Notation : Sans Coface, la notation est plus que jamais livrée aux trois grandes agences

Le retrait de l’assureur-crédit français Coface de son projet d’agence de notation laisse plus que jamais les trois grands acteurs du secteur seuls en piste en Europe, ce qui rend hypothétique la diminution de leur influence dans la sphère financière.

Filiale du groupe bancaire BPCE, Coface s’était lancé dans l’aventure en juin 2009, avec l’ambition de “restaurer la confiance dans la notation”, selon son directeur général de l’époque Jérôme Cazes. Les trois grandes agences, Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch étaient, en effet, régulièrement accusées d’avoir favorisé la crise du “subprime”, notamment en présentant comme sûrs des produits financiers très risqués.

La décision de Coface de renoncer à son projet, officialisée mercredi, semble autant politique que stratégique. BPCE voyait d’un mauvais oeil cette diversification et a décidé de reprendre en main sa filiale en janvier, remplaçant M. Cazes par Jean-Marc Pillu. Pour justifier ce retrait, le nouveau directeur général a évoqué le risque  de “conflits d’intérêt”. Un argument jugé “un peu spécieux” par Norbert Gaillard, professeur à Sciences-Po et auteur d’un ouvrage sur les agences de notation. “La Coface avait une véritable légitimité à noter, parce qu’elle connaissait très bien le marché des entreprises”, affirme-t-il.

Pour venir concurrencer les poids lourds de la notation, Coface entendait s’appuyer sur son métier d’assureur-crédit qui l’amenait déjà à noter des milliers d’entreprises pour évaluer leur risque de défaillance. Cette structure de notation déjà existante était, en outre, déjà financée par l’assurance-crédit et permettait donc à Coface de devenir une agence à moindre frais, et disposant de plus d’indépendance que ses rivales qui reposent exclusivement sur l’argent facturé pour leurs notations.

“C’est une décision qu’il faut regretter parce que cela aurait accru la concurrence et permis d’avoir une vision différenciée du risque”, appuie M. Gaillard, soulignant que “les notes des trois grandes agences sont très souvent corrélées”.

Coface sorti du jeu, plus aucun projet d’envergure n’est aujourd’hui en gestation en Europe. Aux Etats-Unis, l’analyste vedette Meredith Whitney a créé son agence et soumis une demande d’agrément auprès du régulateur, mais sa structure ne compte aujourd’hui qu’une vingtaine d’analystes, contre plus de mille chacune pour les trois grands.
D’autres agences, de taille plus modeste que les “Big Three”, ont déjà trouvé leur place aux Etats-Unis, tels A.M. Best, DBRS ou Egan-Jones. Un autre acteur émerge en Chine sous les traits de l’agence parapublique Dagong, dont la légitimité hors de son pays est néanmoins loin d’être établie.

“Cela ne m’étonne pas que personne n’arrive à entrer sur le marché, parce que tout est fait pour que cela reste un oligopole”, regrette Michel Aglietta, professeur d’économie à l’université Paris-X Nanterre.

La Commission européenne a suggéré, en novembre, de charger la Banque centrale européenne (BCE) ou d’autres banques centrales de réaliser des notations, de créer un réseau de petites agences européennes ou encore d’instaurer une nouvelle structure en partenariat privé/public. Mais la BCE a depuis pris ses distances avec ces propositions.

M. Aglietta propose lui la création d’une agence européenne publique à statut indépendant, chargée de noter la dette des Etats.

Pour M. Gaillard, l'”absence de volonté politique” ne permettra pas la création d’une structure publique ou l’émergence d’un concurrent crédible en Europe. Dès lors, il prône de soumettre les trois grandes agences à une supervision beaucoup plus rigoureuse et de les inciter à un plus grand conservatisme car “elles ont été trop optimistes”, en particulier sur les Etats.

Avec AFP

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