Intermédiaires : Courtiers et consommateurs en désaccord profond sur la DIA2

Le projet de directive européenne sur la transparence des rémunérations des intermédiaires opposent frontalement la profession et les consommateurs.

Les courtiers auront-ils à déclarer systématiquement à leur clientèle le montant de leurs commissions sur les produits vendus ? « Oui », affirmait en juillet 2012 la commission européenne dans un nouveau projet de directive sur l’intermédiation (DIA 2). Un texte qui bousculerait les intermédiaires en les astreignant à une transparence totale sur leurs rémunérations.

« Non », répliquait en décembre dernier le rapporteur du texte, Werner Langen, au sein de la commission Econ (commission des affaires économiques et monétaires), proposant de supprimer bon nombre d’amendements. Allant dans le sens du BIPAR (lobby européen des intermédiaires d’assurances), il propose plutôt un accès à l’information à la demande du client. En attendant le vote final du Parlement en juillet 2013, la situation pourrait déboucher sur une impasse.

« Si le texte était voté comme tel, suivant les recommandations du rapport Langen, cela n’aurait aucun sens, l’initiative était présentée comme un progrès pour les consommateurs, là on préfère l’immobilisme, c’est un rapport anti-consommateur choquant », interpelle Jean-François Biernaux, avocat, assistant le BEUC (Bureau Européen des Unions de Consommateurs) en matière de services financiers.

« Rapport Langen: choquant et anti-consommateur » 

La commission visait notamment « à protéger des consommateurs qui se sont vus vendre des produits d’investissements et d’assurance non adaptés à leurs besoins », expliquait-elle dans un communiqué.

Si en France aucun scandale de grande ampleur n’a jamais éclaté, ailleurs en Europe, les consommateurs ont subi des préjudices, rappelle le BEUC. Par exemple, aux Pays-Bas, en 2006, Delta Lloyd, ING, Fortis ASR ou encore SNS Reaal ont accepté de dédommager leurs clients à hauteur de 300 à 750M d’euros pour des produits vendus avec de mauvaises pratiques (mauvaises informations, produits qui ne correspondaient pas aux besoins…). En Grande-Bretagne, un scandale a éclaté quant aux pratiques de banquiers entraînés à pousser les clients à souscrire des assurances emprunteurs, des cas de ventes liées abusifs avec des commissions allant jusqu’à 87% des polices d’assurances. En France, l’UFC-Que Choisir révélait en décembre 2012 la très faible utilité des assurances de portables et le poids des commissions allant de 20 à 50% des primes pour les distributeurs,  et de 10 à 30% pour les courtiers pour des coûts de gestion de 8%.

Les consommateurs s’estiment aussi parfois abusés par des conflits d’intérêts pouvant exister entre intermédiaires et assureurs. Les courtiers peuvent être amenés à privilégier la vente de produits plus intéressants pour eux que pour le client. « Il existe des commissions et bonus de fin d’année versés par les assureurs aux équipes de courtiers en fonction de la réalisation d’objectifs de vente », affirme Jean-François Biernaux pour le BEUC, « comme des avantages en nature de toute sorte ».

« A des prix bas peuvent correspondre aucun service rendus »

Qu’en disent les syndicats de courtiers ? Tout d’abord, ce sont seulement les consommateurs qui sont concernés. Car, « il existe déjà dans la réglementation française, un droit à l’accès d’information pour les clients dont les primes dépassent 20.000 euros. De plus les grands risques (commerciaux, industriels) ne sont pas concernés, car ils peuvent déjà avoir accès à une certaine transparence sinon un courtier risquerait de perdre son client », défend Dominique Size, président de la CSCA, la chambre syndicale des courtiers d’assurance.

Avec le BIPAR, l’organisation soutient donc la proposition de Werner Langen d’étendre l’accès à l’information à la demande pour tous les clients dont les particuliers. « Il est préférable que s’installe un dialogue constructif entre le client et le courtier pour qu’il lui explique à quoi correspond sa rémunération, à quel service rendu plutôt que de ne regarder que des prix, parfois très bas qui peuvent correspondre à aucun service rendus, surtout en cas de sinistre », ajoute Dominque Sizès.

Pour Gilbert Brat, directeur des assurances du groupe La Poste, introduire un affichage systématique des commissions « va plutôt créer de la confusion auprès des consommateurs, pour des petites sommes. Ils seront conduits à privilégier les offres les plus basses, des mutuelles par exemple, sans pouvoir être en état de réaliser une comparaison pertinente ».

Point d’accord avec les associations de consommateur : la CSCA estime que la question des ventes liées (qui concernent plutôt les distributeurs ou bancassureurs) doit bénéficier d’une transparence totale.

En attendant, un vote final au Parlement en juillet, un consensus sur le texte semble loin d’être acquis. Le rapport de force semblant plutôt penché du côté du rapporteur Langen, « mais il est difficile de croire que la commission qui soutient un marché concurrentiel puisse accepter un tel retour en arrière, le projet risque fortement d’être repoussé », juge Gilbert Brat.

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