Avec son livre “Sociologie de l’obésité”, Jean-Pierre Poulain lève le voile sur les vrais enjeux de la nouvelle épidémie mondiale

    sociologie-de-lobesite-70Depuis qu’elle a été qualifiée par l’Organisation Mondiale de la Santé d’épidémie mondiale, l’obésité est sur le devant de la scène médiatique et politique. Après les Etats-Unis, tous les pays, y compris la France, semblent se découvrir obèses. On compte, on recompte, on expertise, on met en place des plans de lutte qui semblent sans effet. Que se passe-t-il donc ?

    Jean-Pierre Poulain, l’un des spécialistes de la sociologie de l’alimentation, bouscule ici les idées reçues, revenant sur un certain nombre de discours, de faits et de chiffres, pour nous révéler un envers du décor. L’obésité, parce qu’elle n’affecte pas avec la même intensité les différentes couches de la société, mais aussi parce que les personnes obèses souffrent du regard et des condamnations qui pèsent sur elles, est un véritable problème social.

    Les dimensions sociales de l’obésité ne se réduisent pas à ses déterminants sociaux : les niveaux et les modes de vie, les discriminations et stigmatisations dont sont victimes les personnes en surpoids ou encore les normes et les modèles d’esthétique corporelle. Il convient pour dépasser l’apparente et souvent aveuglante évidence problématique du corps obèse, de prendre en compte les controverses scientifiques qui traversent ce champ scientifique pour mettre au jour les jeux de concurrence et les stratégies conflictuelles entre acteurs du système médical, de l’agro-alimentaire, de l’industrie pharmaceutique, des médias et des différents ministères concernés.

    Ces controverses scientifiques, fondées sur les relations complexes que le monde de la recherche entretient avec ses bailleurs de fonds -publics ou privés- et avec les univers politique et médiatique invitent à regarder comment la question de l’obésité se thématise et devient une question de société. Comment elle s’organise alors avec d’autres questions sociales comme les crises alimentaires, la malbouffe, la mondialisation. Comment faire la part des polémiques actuelles ?

    À travers l’obésité, c’est bien les relations entre science, culture et société qui sont interrogées. Une fois les conditions de sa thématisation contemporaine analysées, il est possible de revenir à la question centrale de ce livre : quels peuvent être les apports des sciences sociales à la compréhension et à la prise en charge de ce sujet devenu « de société » ?

    Si l’obésité, comme le démontre Jean-Pierre Poulain, est une pathologie partiellement déterminée par le social, quelles stratégies de lutte peut-on mettre en place sans stigmatiser les obèses eux-mêmes, leur entourage, voire notre société toute entière ? Comment faire baisser l’intensité de la pression du modèle d’esthétique de minceur pour espérer limiter l’entrée en régime restrictif souvent à l’origine d’une carrière d’obésité ? Comment faire en sorte que la lutte contre l’obésité ne se transforme pas en une lutte contre les obèses et ne vienne donner une caution apparemment scientifique à des pratiques de stigmatisation et de discriminations ?

    En s’appuyant sur des données empiriques, Jean-Pierre Poulain nous livre les pièces pour réfléchir à une question sur laquelle notre société occidentale semble curieusement achopper. Pourquoi ? Comment ? Des amorces de réponses se font jour ici pour la première fois. Edifiant.

    Que pensez-vous du sujet ?

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