L’immobilier sera-t-il une valeur refuge en 2012 ?

    Alors que les actions et les obligations sont malmenées par Solvabilité II et la crise financière, le premier réflexe pourrait être de se pencher sur l’immobilier comme valeur refuge. Mais la solution n’est pas si simple et certains prédisent même un krach du secteur en 2012.

    En période de crise, l’actif immobilier est souvent considéré comme une valeur refuge. Il peut intéresser pour son rendement, mais aussi comme outil de diversification des placements. Surtout, en situation d’inflation, il constitue une protection puisque les loyers sont indexés sur la hausse des prix. Les assureurs détenaient 65Mds d’actifs immobiliers en 2010, et selon les chiffres de la FFSA, la part de la poche immobilière est descendue de 4,2% à 3% entre 2000 et 2010.

    Pour 2012, plusieurs acteurs et analystes envisagent une sortie de crise par l’inflation. « Quelques assureurs ont une bonne position en immobilier et en tirent profit aujourd’hui, confirme Cyrille Chartier-Kastler, président de Fact&Figures. L’immobilier résiste très bien à l’inflation mais ce n’est pas un actif très liquide : cela prend du temps de vendre un immeuble. »

    En effet, selon une étude du cabinet State Street Corporation, la durée entre l’initiation et la finalisation d’un accord a presque doublé entre 2007 et 2010 de 9,3 mois à 16,7 mois. Pour M. Chartier-Kastler, l’immobilier résidentiel n’est pas le marché le plus attractif. « Mais prendre de l’immobilier de bureau de bonne qualité dans des bassins d’emploi attractifs peut donner un bon rendement locatif. » Sans jamais cesser d’évaluer la pertinence de l’investissement.

    Le krach est-il à craindre ?

    Ainsi pour certains assureurs, le krach immobilier n’est pas loin. La poche immobilière est faiblement représentée à la Maif, entre 2,3% et 10% selon la structure. Pour Benoit Jullien, directeur des placements et des investissements, les prix se sont maintenus artificiellement trop haut et trop longtemps : « Aujourd’hui, à moins de s’endetter sur 25 ou 30 ans, les jeunes générations d’actifs sont incapables d’acheter. Le secteur a été longtemps subventionné à coup de mesures fiscales pour faire progresser le stock d’immeubles. Mais cela a eu un effet désastreux : les prix se sont ajustés non pas sur la capacité réelle des agents à payer, mais sur les moyens des investisseurs institutionnels. »

    Autre frein à l’investissement en immobilier : les banques resserrent le crédit. « Le credit crunch est en cours de généralisation », prévient Benoit Jullien. Sans compter le Grenelle de l’environnement qui va rendre une grande partie du stock immobilier obsolète, et le chômage grandissant qui va pousser les entreprises à avoir moins besoin de mètres carrés pour loger leurs salariés.  « Nous nous attendons à un ajustement de valeur assez fort, entre 10 et 15% », confie Benoit Jullien.

    D’où une réduction prévue de la poche immobilière, qui devrait tomber autour de 2,5% pour Parnasse Maif (branche vie) : « Tout en étant sous-pondéré en immobilier, nous allons nous orienter vers de l’immobilier Haute Qualité Environnementale (HQE) et un peu moins sur l’immobilier de bureau. » La Maif mise aussi sur l’investissement socialement responsable, avec des résidences étudiantes.

    Diversification géographique

    Chez Axa Real Estate, les prévisions ne sont pas aussi radicales. Laurent Lavergne, Head of Fund Management, explique que l’assureur s’adaptera à la conjoncture économique. « Le portefeuille que nous gérons pour Axa France représente à peu près 8,5Mds d’euros, soit 7% du bilan », décrit-il. Le portefeuille est investi pour moitié en immeubles de bureaux,  pour un quart en commerces et centres commerciaux, pour environ 10% en habitation et le reste est réparti entre de l’immobilier de logistique, d’hôtellerie, avec un peu de foncier et des forêts.  

    « Cela fait un moment que nous avons ce type d’allocation, explique Laurent Lavergne. Ce que nous cherchons, ce sont des immeubles efficients, bien localisés sur leur marché. Mais le mouvement entamé depuis quelques années, c’est de diversifier le patrimoine au-delà de la France. » Aujourd’hui, 10% des actifs immobiliers d’Axa France sont situés à l’étranger : en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, avec l’objectif de porter cette exposition à 20%.  « L’idée est de déployer progressivement un portefeuille international moins sensible à ce qui se passe sur un seul marché. »

    Acheter ou vendre selon la conjoncture

    Autre avantage des actifs hors de France : la durée plus longue des baux. « Il y a des marchés où l’on peut trouver des baux très longs de 15 ou 20 ans, alors qu’en France c’est 5 à 6 ans. » Or, selon le raisonnement de Laurent Lavergne, en temps de crise, l’immobilier n’est un refuge que pour la durée des baux qui ont été signés. « S’il y a plus de chômage, il y aura plus de vacance dans les immeubles et donc une baisse des loyers. Ce qui paraît être un revenu garanti ne le sera plus. »

    Axa Real Estate va donc s’adapter à la conjoncture : « Si les prix continuent à monter nous serons plutôt vendeur qu’acheteur car nous considérerons qu’ils sont devenus trop élevés par rapport à ce que les actifs méritent intrinsèquement. » L’assureur ira alors investir encore un peu plus dans d’autres pays. Mais si les prix s’ajustent, il sera sans doute plus investisseur que vendeur. « Notre poche immobilière ne devrait de toute façon pas évoluer de façon significative. Les modifications tactiques dépendront des conditions du marché. » Le refuge ne semble plus si sûr qu’auparavant.

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