Risque terroriste : Le marché de l’assurance en ébullition

    L’année 2015 restera tragiquement dans les mémoires pour les deux vagues d’attentats qui ont frappé la France. Comme un électrochoc, elles ont remis le risque terroriste au centre des réflexions du secteur de l’assurance et de la réassurance.

    Couvrir un risque c’est avant tout le connaître, l’appréhender, puis le modéliser, pour le tarifer selon les garanties afférentes. Mais comment s’y prendre avec un risque qui peut survenir à tout moment, à tout endroit et sous des formes aussi différentes qu’une attaque terroriste ? « Les modèles probabilistes utilisés pour les catastrophes naturelles ne s’appliquent pas dans le cas particulier du risque terrorisme ; ce sont des phénomènes de nature totalement différente, souligne Laurent Montador, directeur général adjoint de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Nous travaillons depuis six ans sur des modèles spatiaux-physiques détaillés qui fournissent des évaluations de pertes selon des scénarios réalistes. » Pour des attaques à la bombe « traditionnelle », cela consiste ainsi à modéliser un environnement – nombre, composition des bâtiments… – puis de simuler des explosions selon différents paramètres (relief, vitesse des vents, composition des explosifs). Les résultats donnent une vision des pertes et donc une idée des montants de couvertures engagés.

    Pour autant, il s’agit de montants théoriques et non d’une approche actuarielle. « Hélas, le marché finira par avoir un échantillon statistique représentatif qui lui permettra d’affiner le risque, indique Louis Bollaert, directeur technique, crédit, risque politique et caution chez Aon France. Car pour l’heure, le risque terroriste reste, dans la grande majorité des cas, niché dans des contrats, dommages, avec des limites de décaissement assez basses ».

    En France, sur les grands risques, le pool Gareat constitué par les acteurs privés du marché de l’assurance et mis en place au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, permet de couvrir les entreprises dont les capitaux assurés, dans leurs contrats d’assurance dommages aux biens, sont supérieurs à 20 millions d’euros. Une première tranche de co-assurance intervient jusqu’à 500 millions d’euros. Puis, le marché de la réassurance intervient jusqu’à 2,48 milliards d’euros pour 2016. Au-delà le risque est pris en charge par CCR, avec la garantie illimitée de l’Etat . « Ce dispositif entre en action pour les dommages prévus dans l’article L126-2 du code des assurances et sur le sol français », précise Laurent Montador.

    La couverture des garanties annexes demeure la prérogative du marché privé, sans dispositif de mutualisation particulier mis en place. « Aujourd’hui, des polices d’assurance entièrement dédiées au risque terroriste sont de plus en plus demandées. Cela permet d’augmenter les limites de décaissement. Le marché réfléchit par ailleurs à renforcer la couverture du risque de perte d’exploitation sans dommages », détaille Louis Bollaert.

    L’exemple des attentats de novembre à Paris le démontre. Les dommages et les pertes d’exploitation directes sont couverts. Mais qu’advient-il des commerces adjacents qui ont subi indirectement les effets de ces attaques ? « Comment, par exemple, isoler l’acte terroriste de la météo ou du contexte de crise pour expliquer la désaffection de la clientèle ? », s’interroge Louis Bollaert.

    L’équation est complexe. D’autant plus dans le contexte de Solvabilité 2. La conjugaison d’une probabilité de sinistre en hausse et de niveaux de garantie également en augmentation, rend la couverture du risque terroriste particulièrement gourmande en fonds propres. « Deux possibilités sont dès lors envisageables. Augmenter la prime demandée aux assurés ou baisser les niveaux de garanties », avertit Laurent Montador. Nul doute que le sens de l’Histoire orientera le marché vers la première hypothèse. D’autant que, dans le contexte géopolitique actuel, les assureurs ont beaucoup de pression de la part des entreprises pour couvrir au-delà des garanties légales embarquées dans le cadre de Gareat.

    Il s’agit notamment de couvrir des entreprises qui opèrent à l’étranger. Et pas nécessairement dans des pays dits sensibles. « Le risque terroriste n’est pas calqué sur la carte des risques politiques. à titre d’illustration, en France et chez ses proches voisins, la menace terroriste est bel et bien présente », précise Louis Bollaert. La France compte un peu plus de 100.000 entreprises exportatrices. Les 1.000 premières concentrent environ 70% des exportations du pays et ont pris conscience du risque terroriste et des risques politiques depuis longtemps. Cette prise de conscience commence à se diffuser lentement dans les entreprises de taille intermédiaire qui sont à ce jour très peu couvertes contre cette menace.

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