Assurance vie : Daniel Collignon, PDG d’Axéria Vie, livre ses astuces pour choisir son fonds en euros

    Un fonds ancien sera préférable pour un épargnant s’attendant à un scénario déflationniste à la Japonaise et un fonds récent sera plus intéressant si celui-ci anticipe un rebond des rendements obligataires.
    La comparaison entre taux brut et taux net permet de distinguer ce qui relève du seul marketing de ce qui reflète une stratégie de gestion des réserves saine et prudente.

    La sélection d’un fonds en euros paraît a priori une évidence. Les taux de rendement étant largement publics, il suffirait d’identifier le plus élevé. Simple. Seulement l’évolution du taux de rendement affiché par un fonds résulte tant de la nature de ses placements que d’une stratégie complexe de comptabilisation et de provisionnement des plus-values. Se fier au seul taux de rendement revient donc à ignorer ces options comptables et peut amener à sous-estimer leur impact sur les taux futurs. Seule la connaissance précise de la composition de chaque fonds permet finalement d’amener au bon choix. Il convient en effet de comparer la rentabilité des actifs obligataires, qui représentent entre 80% et 100% des engagements des fonds en euros, et les plus ou moins-values latentes des autres actifs (actions et immobilier) du portefeuille à ceux des autres fonds en euros pour connaître le meilleur.

    Mais voilà : faute d’obligation de transparence sur les placements affectés aux fonds euro, ce type d’information reste largement indisponible. Pour ces raisons, choisir un fonds en euros dans le maquis des offres en présence est loin d’être une évidence. L’épargnant est-il pour autant condamné à naviguer à vue, à sélectionner un fonds au hasard de son inspiration ? Peut-être pas. Car s’il ne peut connaître précisément la composition de chaque fonds en euros, l’épargnant dispose de quelques astuces encore largement sous-utilisées pour approximer le rendement à venir de chaque fonds ou du moins, pour limiter la chance de trop se tromper.

    Un premier paramètre important est l’âge d’un fonds euros, qui permet d’estimer l’importance relative des lignes obligataires anciennement acquises présentes dans le portefeuille. Autrement dit, il détermine l’influence du « poids du passé » sur le rendement. Explications. Si un épargnant anticipe un scénario déflationniste à la Japonaise et donc, un environnement durable de taux bas, il a tout intérêt à se tourner vers un fonds en euros ancien. Il est en effet vraisemblable que celui-ci détienne un stock important de lignes obligataires acquises à des taux plus élevés qu’au cours des années à venir. Ces fonds en euros  devraient donc être rapidement les mieux-disants en matière de rendement.

    S’il estime au contraire que la croissance économique repartira d’ici à un ou deux ans, il peut vraisemblablement s’attendre à un retour de tensions inflationnistes et donc, à un rebond des taux, courts et longs. Dans ce cas, les achats de nouvelles lignes par les assureurs se feront à des taux plus élevés qu’au cours des années passées. L’épargnant aura donc tout intérêt à se tourner vers un fonds en euros plus jeune, c’est-à-dire vers un fonds dont la rareté relative de lignes anciennes au rendement limité permettra de ne pas trop diluer le rendement plus élevé des lignes à venir.

    Une autre méthode consiste à comparer les taux brut et net. Ce dernier, effectivement constaté par l’épargnant, est le taux brut auquel est appliqué un pourcentage de participation au bénéfice et la déduction des frais de gestion. La comparaison de ces deux taux, disponibles dans les états de situation publiés par chaque assureur, permet d’estimer la politique de redistribution de chacun d’entre eux. Un différentiel peut refléter la mise en place de réserves importantes (provision pour participation aux excédents ou PPE) en vue de faire face à des années difficiles et de lisser les taux de rendement à venir. Il peut donc indiquer une stratégie de gestion prudente dans l’intérêt de l’épargnant. Il peut aussi simplement mettre en évidence le fait que l’assureur, grâce à ses investissements passés, peut prélever l’intégralité des frais prévus, ce qui est là aussi bon signe pour sa solidité financière, et permet d’anticiper des évolutions futures raisonnables.

    A l’inverse, un différentiel réduit, voire parfois négatif chez certains assureurs, montre une stratégie commerciale agressive à court terme, mais qui obère la capacité de l’assureur à maintenir ses taux de rendement futurs. Il peut en outre changer à tout moment cette stratégie commerciale, au risque de voir baisser alors très substantiellement les taux nets des fonds euro concernés. Autrement dit, la comparaison entre taux brut et taux net est un indicateur de ce qui relève du seul marketing, ou qui reflète une stratégie de gestion des réserves saine et prudente.

    Si les épargnants sont loin de disposer de toutes les informations nécessaires pour réaliser un choix pertinent en toute connaissance de cause, ils ne manquent pas d’indices pour prendre leur décision. A l’heure où l’évolution récente des marchés financiers a mis à mal les plus-values latentes de certains assureurs, cette gymnastique d’esprit est plus que jamais indispensable.

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