rémunération de Willis Towers Watson, respectivement pour les régions EMEA et APAC. Tous deux possèdent près de 20 ans d’expérience dans la conduite d’enquêtes de rémunération et de conseil en gestion des emplois et rémunération. Ce billet a été traduit et adapté par Jean-Vincent Ichard, qui dirige le département d’enquêtes de rémunération de Willis Towers Watson en France.

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